Recruté en 1996 par le Real Madrid, Samuel Eto’o n’a jamais été valorisé par la Casa Blanca. C’est à Majorque que le Camerounais s’est fait un nom à la hauteur de son immense talent. Le 8 mai 2004, il punit les Vikingos en les privant du titre en Liga au Santiago-Bernabéu. C’est le 4e épisode de notre série Old School.
Samuel Eto’o a de la mémoire et la vengeance est un plat qui se mange froid. Jamais le Real Madrid n’a cru en ses capacités. Ronaldo Fenómeno puis Michael Owen sont arrivés, Javier Portillo a été promu entre deux prêts de Fernando Morientes mais jamais le Camerounais, dont 50% des droits appartenaient toujours à la Casa Blanca quand il portait le maillot de Mallorca, n’a eu droit à une chance de la part de Florentino Pérez. Le Lion indomptable le fait payer ce 8 mai 2004. C’est la 36e journée de Liga et les Madridistas n’ont pas encore abdiqué pour gagner le championnat et griller in extremis le Valencia CF de Rafa Benítez, leader en déplacement à Séville.
« S’il y a bien un match qui définit Samuel Eto’o à la perfection, la radiographie exacte de son être, 90 minutes qui résument ses 2 décennies comme footballeur, c’est bien ce Real Madrid – Real Mallorca (…) Le scenario était idéal pour Eto’o : niquer la Liga au club qui l’avait amené ici mais qui ne l’a jamais valorisé »
Jorge Giner dans Panenka, 10 septembre 2019
Malgré le gain de la Copa del Rey 2003, le RCD Mallorca n’est plus l’Ensaimada Mecánica qui, depuis son retour en Liga en 1997, avait enchaîné les grands résultats, jusqu’à disputer la dernière finale de la Coupe des Coupes en 1999 et de se qualifier pour la Ligue des Champions. Le club bermellón appartient désormais au milieu du tableau. Au coup d’envoi, l’équipe est 12e.
Le Real Madrid de Carlos Queiroz n’est pas au mieux non plus. La fin de saison est même un calvaire avec une élimination en 1/4 de finale de Ligue des Champions contre Monaco, puis une série de 3 défaites en 4 matches (Osasuna 3-0 et Clásico 2-1 à domicile, Depor au Riazor 2-0). Malgré tout, la Casa Blanca des « Zidanes y Pavones » est toujours en course pour remporter la Liga. Mais pour encore avoir une chance, il faut remporter les 3 prochains matches contre Mallorca, Murcia et la Real Sociedad et compter sur un pas blanquinegro.
Outre Eto’o, un autre acteur du match prendrait beaucoup de plaisir à priver définitivement le Real Madrid du titre : Luis Aragonés, Colchonero « hasta la médula » qui prendra la tête de la Roja quelques semaines plus tard et révolutionnera tout le football espagnol.
Le Camerounais, capitaine de 23 ans, ne met que 10 minutes pour calmer les Vikingos privés de Zinedine Zidane, expulsé contre le Depor. Lancé en profondeur, il prend de vitesse Raúl Bravo et, après une course échevelé de 30 mètres, pique le ballon par-dessus Iker Casillas. Golazo et célébration invitant des spectateurs à se taire. Eto’o est en mission et il est proche d’adresser une passe décisive à Andrija Delibasic après un appel exceptionnel pour se placer dans le cœur du jeu et alerter son compère d’attaque qui manque le cadre. L’égalisation de Francisco Pavón à la 16e minute ne fait que retarder l’inéluctable : ce sera la soirée du Lion indomptable. Et celui qui deviendra quelques années plus tard le central de l’AC Arles sera aux premières loges.
36e minute. Le Real Madrid perd le ballon dans l’axe, à 40 mètres des cages vikingas. Eto’o récupère le ballon. Et c’est parti pour le festival ! Il s’enfonce sur sa gauche, résiste au retour de Luis Figo, réalise un crochet de l’extérieur du droit pour éliminer Pavón, accélère, repique dans l’axe et décoche une frappe croisée dans le contre-pied de Casillas qui passe sous la jambe de Pavón qui avait pourtant trouvé le courage de se relever et d’empêcher l’inéluctable. Un authentique chef d’œuvre, un éclair dans le ciel du Bernabéu !
« Il courut directement vers le point de corner et mangea le drapeau du poteau, blanc comme le Real Madrid, métaphore de ce qu’il réalisait cette nuit-là. Plus tard, il chercha des regards réprobateurs dans le palco, fixé ceux qui furent ses supporters, pointé ses index vers sa poitrine et la pelouse. « Moi, je parle ici » exulta-t-il avec défi. La synthèse d’une carrière marquée par des désaccords incessants avec tous ceux qui ne comprenaient pas le football, la vie ou les relations de la même manière que lui »
Jorge Giner dans Panenka, 10 septembre 2019
Cette fois-ci, les Madridistas sont groggys, comme un boxeur mis knock-down. Ils ne sont pas encore comptés 10 mais l’estocade est proche. Alejandro Campano se charge de la sentence sur coup franc. Sa frappe flottante laisse Casillas inerte, piégé par la trajectoire (42e). Ni la réduction de l’écart sur penalty par Luis Figo (qui doit d’ailleurs tirer une seconde fois) ni le but refusé à Ronaldo Fenómeno pour un contrôle du bras ne parviendront à priver Samuel Eto’o de son objectif. Un avant-goût de ce qu’il réalisera au FC Barcelone et qui le placera au firmament du football international. Les paroles, les actes, les faits. 500 kilomètres au sud, Jaime Ortí se pare d’une perruque orange qui entrera dans la légende de la Liga. Valencia a battu Séville (2-0) et est sacré champion d’Espagne. Buts de Vicente Rodríguez et Rubén Baraja, avec des passes décisives lointaines de Samuel Eto’o.
François Miguel Boudet