Ancien joueur du Barça, Francisco García Pimienta a été l’un des formateurs les plus en vue au FC Barcelone pendant plus de 15 ans. Messi, Fàbregas, Busquets, Nico, Mingueza, Puig : tous ont évolué et grandi sous ses ordres. Écarté du club l’été dernier par Joan Laporta et en attente d’une opportunité, le technicien s’est longuement confié pour ¡Furia Liga! sur le modèle de formation blaugrana et l’influence indépassable de Johan Cruyff.
Francisco García Pimienta, vous avez fait partie de la « Quinta del Mini » avec le Barça B en tant que joueur, puis vous êtes devenu un formateur emblématique du club. On dit de vous que vous êtes plus Cruyffiste que Cruyff lui-même !
C’est tout à fait vrai ! (Rires) J’ai eu la chance de jouer dans toutes les catégories de jeunes du Barça, de 12 à 23 ans. Je suis entré en 1986 et Johan Cruyff est revenu en 1988. Il a mis en place la même méthodologie d’entraînement et de jeu pour toutes les équipes, avec succès. Je l’ai vécu à la première personne dans un club qui était doté des meilleurs joueurs de Catalogne, voire d’Espagne, de mes 14 ans à mes débuts avec l’équipe première 9 ans plus tard. Je ne dis pas qu’il faut avoir été joueur pour devenir un très bon entraîneur. En revanche, tu as un avantage si tu l’as vécu. J’ai ensuite pu l’expérimenter comme technicien pendant 17 ans, du cadete au Barça B lors des 3 dernières saisons.
Vous avez été une des chevilles ouvrières de cette méthodologie qui fait référence.
C’est un cheminement qui a duré 30 ans. Je crois que cette manière de tous s’entraîner de la même manière fait comprendre aux joueurs que c’est la meilleure façon de gagner. On s’en rend compte récemment avec Gavi. Il est très jeune et, on le voit avec l’équipe première, il a déjà intériorisé cette manière de jouer et de gagner. Nous recrutons un profil très clair pour développer cette façon de jouer. Maintenant que le club a décidé de se passer de mes services, je sais que je ne pourrai pas faire pareil dans un autre club car les joueurs, aussi bons soient-ils, n’ont pas intériorisé cela.
Votre départ a surpris beaucoup de monde…
Moi aussi ! (Rires)
« Pour leur manière de comprendre le football, Gavi, Riqui et Nico peuvent jouer ensemble, sans aucun doute »
Vous évoquez Gavi mais il n’est pas le seul. Nico González est également monté, Ansu Fati est revenu après un an de blessure et a déjà réalisé de belles performances. Cependant, on a l’impression que Ronald Koeman, malgré son immense passé de joueur au Barça, est nourri d’autres influences.
Les joueurs qui sont arrivés très jeunes au club sont compétitifs et veulent tous gagner. Ils ont un ADN très établi et ils ont été éduqués à jouer de la sorte depuis très longtemps. Dans les catégories inférieures, on leur a inculqué une certaine manière de jouer. Peu importe l’adversaire dans des tournois nationaux ou internationaux, ils doivent jouer comme on leur a appris. C’est pour cela que l’entraîneur de l’équipe doit croire en ça. Le plus grand succès de l’histoire du club, c’est quand il y a eu, aussi bien dans l’effectif que dans le staff, autant de joueurs formés à la Masia, avec Johan Cruyff mais surtout avec Pep Guardiola, sans oublier Tito Vilanova qui était parmi ceux qui croyaient le plus en cette façon de jouer. Pour la simple et bonne raison que le Barça pouvait avoir cette philosophie et tout gagner, même la Ligue des Champions. Il faut que l’entraîneur croie vraiment en ça et valorise le potentiel du club depuis le fútbol base.
On imagine que cela a contribué aux performances de Lionel Messi ou de Sergio Busquets qui ont évolué quasiment toute une vie dans la même configuration ?
