Elche / Pastore, qu’importe le Flaco pourvu qu’on ait l’ivresse

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Javier Pastore, l’homme qui a fait passer des nuits torrides à de nombreux supporters du PSG, a posé ses valises à Elche cet été. Un choix surprenant mais logique au vu des dernières saisons de l’Argentin à la Roma. Plutôt que de retourner au pays pour boucler la boucle, El Flaco a décidé de rejoindre la Little Argentina de Liga. Un choix pas encore payant et qui résume bien les difficultés autour du cas Pastore. Explication.

En 2009, quand le natif de Córdoba rejoint l’Europe et la Serie A, c’est un crack annoncé qui débarque sur le Vieux Continent. Milieu de terrain offensif élégant, capable de marquer et de faire marquer, doté d’un sens aigu du dribble et d’un profil longiligne, Palerme flaire le bon coup. On le suit avec plaisir en Argentine, tant le jeu de Pastore est beau et élégant, rappelant à beaucoup que l’esthétisme est important dans le football. En 2021, Pastore joue dans un club modeste espagnol dans un championnat qui ne lui permet pas de porter son emblématique numéro 27, ne déchaine plus vraiment les passions et n’existe dans les mémoires que par ses meilleurs moments qui commencent à dater. À 32 ans, El Flaco est-il vraiment terminé ?

Un chemin tortueux jusqu’à Elche 

La carrière européenne de Javier Pastore est allé crescendo. Après avoir conquis l’Italie avec Palerme où, avec notamment Fabrizio Miccoli et Edinson Cavani, il devient un incontournable qui marque énormément et dispute une finale de Coppa, il signe chez le nouveau riche de Ligue 1 : le PSG. L’Argentin incarne pleinement le changement de dimension du club parisien qui veut bien jouer au football et devenir une référence mondiale dans le monde du ballon rond. Pastore sert à remettre le club sur la carte et affiche sa surface financière supérieure en posant 42M€ sur la table. Sa première saison en France est magnifique sous les ordres de Carlo Ancelotti. Puis les changements de système et les premiers petits pépins physique le font reculer dans la hiérarchie. Éloigné du cœur du jeu, il est de plus en plus difficile à connecter au jeu. Pastore a besoin d’avoir une équipe construite autour de lui, et ce n’est pas facile tant son rendement est fluctuant. Pastore peut être génial deux mois et discret les deux suivants. Et l’époque n’est plus à ce genre de courbes…

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En 2018, il retourne en Italie dans le contexte usant de l’AS Roma. L’investissement giallorosso est conséquent et difficilement compréhensible tant Pastore semble loin de son meilleur niveau. Devenu directeur sportif du club, Monchi semble pourtant savoir ce qu’il fait. Trois saisons après, on peut se dire qu’il s’est bien trompé. L’Argentin n’a jamais retrouvé jamais son niveau palermitain, enchaînant les blessures et ne dépassant jamais les 600 minutes jouées par saison en Série A. Après un exercice 2020-2021 blanc, la Roma le libère de son contrat. Pastore reste un nom, il attire les convoitises en surface mais n’a pas vraiment de propositions concrètes.

Alors que l’OL vient même aux nouvelles, Pastore décide de rejoindre Elche à la fin de l’été 2021. Un choix pas si surprenant quand on sait que le club a une colonie albiceleste très importante. La raison ? Christian Bragarnik, actionnaire principale du club depuis la saison dernière. L’homme qui vendait des DVD au début de sa vie d’adulte et devenu au fil du temps agens de joueurs, conseiller pour des clubs, patron de club puis dirigeant de fédération se retrouve à la tête d’Elche, son premier tremplin européen. À la tête d’un empire en Argentine, ses réussites, comme avec le petit club de Defensa y Justicia, suscitent jalousie et aussi méfiance. Une loi pour limiter son influence a même failli voir le jour ! Après avoir signé des joueurs dont il gérait les carrières comme Pipa Benedetto, Lucas Boyé ou encore Iván Marcone, Bragarnik a signé son premier gros coup médiatique avec Javier Pastore.

« Le cas Bragarnik est complexe. Son omniprésence dans le football continental en exaspère plus d’un. En étant agent de la plupart des joueurs et entraîneurs argentins, puis dirigeant ou conseiller de plusieurs clubs, il multiplie les casquettes et pollue les relations. Sa réputation n’est pas flatteuse, même si le parcours et les titres du petit Defensa y Justicia sont jalousés par les concurrents ».
Nico de la Rua, Lucarne Opposée

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Un contexte pas favorable à l’émergence d’un profil comme Javier Pastore

Le choix de signer à Elche a laissé un goût amer en Argentine.

