🎙 Interview – María Pry (Santiago Morning, ex-Levante) : « Contre l’OL, Levante devra montrer toutes ses vertus, sans peur »

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María del Mar Fernández Montero, plus connue sous le nom de María Pry, a dirigé le Levante UD lors des deux dernières saisons. Après avoir accroché le podium en Primera synonyme de qualification en Ligue des Champions, l’Andalouse a rejoint cet été le Santiago Morning, triple champion en titre du Chili. Avant Levante UD-Olympique Lyonnais, elle revient sur la saison 2020-2021 et l’influence de la Française Sandie Toletti au sein du collectif granota.

Vous avez terminé 3e du championnat la saison dernière avec Levante mais on vous retrouve cette saison au Santiago Morning, au Chili. Vu de l’extérieur, c’est un choix surprenant alors que les Granotas disputent la Ligue des Champions.

Je ne suis pas partie de Levante pour Santiago Morning. En fait, mon contrat s’est terminé avec Levante et la saison avait été très longue. Je sentais que c’était le moment d’arrêter et nos chemins se sont séparés. Une fois en vacances, j’ai rechargé les batteries et j’ai eu l’opportunité d’entraîner Santiago Morning et le projet m’a séduit. Le club est aussi triple champion en titre et il disputera la Copa Libertadores début novembre. C’est un objectif qui m’enthousiasme et qui m’a décidé à signer.

Au niveau international, le Chili est représenté par Christiane Endler, la gardienne qui vient de quitter le PSG pour l’Olympique Lyonnais. Quel est le niveau du football féminin chilien ?

Pour le moment, j’aurais du mal à le dire précisément car je suis en quarantaine depuis mon arrivée par obligation sanitaire. Je n’ai pas encore pu assister à des matches in situ de nos adversaires. Actuellement, je me contente de regarder en streaming mais pour en juger véritablement, il faut voir les matches en direct du stade. Ce que je sais en revanche, c’est que le championnat se développe et que les équipes progressent avec des clubs qui cherchent à professionnaliser leurs sections féminines. C’est d’ailleurs le cas à Santiago Morning, d’autant plus que nous avons 5 internationales chiliennes dans notre effectif. On constate aussi que des joueuses envisagent des départs à l’étranger, en Espagne et au Mexique, pour atteindre le haut niveau.

Vous avez entraîné le Sevilla FC, le Betis et Levante. Les femmes coaches sont encore rares, il n’y en avait que 4 la saison dernière en Liga. Comment cela s’explique-t-il ?

C’est difficile mais je ne pense pas qu’il faille s’arrêter à ce chiffre. Pour autant, nous devons mettre en perspective la qualité que nous pouvons apporter car c’est ce qui compte vraiment pour progresser et grandir. Ce qui importe, c’est la confiance que l’on peut nous donner pour travailler de manière correcte, que l’on soit 5, 6 ou même une seule en Primera. La confiance, c’est la clef. Les clubs doivent nous appuyer car, à de nombreuses reprises, nous devons démontrer saison après saison que nous sommes capables en tant que femmes. Un homme a les mêmes obligations, mis à part celle de toujours prouver qui il est. Cela doit disparaître petit à petit. De nombreuses techniciennes ont dû partir d’Espagne pour bénéficier d’une opportunité. Mais il ne faut pas oublier non plus tous les hommes qui travaillent depuis des années en faveur du football féminin. Il faut retirer ces étiquettes d’hommes et de femmes pour comprendre que c’est un travail conjoint de tous et que nous sommes tous des entraîneurs professionnels.

A ce titre, on peut prendre l’exemple de Toña Ís qui, après de nombreux succès dans les catégories inférieures de la Selección, vient de rejoindre Pachuca, au Mexique.

Je ne sais pas si c’est un problème. Arrive un moment où on a besoin de nouveaux projets pour retrouver l’envie. A titre personnel, cela faisait 12 ans que j’entraînais en Espagne et je voulais essayer de nouvelles choses. Toña a réalisé un immense travail en Espagne et si elle a signé à Pachuca c’est certainement car le club lui proposait un rôle en adéquation avec ses besoins et ses attentes en tant que coach. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle a été contacté par plusieurs clubs de Liga avant de faire ce choix. Pour progresser dans une carrière, il est très important de nous confronter à de nouveaux défis et de nouvelles compétitions. C’est le même raisonnement que pour les joueuses en définitive. Je ne sais pas si Toña restera longtemps ou pas à Pachuca et c’est pareil pour moi. Mila Martínez, qui a entraîné l’équipe masculine du Suzuka au Japon pendant 3 saisons, est de retour en Espagne. Tout est question de moment et d’ambition.

