Depuis plusieurs saisons, le FC Barcelone cultive la culture de l’excuse. Le paroxysme de cette tendance a lieu cette saison. Le départ de Leo Messi a mis les Culés à nu. Sans son génie, il n’y a plus rien, tactiquement comme physiquement. Ronald Koeman a eu beau se cacher, sa gestion pathétique a pris fin après un revers sur la pelouse du Rayo Vallecano. Pour Joan Laporta, c’est le moment de reprendre en main une institution qui a complètement oublié que tout part du terrain.
« Les excuses, c’est comme les trous du cul : tout le monde en a »
Sergent Red O’Neill alias John C. McGinley, Platoon
Le Barça n’a plus d’argent. Le Barça a perdu le meilleur joueur de son histoire. Le Barça ne sait plus quoi faire de ses cadres vieillissants. Le Barça a un président au passé certes glorieux mais qui ne s’attendait pas à tomber sur une situation aussi complexe. Le Barça avait un entraîneur qui n’aurait jamais été nommé s’il n’avait pas été un grand joueur du club. Et une fois que ces constats sont établis, on fait quoi ?
Le problème du Barça n’est pas d’être un club en difficulté ou de moins bien jouer. Le problème du Barça est qu’il refuse d’admettre qu’il en est là par sa propre faute. Qu’il s’est aveuglé pendant des années, se contentant de la lumière Messiesque pour se sortir des mauvais pas sportifs comme financiers. Ernesto Valverde et Quique Setién étaient déjà des erreurs de casting, le premier car il est un entraîneur de contre-attaque et pas de possession, le second car il est arrivé à contre-temps et très méconnu par ceux qui l’encensaient après de bons passages à Las Palmas et au Betis mais également marqués par des trous d’air énormes.
La nomination de Ronald Koeman est du même acabit. Sans référence au très haut niveau, plutôt en réussite à la tête des Pays-Bas mais dans un rôle de sélectionneur qui n’a rien à voir avec celui d’entraîneur au quotidien, le buteur de la finale de 1992 est un caractériel et un tacticien spécialement médiocre. Incapable d’envisager une transition nécessaire et pour laquelle il avait été nommé, Koeman a fait comme ses 2 prédécesseurs : attendre que la lumière vienne de Messi, se contenter de sa relation avec Jordi Alba et prier. Des fois, prier ça marche : il a publiquement conseillé à Pedri de partir en prêt avant de devoir l’aligner vu qu’Arturo Vidal et Ivan Rakitic avaient fini par prendre la porte. Ça mérite une caisse du meilleur cava à Pepe Mel qui n’a pas eu peur de l’aligner en Segunda à 16 ans ! Éparpillé au Camp Nou contre le PSG en Champion’s avec la pire tactique possible pour contrer la vitesse de Kylian Mbappé, troisième de Liga après un rush de quelques matches qui n’était qu’un chant du cygne rebaptisé par les plus aveugles (ceux qui se contentent de l’écume des choses, reprochent aux autres leur manque de lucidité par supportérisme basique et, finalement, connaissent si peu « leur » club) « le Koemanball », une resucée de la flemme tactique de Valverde et Setién (alias l’autoroute sans péage Alba-Messi), le Barça n’a plus rien à proposer ou presque.
