Eduardo Camavinga a eu droit à des unes grandiloquentes de la part de la presse madrilène, des pleines pages louant ses capacités balle au pied. Et c’est au moment où l’on s’y attendait le moins que le milieu international a pris la direction du Real Madrid, devançant le Paris Saint-Germain. Pour Florentino Pérez, c’est un gros coup et la première étape d’un rajeunissement de l’entrejeu merengue.
Ce ne sont pas 100M€ comme annoncé il y a encore quelques mois. Alors qu’Eduardo Camavinga pouvait négocier librement à partir du 1er janvier 2022, le Real Madrid n’a eu besoin de ne mettre que 31M€ sur la table (hors bonus) pour obtenir la signature du joueur de 19 ans. Le désormais ex-Rennais arrive à Valdebebas pour rajeunir un milieu de terrain vieillissant et en besoin de sang neuf. Le plus dur commence pour lui, car après une saison 2020-2021 en-deçà des attentes, il sera scruté de très près. Camavinga est en quelque sorte le successeur de Sergio Canales et Martin Odegaard. A leur image, il est un enfant prodige. Parviendra-t-il à réussir, là où ses deux prédécesseurs ont échoué ?
700M€ de paris sur l’avenir en 10 ans !
Le Real Madrid a l’image d’une équipe vieillissante, avec peu de renouvellement des cadres. C’est en partie faux. La Casa Blanca prospecte et n’hésite pas à aligner les billets pour miser sur le futur. Fábio Coentrao (2011, 30M€), Raphaël Varane (2011, 11M€), Nuri Sahin (2011, 10M€), José Callejón (2011, 5M€), Casemiro (2013, 6M€), Isco Alarcón (2013, 30M€), Dani Carvajal (2013, 6.5M€), Asier Illarramendi (2013, 32M€), Toni Kroos (2014, 25M€), Lucas Silva (2014, 13M€), Mateo Kovacic (2015, 38M€), Danilo (2015, 31.5M€), Jesús Vallejo (2015, 5M€), Marco Asensio (2015, 3.9M€), Lucas Vázquez (2015, 1M€), Martin Odegaard (2015, 2.8M€), Álvaro Morata (2016, 30M€), Fede Valverde (2016, 5M€), Théo Hernández (2017, 24M€), Dani Ceballos (2017, 16.5M€), Vinicius Jr (2018, 45M€), Álvaro Odriozola (2018, 30M€), Brahim Díaz (2018, 17M€), Andriy Lunin (2018, 8.5M€), Luka Jovic (2019, 63M€), Éder Militao (2019, 50M€), Ferland Mendy (2019, 48M€), Rodrygo (2019, 45M€), Reinier (2019, 30M€), Take Kubo (2019, libre), Eduardo Camavinga (2021, 31M€) : sur la dernière décennie, le Real Madrid a investi près de 700M€ (hors bonus) sur des joueurs de 24 ans ou moins. Une somme conséquente qui montre que les Vikingos n’hésitent pas à dépenser pour construire leur avenir.
La réussite est fluctuante mais cette politique de recrutement a le mérite d’exister, le plus complexe étant de faire progresser ces jeunes talents au sein de l’équipe première, une démarche complexe dans un club surmédiatisé. Aussi talentueux soit-il, Camavinga devra faire preuve de patience pour gagner du temps de jeu et résister à la pression extérieure. Au Real Madrid, rien n’arrive instantanément et des statuts prennent souvent du temps à se forger. Le Français est déjà étiqueté, sa réputation est flatteuse mais au moment de revêtir le maillot immaculé, il aura tout à prouver.
« C’est mérité, même s’il a eu une saison difficile, tant sur le plan football qu’extra-football. Beaucoup de choses se sont passées mais il est récompensé car c’est un top mec, un top joueur et je pense que le Real Madrid lui permettra de lui donner les moyens de devenir un très grand joueur »
Florian Maurice, directeur sportif du Stade Rennais dans L’Equipe, le 1er septembre 2021
Le bon moment pour avoir le temps de se montrer ?
Le retour de Carlo Ancelotti s’est accompagné de complications au milieu de terrain. Toni Kroos a été absent tout le mois d’août, Luka Modric a disputé 88 minutes contre la Real Sociedad avant d’être forfait contre Levante et le Betis. Mis sur le côté par Zinedine Zidane, Isco est revenu en grâce, sans convaincre particulièrement pour autant. Dans un registre de relayeur-créateur, Eduardo Camavinga a le profil pour incarner un nouveau souffle au milieu.
« La position où il propose le meilleur rendement est un hybride entre celle de milieu défensif et intérieur. Ce n’est pas un pivot défensif ni un box-to-box. Il a besoin de voir le football de face, organiser, distribuer pour marquer le rythme du match et, surtout, d’espace pour profiter de son démarrage spectaculaire qui laisse ses rivaux sur place »
Andrés Onrubia, Diario AS, 31 août 2021
L’interrogation qui reste dans l’air est sa capacité à rebondir après une dernière saison en demi-teinte lors de laquelle il a perdu sa place de titulaire. Un « bajón » logique pour une promesse en développement qui a explosé en 2019-2020 avec des récitals contre le PSG et Lyon et en se convertissant en joueur qui a remporté le plus de duels en Europe. Le talent, Camavinga l’a, incontestablement. Mais le talent ne suffit pas au Real Madrid. La patience, l’apprentissage au côté des meilleurs et la lucidité pour saisir les opportunités comptent plus que tout.
François Miguel Boudet