« Aujourd’hui proche de la retraite, les Argentins sont surtout déçus de ne pas voir Pastore rentrer au pays en bouclant la boucle du côté de Talleres, à Córdoba. L’image aurait été magnifique »
Nico de la Rua de Lucarne Opposée

Deux mois après sa signature à Elche, Javier Pastore n’a vécu qu’une seule titularisation, face à l’Espanyol, le 23 octobre. Le bilan est faible : 150 minutes jouées en 5 journées. Tout le monde savait qu’il fallait être patient avec Javier Pastore qui sort de trois saisons très difficile en Italie, sans parler de sa fin de trajectoire au PSG. Que son physique, qui a toujours été très fragile, devait trouver un environnement sain lui permettant de se remettre en confiance pour pouvoir enchainer. Après avoir apprécié son arrivée, Fran Escribà a commencé à mettre la pression sur son joueur, expliquant en conférence de presse que le Flaco devait être en capacité de jouer plus de minutes et avoir le même rendement en compétition qu’à l’entraînement. 15e après 11 journées avec 10 points, Elche n’est pas encore dans le dur mais sait qu’il faudra cravacher pour acquérir de nouveau le maintien.

« Son arrivée a été une joie. C’est un joueur de grande qualité, il va beaucoup nous apporter. Il a peu joué mais c’est un joueur d’un autre niveau et, quand il participera, ça comptera » Fran Escribà sur la signature de Javier Pastore.

Après des débuts en 352 -ou 532 en fonction des choix d’hommes- Escribà est revenu à un 442 plus strict récemment, au vu du manque de victoires. Avec un effectif chamboulé, le coach ilicitano doit créer une dynamique et surtout faire émerger des associations qui permettent de rapprocher l’ensemble des joueurs de leur meilleur niveau, le tout avec une dynamique collective intéressante. C’est là que le cas Javier Pastore va commencer à poser question. Timide pour sa seule titularisation, El Flaco a besoin d’un contexte particulier pour performer. Il doit être le plus proche du centre du jeu, être en mesure de dicter le tempo, d’avoir une multitude de solutions autour lui. Plus il se trouve proche de la surface de vérité adverse mieux c’est. Il doit aussi être en confiance pour être en capacité de montrer sa fabuleuse qualité technique qui est aussi intéressante pour créer des espaces que pour mettre des étoiles plein des yeux des supporters. Sauf que tout ça, c’est difficile à mettre en place quand on doit se battre pour le maintien et que le joueur n’apporte aucune certitude dans la durée. Bien souvent, quand c’est dur en termes de points, on préfère mettre un gars moins doué mais qui va au mastic plutôt qu’un joueur élégant mais discret dans les duels.

« Pastore reste pour beaucoup d’Argentins le dernier symbole d’un football romantique où l’esthétique garde une grande place. Ils gardent un oeil amoureux, même s’il ne déchaîne plus les passions. La seule attente est qu’il nous fasse plaisir en se faisant plaisir sur le terrain »
Nico de la Rua de Lucarne Opposée

Crédits : Iconsport

La disparation du meneur de jeu au profit de joueurs plus travailleurs, combinée à des matchs toujours plus nombreux et aux changements de coachs toujours plus rapides rendent difficile un travail profond avec les effectifs. Les entraîneurs parent bien souvent au plus pressé, tant il est difficile de mettre en place un projet viable. Travailler dans un contexte tendu où ta place peut être remise en question après chaque défaite n’est pas sain. Les profils comme Pastore pâtissent de cela, logiquement. Et Escribà, dans sa position actuelle, ne pourra pas lui faire une trop grande place. Il faudra donc que l’Argentin s’adapte et se fasse violence. En a-t-il les moyens physiques ?

Pastore l’a expliqué récemment au micro de RMC : il a commencé tranquillement avec Elche et doit être maintenant en mesure de jouer davantage. Avec une seule année de contrat en Espagne, le Flaco sait très bien que rien n’est assuré pour lui malgré la présence de Christian Bragarnik au club. S’il est en mesure d’enchaîner et qu’Escribà (ou un autre, on sait que les entraineurs sont virés rapidement à Elche) trouve le schéma pour le rapprocher du contexte où il est le plus fort, tout en remettant dans le bon sens des joueurs comme Pipa Benedetto et Lucas Pérez, Elche pourra s’en sortir sans peine. Mais dans un championnat très homogène, aucun rival n’attendra les Ilicitanos. La défaite contre Alavés lors de la 11e journée l’a démontré. Et si les points continuent de se faire rares, Pastore sera l’une des premières victimes du retour à un football plus conservateur.

Benjamin Chahine
@BenjaminB_13

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