Levante / Paco López ou la quadrature du ventre mou

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Quand Paco López a débarqué à la tête du Levante UD en janvier 2018, il était un novice total en Liga. Après avoir sauvé les Granotas d’une relégation imminente, le technicien valencien a donné une véritable identité à son équipe, notamment en proposant un 3-5-2 qui a inspiré de nombreux confrères en Espagne. Mais sur le fil depuis la fin de saison dernière, son aventure s’essoufflait. 

Paco López n’était a priori pas l’entraîneur le plus menacé. Après tout, il avait relevé Levante en quelques semaines, insufflé un esprit conquérant aux Granotas. De quoi le protéger en période de trouble. Finalement, il a été le premier coach de Liga à sauter. La présaison n’augurait rien de bon, il y avait quelques tensions sur la ligne. Son message passait-il toujours auprès de son groupe ? On connaît désormais la réponse.

Du défaitisme à l’ambition

Faire l’unanimité au Valencia CF comme au Levante UD n’est pas donné à tout le monde. C’est le cas de Paco López, connu pour ses passages dans les deux clubs valenciens et par Villarreal. Mais entre le fútbol modesto et l’élite, il y a une marge de taille. Et pourtant, le natif de Silla s’est immédiatement adapté à ce nouveau monde, faisant beaucoup avec peu. Quand il reprend l’équipe première, quelques mois après son arrivée pour diriger le filial, il a pour mission de relever une situation très mal en point(s). José Ramón López Muñíz n’est plus l’homme de la situation et Levante sombre inexorablement. Du 19 novembre 2017 au 4 mars 2018, les Granotas ne remportent pas une seule rencontre et ne grappillent que 6 malheureuses unités. Ils ne sont pas dans la zone rouge mais l’ambiance au club est morose et défaitiste.

Le bateau prend l’eau de toutes parts. López Muñíz propose un jeu souvent négatif, avec peu de prises de risques, peu de buts et donc peu de points. En peu de temps, l’ancien attaquant change le « chip » de l’équipe. Il reste 11 matches à disputer et c’est quasiment un sans-faute : 8 victoires, dont une historique contre le FC Barcelone lors de la 37e journée (5-4), un nul et deux défaites (contre l’Atlético et le Celta à la 38e journée). Paco López réalise un tour de force : il a transformé le jeu granota et change durablement le visage de Levante. Pour sa première saison complète, pour pallier notamment au départ de Jefferson Lerma en Angleterre, il choisit d’évoluer en 352. Une petite révolution tactique pour chambouler une Liga qui se calque beaucoup trop sur le 4-4-2 à plat aride du Cholo Simeone. Toujours dans le ventre mou, souvent dans le dur en fin de saison, Levante ne craint plus la relégation pendant le mandat de Paco Lopez, sans pour autant titiller les sommets du classement sur la durée. C’est certainement ce qui a eu raison du technicien. Car Levante est devenu gourmand : la stabilisation est une chose mais disputer les places européennes en est une autre. La patte López n’a pas suffi. Reste donc un héritage tactique que doit faire fructifier le club d’Oriolles.

L’éloge d’un style

Paco López, c’était la certitude de voir un football qui tentait coûte que coûte d’être positif, la volonté d’avoir le cuir, de bien le traiter et de marquer des buts. Alors que bien des coachs se mettent à bétonner ou à revenir à des compositions tièdes, « équilibrées » selon le terme à la mode, quand la zone rouge devient un brasero, le natif de Silla n’a jamais renoncé à aligner des manieurs de ballons. Il a notamment fait cohabiter des joueurs comme Gonzalo Melero, José Campaña (qui a été convoqué avec la Roja), Enis Bardhi, Jorge De Frutos et bien sûr le Comandante José Morales. Pour lui, il faut jouer, marquer et prendre du plaisir pour l’emporter, et donc se maintenir en Liga. Alors que Levante est habitué à faire des aller-retours en Segunda, il offre une vision à long terme, un style à suivre, un modèle de jeu à embrasser. Des choses qui permettent de donner une identité claire au club, de ne pas vivre un exode chaque été et donc d’avoir de la continuité dans les performances.

