Après la réception épique du Valencia CF au Metropolitano qui s’est soldée par une victoire 3 buts à 2 en faveur de l’Atlético de Madrid, on a pu avoir sous les yeux, en 99 minutes, un concentré de ce qu’est l’effectif du Cholo Diego Simeone cette saison. Alors entre difficultés tactiques évidentes et force de caractère qui force le respect, quelle situation sportive pour le champion d’Espagne en titre ?
Malgré un effectif parmi les plus fournis de Liga et même peut-être un des plus qualitatifs d’Europe, malgré un 3-5-2 novateur et inédit mis en place par Diego Simeone et son adjoint Nelson Vivas, l’Atlético est à la peine cette saison avec 9 victoires, 6 nuls et 6 défaites. Avec déjà 2 défaites de plus que la saison passée, un Real Madrid ressuscité depuis le retour d’Ancelotti et une grande compétitivité des 2 clubs sévillans, les espoirs de sacre s’envolent déjà en janvier.
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Pourquoi cet échec ?
En cause de nombreuses difficultés tactiques et individuelles. En effet, le 3-5-2 mis en place la saison passée ne surprend plus les équipes adverses, parfois bousculées par le changement radical de style de jeu de l’Atlético. Désormais elles s’y adaptent, jouent en bloc plus compact et procèdent par contre-attaques bien senties. Perturbée par ces nouvelles difficultés, l’équipe rojiblanca ne trouve pas les solutions pour garder le contrôle sur ses matches et perd en confiance au fur et à mesure qu’elle est attaquée à ses fondements. Cette perte de confiance se ressent aussi bien sur dans l’efficacité de joueurs cadres la saison dernière. Oblak n’est plus aussi serein que les dernières années, Koke n’est plus que l’ombre de lui-même au milieu de terrain et Suarez ne trouve plus le chemin des buts et pour être parfaitement honnête, réussir à combiner avec ses coéquipiers est déjà une réussite pour la légende uruguayenne.
Par ailleurs, l’effectif est tant fourni qu’il en devient paradoxalement handicapant pour le club. On connaît notamment Simeone pour toujours s’être débrouillé avec un nombre de joueurs limité, intégrant régulièrement de jeunes espoirs (tels que Koke, Saul ou Lucas Hernandez) afin de palier à la maigreur de son équipe. Mais avec un recrutement XXL sur les dernières saisons, le voilà en présence de 5 attaquants pour une attaque à 2 pointes, 6 milieux centraux pour un trio presque indéboulonnable, les postes de pistons doublés, et seule exception, 4 défenseurs centraux pour 3 titulaires. Un effectif particulièrement déséquilibré que Simeone ne semble absolument pas capable de gérer, à notre grande surprise. Le statut d’indiscutable de Griezmann en défaveur du joueur le plus décisif du club Angel Correa, et de Suarez à la place d’un Cunha rafraîchissant et d’un Félix en recherche de régularité en sont de parfaits exemples. Au final l’entraîneur ne fait que jongler entre les joueurs, le XI titulaire changeant à chaque rencontre semble-t-il plus dans le but de satisfaire les egos et respecter les statuts plutôt que dans l’objectif d’un groupe adapté à l’adversaire.
Une défense centrale décimée et une unité en danger
Pour ne pas aider, le manque de défenseurs centraux que beaucoup d’observateurs avaient souligné, notamment par l’étonnement de ne voir aucun recrutement suite à l’accord de prêt pour Nehuen Perez tandis qu’un milieu et 2 attaquants étaient recrutés, se fait ressentir sur ces dernières semaines. Les blessures successives de Savic et Gimenez, l’un sujet aux petites blessures fréquentes et l’autre aux absences à la fois trop régulières et trop longues, ont mis à mal la ligne arrière de l’Atlético, s’appuyant sur un Felipe et un Hermoso plus friables que jamais. Simeone s’est vu dans la situation difficile où il a du à plusieurs reprises décider entre son système impliquant un bricolage avec Kondogbia ou Vrsaljko ou un retour au célèbre 4-4-2 détruisant la construction tactique établie depuis 1 an.
Au delà de ces problèmes qui mettent en lumière toutes les difficultés rencontrées par l’Atlético de Madrid, une division très profonde semble se creuser entre d’une part les acteurs internes du club (staff, joueurs, direction) et d’autre part les acteurs externes du club (médias, supporters, commentateurs) au fur et à mesure que le club déçoit par ses résultats. D’un côté Simeone s’acharne à voir le positif dans chaque match, à souligner un manque total de réussite pour son équipe et une réussite maximale de l’adversaire (tout à fait vérifiable statistiquement), des joueurs affichant une solidarité et une humilité certaines dans leurs discours malgré les réactions frustrées et de fatigues sur et en dehors du terrain. D’un autre côté les médias espagnols et étrangers pointent les difficultés sportives et les relient à des supposées division dans le vestiaires, à des rumeurs de départ pour les joueurs cadres (l’on est pas sans savoir que la majorité de la presse sportive espagnole est favorable au Real Madrid). Les supporters, eux, se sentent de plus en plus trahis par des signes de lassitude, d’abandon moral de la part des joueurs, des discours réchauffés à chaque conférence de presse.

Le réveil ?
Cependant stopper l’analyse de la situation du club ici relèverait de la mauvaise foi voire même de la faute professionnelle. En effet, il y a encore dans cet Atlético des raisons de croire à un réveil ou en tout cas un sauvetage de l’honneur du club. Des atouts tant individuels que collectifs, le club colchonero en a et peut les faire valoir.
Le premier d’entre eux est bien évidemment la qualité intrinsèque des joueurs de l’effectif. Un Lemar constant et brillant, les éclairs de génie de Carrasco ou Félix ainsi que l’efficacité offensive de Correa et Cunha sont autant de raisons de penser que l’Atlético a les ressources pour se reconstruire sur des certitudes techniques élevées. A cela s’ajoute un facteur déterminant et qui se révèle dans les moments les plus compliqués comme durant le dernier match face à Valence où après être mené 0-2 à l’heure de jeu : la force de caractère légendaire de l’Atlético. L’effectif a toujours une âme et chaque but inscrit est salué comme une libération dans la liesse la plus totale. L’Atlético est composé de joueurs qui ont encore la foi dans leurs capacité. A eux de se donner le défi nécessaire de se dépasser pour leur honneur et celui du club.
Enfin, des raisons tout aussi factuelles permettent d’y croire, notamment le nombre incroyable d’occasions très dangereuses créées par l’Atlético qui sous-performe d’un point de vue statistique. Là où il est très compliqué pour les Rojiblancos de tomber plus bas, les autres clubs peuvent connaître un coup d’arrêt dans leur dynamique. Le 12e homme représenté par les supporters est aussi peut-être une des clés du sauvetage du club d’une potentielle crise sportive. C’est dans ces moments que le supporter est le nécessaire, que ça soit dans les stades, au centre d’entraînement ou sur les réseaux sociaux. Créer une atmosphère particulièrement positive et ambitieuse c’est déjà gagner quelques points.
En bref, cette 2e partie de saison s’avère déjà épique à suivre et l’on est pas à l’abri d’une ou deux surprises, en espérant qu’elles soient positives pour l’Atlético afin qu’une autre géant d’Espagne n’entre pas en crise.
François (@vistafrou)