Avec Messi, on parle du meilleur joueur du monde qui pourrait très bien jouer dans n’importe quel endroit. Quant à Sergio Busquets, c’est le joueur typique de la cantera qui a évolué dans l’une des positions les plus difficiles selon moi dans le fútbol base au Barça : celui de 6. En fait, de nombreux clubs évoluent avec deux pivots : quand l’un se trompe, l’autre peut l’aider. Au Barça il n’y en a qu’un seul. Donc il doit jouer pour deux. Tu peux être bon avec le ballon mais si tu te trompes quand tu ne l’as pas ou que tu subis la pression adverse, le rival peut attaquer la ligne défensive et générer une situation qui te met en danger. Son positionnement est très important. Busquets est l’exemple qu’un joueur qui vient du bas de la pyramide peut s’adapter parfaitement à cette position. Il se passera la même chose avec Nico quand, dans 2 ou 3 ans, Sergio Busquets arrêtera. Il remplira ce rôle car il a déjà intériorisé cela. Je l’ai eu la saison dernière avec le Barça B et ce sera un 6 d’envergure mondiale avec le Barça.
Nico a un père célèbre : Fran, un des symboles du SuperDepor (photo). Est-ce que cette filiation entre en jeu, notamment au niveau de la mentalité et de la régularité des efforts pour atteindre des objectifs élevés ?
Leurs caractéristiques respectives sont très différentes. Fran était un intérieur qui pouvait jouer ailier avec beaucoup de déséquilibre dans le un contre un et avec le sens du but. Nico peut très bien jouer intérieur, il en a les capacités, mais il a les aptitudes d’un 6 car il est plus grand, plus fort et il assume de prendre des risques dans une zone dangereuse du terrain. Pour moi, avoir un père qui a été professionnel est un avantage pour lui car il a vu l’exigence au quotidien. Mais j’en suis certain et vous verrez : aujourd’hui, on dit que Nico est le fils de Fran mais bientôt on dira que Fran est le père de Nico !

Il y a un troisième joueur pour former ce triangle au milieu mais qui ne joue quasiment pas avec Koeman : Riqui Puig. Les trois peuvent ensemble ?
Pour leur manière de comprendre le football, sans aucun doute. Je les ai faits jouer avec le Barça B, dans un championnat très difficile, quand ils avaient seulement 18 ans avec Jandro Orellana et Álex Collado. Ils ont un profil très associatif mais pas denses physiquement. Au niveau de la compréhension du jeu, ils étaient les meilleurs. Or dans le football, il n’y a pas que ça. Nous avons affronté beaucoup d’adversaires pour qui l’aspect défensif est très important. Je suis certain qu’ils pourraient jouer ensemble, y compris avec Pedri dont on dirait qu’il a été formé chez nous, ce qui est extrêmement rare.
Vaut-il mieux pour un ailier de jouer sur son pied naturel ?
J’étais moi-même ailier et je préférais jouer sur mon pied droit. Il faut chercher les vertus de chaque joueur. On ne peut ériger une règle absolue en exigeant qu’on doive jouer sur son pied naturel ou obligatoirement être un ailier inversé. J’ai eu sous mes ordres Carles Pérez qui évolue désormais à la Roma. Il est gaucher mais quand il jouait à gauche, il valait 5 ou 6. Mais quand il était à droite, il valait 8, 9 voire 10. Pourquoi ? Parce qu’il avait des facultés pour rentrer sur son bon pied et frapper. En revanche, Adama Traoré et Jordi Mboula sont des droitiers qui préfèrent jouer à droite car ils sont meilleurs dans le un contre un sur leur jambe agile qu’avec leur pied gauche. Il faut faire jouer les joueurs là où ils ont le meilleur rendement pour eux et pour l’équipe.
Et qu’en est-il de Konrad de la Fuente ?
Il a 20 ans, il a besoin de tranquillité. Il ne faut pas oublier qu’un joueur comme Andrés Iniesta a attendu d’avoir 22-23 ans pour gagner en maturité. Si un joueur de ce calibre mondial a eu besoin de ce temps… Gavi est une exception, Ilaix Moriba aussi et je ne parle pas de Messi. Mais tous les autres doivent suivre leur propre cheminement. Konrad, dans 2 ou 3 ans, ce sera un ailier top. Peut-être pas comme Mbappé mais il faut rester tranquille !
A quel poste ?
Konrad peut aussi bien évoluer à droite comme à gauche. Il est bon des deux pieds. Il manie bien son pied droit mais son pied gauche, c’est la perfection. Avec moi, il a joué aux deux postes et il a le sens du but. Il est plus à l’aise avec son pied gauche, je ne sais pas pourquoi. Mais ça dépend aussi des discussions au sein de l’équipe au moment d’affronter un adversaire, trouver la meilleure position et la meilleure solution. C’est très difficile de trouver un joueur aussi déséquilibrant que Konrad, aussi bon des deux côtés.