Photo : Marca / Icon Sport

Sous l’égide de son entraineur charismatique, Levante s’offre l’ensemble des gros du championnat en 3 ans et demi de mandat avec mes matchs au score fleuve face au Barça, des matchs plus serrés en s’appuyant sur un grand gardien face au Real Madrid. Son équipe est admirable, elle offre des sensations sans pour autant se contenter d’un résultat brut. Paco López aime gagner, comme tous les coachs. Cela permet de valider le travail de la semaine, de pouvoir évoluer dans un écosystème apaisé tout en n’ayant pas peur pour sa place chaque week-end. Mais le résultat est une récompense, pas un but en soi. Son 3-5-2 fait école en Espagne, son apport est bien plus conséquent que la place de Levante en Liga.

La saison dernière a été le début de la fin du cycle López. Et c’est parti de la demi-finale de Copa del Rey contre l’Athletic Club qui a sûrement été le point de basculement. Les Granotas ont la main sur la poignée de la porte de la finale, le frisson est immense mais les Leones de Marcelino García Toral s’en sortent. Ils tombent les armes à la main. Le club se lance dans une campagne médiatique sur l’orgueil du club, on parle même de résistance. Le style offensif rend fier les supporters et ambitieuse la direction. Néanmoins, l’équipe a plus de mal en Liga et la fin de saison est chaotique avec aucune victoire lors des 8 dernières journées. Une même série en début d’exercice 2021-2022 scelle le destin de Paco López. Un épilogue évidemment décevant par rapport à ce qu’il a réalisé. Car malgré des imperfections, des points parfois perdus bêtement, regarder un match de Levante n’était jamais 2 heures de perdu. Son successeur se servira-t-il de ce socle pour rapprocher le club du haut de tableau ?

Fin de cycle ou poursuite d’un projet ambitieux ?

C’est là tout l’enjeu. Levante se retrouve dans une situation peu ou prou identique à celle de Getafe après le départ de José Bordalás. Les Azulones ont congédié Míchel quelques heures après l’annonce de l’éviction de Paco López. Le choix de l’entraîneur est donc essentiel.

Levante avait connu l’ivresse européenne au début des années 2010 avant de descendre. Sur les 20 dernières années, le club a été promus 4 fois, preuve que sa permanence en Liga n’a jamais été vraiment assurée et que le club navigue entre deux eaux, souvent trop gros pour la Segunda, mais trop petit pour la Liga. C’est la réalité de beaucoup de formations qui finissent par ne pas avoir de projets à long terme. S’installer durablement en Liga et devenir une valeur sûre est d’une rare complexité car il faut savoir vendre et acheter en étant toujours sur le fil du rasoir. Basculer du mauvais côté peut aller très vite.

Photo by Sergio Ruiz / Pressinphoto / Icon Sport

Alors que faire ? Beaucoup de clubs ne tranchent pas vraiment, vivotent et tentent de faire un ou deux coups avant de bien souvent s’effondrer plus ou moins violemment. Avec Paco López, Levante avait la chance d’avoir un homme en capacité de bâtir une identité qui n’était pas directement corrélé aux résultats. La promesse du natif de Silla n’était pas d’être européen ou en finale de Copa : c’était de voir du beau football au Ciutat de València ou devant sa télévision. Levante a régulièrement regardé les gros dans les yeux. Cette saison encore, le Real Madrid a frôlé la raclée avant d’accrocher le match nul au terme d’une rencontre spectaculaire (3-3). Malgré tout, la pente devenait glissante et le penalty loupé par Morales contre Mallorca le weekend dernier a définitivement prouvé que la confiance s’en était allée. Sans cette ambition, comment résister ?

A un moment, le classement importe. 16 matches sans victoire à cheval sur deux saisons, le temps commençait à devenir long à Oriolls. Il en va ainsi pour les clubs du ventre mou : une mauvaise série, des critiques qui affluent pour motiver un changement de cycle et le changement devient inévitable. A présent, le président Quico Catalán a le choix : rompre avec ce style ou s’appuyer sur cet héritage. Il est évident que ce n’est pas en optant pour un coach aux principes basiques que Levante restera populaire. Certes, il y a un maintien à conquérir mais ce n’est pas en choisissant le bétonnage que le club aura davantage de chances de devenir européen. Paco López a proposé une vision, un chemin à suivre. Faire demi-tour n’aurait aucun sens. Déjà car l’effectif n’est pas vraiment taillé pour le BTP. Ensuite, car c’est en persévérant que les Granotas accéderont à la primera tabla et pourront matérialiser leurs rêves.

Benjamin Bruchet et François Miguel Boudet
@BenjaminB_13

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