Aussi bien Koeman que les dirigeants passés et actuels savaient pertinemment que Messi pouvait mettre les voiles depuis la fameuse affaire du burofax. L’Argentin est resté une saison de plus, maintenant tout le monde hors de l’eau (une fois de plus) sans pour autant maintenir l’illusion jusqu’en Ligue des Champions, s’impliquant dans les élections en venant voter pour la 1re fois. Mais évidemment rien n’avait été prévu en cas de départ inopiné. Le manque de travail de Koeman et son staff est éclatant désormais. Il n’y a rien ou presque. Mis à part toutes sortes d’excuses. A des problèmes collectifs, les réponses sont toujours individuelles, essentiellement fondées sur le besoin d’ailiers. Comme si le retour du Barça dépendait d’Ousmane Dembélé, pourtant très critiqué depuis son arrivée, d’Ansu Fati qui est resté un an sans jouer, voire de Martin Braithwaite ! Ce qui transparait dans quasiment tous les matches du Barça, c’est le manque d’implication physique. Contre l’Athletic, sans un but improbable de Memphis Depay, les Blaugranas auraient perdu de la manière la plus logique du monde. Contre Granada, face à une équipe qui n’a rien proposé, l’équipe a encaissé un but d’emblée avant de répondre pendant plus de 80 minutes par une palanquée de centres, avec un duo d’attaque Ronald Araújo-Gerard Piqué ! Contre Cádiz, les Culés ont toujours été en retard dans les duels. Contre le Bayern, le collectif s’est liquéfié. La correction était cinglante mais excusée : c’était le Bayern en face ! Contre Benfica, 3-0, aucun tir cadré, un but encaissé dès la 2e minute, Eric García exclu comme contre l’Athletic, des choix aberrants, une prise de décision risible avec un 2e but encaissé 30 secondes après le triple changement inutile de Koeman avec un poste pour poste multiplié par 3 et une mise à l’index ad hominem d’un gamin, Nico González, propulsé titulaire et sorti comme un malpropre après 45 minutes. En Liga, l’Atlético puis le Real Madrid ont gagné à leur tour sans forcer, rendant les résultats encore plus humiliants.
En conférence de presse, Koeman fait à chaque fois la preuve qu’il n’y a pas assez de travail de fond (comment peut-on être autant à la rue dans les duels, sur les seconds ballons, sur le positionnement de la défense adverse, sur le placement de sa défense, sur les circuits basiques de passe, sur l’immense no man’s land au milieu quand bien même le match débute en 3-5-2 ou en 4-2-3-1 ?), se trompe de joueur à cibler, se trompe de composition, se trompe de schéma tactique. Et ça, ce n’est pas la faute de la situation économique du club, des soucis institutionnels, de sa mauvaise relation avec Joan Laporta. Beaucoup d’excuses et trop peu de solutions apportées malgré la paix royale que lui a fiché la presse pendant un an ! Aligner les jeunes est une chose, les mettre dans de bonnes conditions en est une autre. Alors il a retenté le coup avec les Gavi, Nico, Demir. Par opportunisme, pas par conviction. Après tout, sait-on jamais, sur un nouveau malentendu… Sans cadre prédéfini et travaillé en amont, comment les faire performer sur la durée et en faire des éléments d’avenir et non un all-in foireux ? Après 14 mois de mandat, qui a progressé sous les ordres de Koeman ? Qui a retrouvé un minimum de niveau parmi les cadres ? Ça, ce n’est pas une question d’argent, c’est une affaire d’implication, de méthode, de rigueur constante.
Le fatalisme est le nouveau sponsor du Barça. A force de croire que la gloire acquise est perpétuelle, les Blaugranas foncent dans le mur un peu plus vite chaque semaine. Laporta ? Si ça a marché une fois, ça marchera une seconde ! Koeman ? S’il a marqué le club comme joueur, il le marquera comme entraîneur ! Les cadres ? Ils ont été bons, ils le seront de nouveau ! Les jeunes ? Pedri a réussi, les autres suivront ! Il n’y a pas de mouvement ? Les ailiers blessés le feront quand ils seront de retour ! L’incantation plutôt que le travail, l’individuel plutôt que le collectif. Tant que la culture de l’excuse sera la norme, le Barça s’enfoncera dans le ridicule et le vide. Le nouvel entraîneur blaugrana aura beaucoup de travail. Il aura le droit se tromper. Mais pas de se retrancher derrière la fatalité. Parce que ça, tout le monde peut le faire et, justement, le Barça, ce n’est pas n’importe qui.
François Miguel Boudet