Un autre joueur du Barça B a été cité dans les rumeurs de transfert à l’OM, il s’agit d’Álex Collado. Quelle est sa meilleure position ?
Je ne sais pas ce qui se passe au club avec Collado. C’est encore un cas de joueur qui a presque passé toute sa vie au Barça (il est arrivé à 11 ans en provenance de l’Espanyol, ndlr). Il a 22 ans, il est toujours en processus de formation, il reste très jeune. L’an dernier, c’était sa troisième saison avec moi au Barça B. Je l’ai convaincu que c’était un très bon joueur et que s’il disposait d’une bonne offre, un club top au niveau espagnol ou européen, pas de deuxième division, il devait partir pour y gagner sa place. La Segunda B était trop petite pour lui. Je lui ai dit « Álex, si tu as une belle opportunité sportive en Espagne ou ailleurs, tu dois tenter ta chance car tu dois devenir un joueur d’une équipe première ». Dans son nouveau contrat, il devait faire partie de l’équipe première mais, à cause des circonstances, il n’a pas été inscrit. Pour moi, c’est un intérieur mais il me facilitait tellement les choses au poste d’ailier. Il m’offrait tellement de solutions dans ces deux rôles… Il a les qualités pour jouer au Barça mais aussi les caractéristiques pour évoluer partout ailleurs. Ça ne va pas lui faire du bien de ne pas jouer pendant 6 mois mais si un club comme l’Olympique de Marseille parie sur lui et croit en lui, il a tellement de football que je suis certain qu’il reproduira ce qu’il a déjà réalisé.
A propos du système de jeu, le FC Barcelone a évolué en 5-3-2. C’est en raison d’une crainte particulière, des nouveaux profils jeunes ?
C’est un choix d’entraîneur, très clairement. Quand Johan Cruyff est arrivé, nous ne jouions pas en 4-3-3 mais en 3-4-3 avec les 3 de devant qui étaient des ailiers, pas des carrilleros comme le sont Sergiño Dest, Jordi Alba ou Sergi Roberto qui sont des profils défensifs, des latéraux qui ont tout le couloir. Ousmane Dembélé, ou Konrad puisqu’on parlait de lui, sont des ailiers à qui il coûte de défendre. Si tu crois dans les profils de joueurs que tu utilises, il faut que ça colle. Quand tu joues avec une défense à 5, c’est forcément par choix. Mais la grandeur de ce club, c’est que de haut en bas, tu joues quasiment toujours de la même manière. C’est déjà arrivé d’avoir des entraîneurs avec des systèmes différents, comme Radomic Antic et Bobby Robson, et que nous utilisions de manière opportune. La force du club, c’est qu’un jour, un homme est venu en croyant fermement en une façon de jouer et d’entraîner, comme cela a été le cas après avec Pep Guardiola puis Tito Vilanova. Ils ont démontré qu’en jouant ainsi et avec des joueurs de la maison, on pouvait gagner. Le Barça, c’est bien jouer mais aussi gagner. Actuellement, Ronald Koeman a son idée. Il a connu la philosophie de Cruyff comme membre de la Dream Team mais, comme entraîneur, il a une autre idée. Il veut gagner mais il utilise plusieurs systèmes en fonction des joueurs qu’il a sa disposition.
A propos de 3-5-2 et de 5-3-2, que pensez-vous de l’évolution tactique de Diego Simeone depuis la saison dernière ?
Nous les entraîneurs devons évoluer et changer les choses car de la manière que nous étudions nos adversaires, eux le font également. Il faut donc trouver de nouvelles solutions. Simeone est un coach qui a réussi de très grandes choses avec l’Atlético, avec un football en 4-4-2 où son équipe attendait très bas pour mieux contrer avec des joueurs très talentueux qui faisaient la différence. Sauf que les rivaux se sont adaptés et son équipe n’a plus pu avoir la même vigueur en contre. Selon moi, il pourrait encore faire davantage, parce qu’il a un effectif incroyable. Simeone est loin d’être un idiot, il sait qu’il doit essayer des choses nouvelles et se réinventer pour gagner. C’est ce qu’il a mis en place contre le Barça, car il savait comme ça allait se passer et ils ont marqué deux buts quasiment identiques.
« Quand l’équipe joue bien et a une idée très claire de son jeu comme c’est le cas avec Luis Enrique, Busquets en est le principal bénéficiaire »
Pour revenir au jeu du Barça, une chose est certaine : pour assumer de jouer de cette manière si caractéristique, il faut constamment répéter des efforts à haute intensité. Comment travaille-t-on cela ?
Ce que nous essayons de faire – je parle de mon expérience personnelle- c’est de reproduire à l’entraînement des situations de match. Notre objectif, c’est le match. En fonction du jour de la semaine, nous travaillons la condition physique, par exemple avec un terrain plus petit, parfois plus grand pour allonger les distances en comparaison aux distances réelles, et toujours avec l’idée de nous mettre en condition d’obtenir de telles situations de jeu le jour du match. Il y a aussi un travail préventif au niveau de la force qui se réalise à la salle. En résumé, ce sont des entraînements qui ne sont pas très longs mais très intenses et très préparés en fonction de l’adversaire et de notre système de jeu, avec la possession du ballon afin que les joueurs l’assimilent tranquillement. C’est la force du club : comme les joueurs sont habitués depuis toujours à reproduire ce genre d’efforts depuis qu’ils ont 10 ans, c’est la normalité pour eux. Quand tu fais un entraînement avec des espaces très réduits, beaucoup de choses se passent en très peu de temps. Du coup, il faut penser continuellement à ce que tu dois faire : ta position du corps, les solutions autour de toi, la ligne de passe à privilégier. Tout ça dans un laps de temps de très bref sinon tu perds la balle. D’une part, les joueurs que nous recrutons ont le même type de profil, ensuite ils sont habitués à ça, ce qui leur permet d’intérioriser le plus difficile. Alors lorsqu’ils montent en équipe première, à l’instar de Gavi, quand arrive un ballon relativement proche de sa propre surface, ils n’ont pas de problème car ils l’ont toujours fait. Quand tu joues intérieur et que le 6 fait tel mouvement, tu sais que tu dois agir de telle manière pour sortir le ballon. J’en reviens à ce que je disais tout à l’heure : quand j’irai dans un autre club, je ne pourrai pas le refaire parce que les joueurs ne sont pas habitués et souffrent d’un stress supplémentaire par rapport à la pression adverse car cela peut se convertir en occasion de but immédiatement. Il faut penser en permanence et assumer de prendre des risques.
Quand on parle à des formateurs en Espagne, que cela soit au sein d’un club professionnel ou d’un club de quartier, l’expression qui revient le plus souvent c’est : « résoudre des problèmes ».
Toutes les équipes ont le même objectif : gagner. Mais comment essayons-nous de gagner ? Si tu dis à ton gardien de dégager loin pour atteindre le camp adverse, ce n’est pas bien difficile. Toute l’équipe va au duel et ensuite on verra bien qui l’emporte. Au Barça, pour que l’attaquant reçoive le ballon dans les meilleures conditions, il faut bien lui amener, du gardien aux défenseurs, des défenseurs aux milieux, des milieux aux attaquants. Il faut faire progresser le ballon dans le camp adverse. Et ça, c’est très difficile. Alors il faut résoudre des problèmes dans différents endroits du terrain, de la première touche du gardien à la frappe de l’attaquant. Il faut intérioriser les situations de danger, y compris au niveau du gardien. Il faut trouver qui est compatible, qui est atteignable en fonction d’une situation donnée. Ç’est ça l’ADN du Barça.
Cette ambition de bien former et de bien jouer pour bâtir des profils pour l’équipe première est-elle compatible avec la nécessité de monter de catégorie, dans votre cas de Segunda B à Segunda ?
L’objectif de n’importe quel club est que les joueurs de la cantera intègrent l’équipe première. Le Barça a le grand avantage de savoir exactement quel type de joueurs et avec quel style. A partir de là, nous devons leur montrer comment s’entraîner, comment jouer, avec quel système, comment penser constamment. Naturellement, dans l’ADN du Barça, il y a le gène de la victoire. Tous les joueurs qui arrivent au Barça B sont habitués à remporter tous les championnats, tous les tournois. C’est déjà ancré en eux. Après, si tu diriges des joueurs de 17-18 ans et que tu te confrontes à un championnat aussi difficile que la troisième division espagnole, face à des joueurs d’une trentaine d’années qui ont beaucoup d’expérience, qui sont très agressifs et donnent des coups, on va tout de même exiger de bien jouer et de gagner. Mais parfois ce n’est pas possible. Mais l’objectif du Barça B est que les joueurs aient le profil pour intégrer l’équipe première si elle en a besoin. Ça s’est passé pour Mingueza, Araújo, Konrad, Collado, Riqui, Baldé, Miranda, Cucurella, Monchu… Pas tous ont réussi mais ils étaient là. On demande toujours de gagner mais au Barça B, on n’a pas toujours pu toujours compter sur Ansu, Ilaix, Mingueza, Gavi etc et il a fallu recruter à l’extérieur, ce qui n’a pas beaucoup de sens car ça coûte de l’argent et les recrues ne comprennent pas le football comme nous. Le seul joueur que j’ai demandé, c’est Roger Riera et il n’a été là que 3 mois.
A l’heure actuelle, le club qui parvient le mieux à rendre cette passerelle effective, c’est la Real Sociedad.
C’est un très bon exemple, tout comme celui de l’Athletic qui le fait davantage par obligation. La Real croit en ce modèle du bas vers le haut et si elle ne le trouve pas ses rangs, elle s’autorise à recruter. Mais la majorité de ses joueurs vient de son centre. Ça, c’est le succès assuré. En plus, il y a un entraîneur, Imanol Alguacil, qui a été joueur puis formateur du club donc c’est un gage de réussite. Pourquoi ? Parce qu’il est convaincu que la meilleure manière de réussir, c’est avec des profils formés à la maison. Pour autant, je ne sais pas s’ils parviendront un jour à gagner la Liga parce que leurs ressources sont inférieures à d’autres, à commencer par le Barça et le Real Madrid.
Revenons au Barça. Récemment, nous avons vu deux versions distinctes de Sergio Busquets : celui avec le Barça, souvent dépassé, et celui avec la Roja, organisateur et précis. Comment peut-on expliquer une telle versatilité ?
C’est difficilement compréhensible qu’il soit bon avec l’Espagne et moyen avec le Barça. Cela prouve qu’un système de jeu convient plus à Busquets que l’autre. Durant des années, il a été excellent et il est évident que sa baisse de régime a correspondu avec le pire Barça. L’équipe n’a pas joué de la meilleure des manières et, quand elle est coupée en deux, il est en difficulté car sa qualité première n’est pas de courir. Il n’a jamais été le plus rapide mais il a toujours été clairvoyant, bien placé et doué balle au pied. Quand l’équipe est scindée en deux, il disparaît. Quand l’équipe joue bien et a une idée très claire de son jeu comme c’est le cas avec Luis Enrique, Busquets en est le principal bénéficiaire car cela met en valeur ses aptitudes et cela rejaillit sur les autres.
Pourquoi le Barça ne parvient-il pas à sortir un 9 de grande envergure ? Le club est essentiellement porté sur la qualité de la passe et moins sur le tir ?
Au Barça, le rôle de 6 est très important mais aussi celui du 9 dans le jeu de position. Nous ne voulons pas de 9 qui soit exclusivement un renard des surfaces car, le plus souvent, la défense adverse se cantonne derrière et marquer un tel profil est facile. Nous souhaitons évidemment que l’attaquant marque des buts mais aussi qu’il prenne les espaces et qu’il sache bien jouer entre les lignes. C’est très complexe de développer de telles caractéristiques. Ansu Fati joue davantage sur le côté mais il peut également évoluer en 9 car ce n’est pas un joueur fixe qui reste dans la même position. Messi sait également très bien le faire car, par son placement, il rend dingue la défense adverse. Abel Ruiz, qui a récemment été sélectionné avec l’Espagne, avait tout ça mais il lui a manqué la réussite devant les cages. En revanche, il a tout le reste : recevoir dans les pieds, proposer de la profondeur, jouer de la tête. Et puis devant lui, il y avait Luis Suárez dont on voit encore le rendement et les capacités à l’Atlético de Madrid. Nous exigeons tellement de choses à un attaquant, que pour être bon partout, c’est très difficile. C’est plus simple de trouver un ailier.
Propos suscités et traduits par Tracy Rodrigo et François Miguel Boudet