A l’image d’Ana Willy Romero, actuelle directrice sportive du Betis, vous avez porté les couleurs de Séville et du Manquepiedra.

Ce sont deux clubs à qui je dois beaucoup. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueuse, je jouais à Séville et le club m’a offert l’opportunité de me former comme entraîneur. Ensuite, j’ai entraîné le Betis pendant 7 saisons et le traitement que j’ai reçu de la part des dirigeants, des employés et de l’afición a été sensationnel. Je suis très fière de toutes ces années. Séville, le Betis et aussi Levante sont avec moi car ils m’ont énormément apporté personnellement et professionnellement. Cela vous fait un point commun avec Ana : nous avons été coéquipières à Séville et quand elle est revenue de l’Ajax, je suis devenue sa coach.

« Sandie Toletti est une joueuse qui m’a énormément surprise sur mais aussi hors du terrain. Elle est super professionnelle, elle comprend le football de manière très claire et établit parfaitement ses objectifs sportifs »

Parlons du Levante UD. Comment s’est déroulée la saison dernière de l’intérieur ?

Cela a été l’occasion d’écrire de nouveau l’histoire du club car cela faisait 13 ans que Levante n’avait pas participé à un tour de qualification en Champion’s. C’est une satisfaction d’y être parvenu car à chaque entraînement, nous donnions le maximum de nous-mêmes. Nous avons connu des périodes compliquées, notamment en raison des blessures. Cela a eu le mérite de nous souder. C’était gratifiant d’obtenir de tels résultats en bâtissant une équipe forte qui avait confiance en elle, de la première à la dernière minute. C’était vraiment notre identité. Nous avons fait comprendre que chaque joueuse était importante. Cela nous a permis de disputer deux finales et même si nous ne les avons pas gagnées, nous avons prouvé notre valeur et que nous pouvions nous battre contre n’importe quelle équipe. Lors de la finale de SuperCopa (défaite 3-0, ndlr), l’Atlético de Madrid  nous a été supérieur pendant les 30 premières minutes mais cela nous a servi pour nous améliorer, travailler nos points faibles. Ce match a marqué un point d’inflexion pour augmenter notre rendement, nous qualifier en Champion’s et nous battre pour des titres puisque nous avons également atteint la finale de la Copa de la Reina contre le FC Barcelone (défaite 4-2, ndlr).

Au niveau de la rivalité locale, Levante semble avoir pris plusieurs longueurs sur le Valencia CF qui a mis à la porte plusieurs joueuses emblématiques sans trop d’égards en début de saison dernière.

On ne peut pas dire que le Valencia CF maltraite sa section féminine. Les installations sont bonnes, les matches se disputent sur le Puchades qui est un très bon terrain, les entraînements se font sur de l’herbe naturelle, l’afición est derrière son équipe et il y a eu une excellente campagne marketing. En revanche, il y a une différence de budget qui fait la différence (1.5M€ pour Levante contre 1.2M€ pour Valencia en 2019, ndlr). Levante est un club familial qui me rappelle le Betis et qui prend un soin très particulier à sa section féminine.

Après avoir sorti le Celtic et Rosenborg, Levante est tombé sur un très gros morceau : l’Olympique Lyonnais. Comment voyez-vous cet affrontement ?

Il faut être réaliste : Levante a hérité de l’équipe la plus forte du tirage au sort. Cela dit, je pense que, face à Rosenborg, elles ne sont pas du genre à baisser les bras et qu’elles donnent le meilleur jusqu’au bout, tout comme le staff technique. Je pense que tous ensemble, ils réussiront deux grands matches. J’espère que ce sera accroché, pour que Levante puisse avoir des chances de se qualifier pour la phase de groupes. Ce sera difficile mais pas impossible. Il faudra rester dans la partie le plus longtemps possible. Contre l’OL, Levante devra montrer toutes ses vertus, sans peur. C’est le moment de récolter le fruit de tout le travail accompli par tout le club. Elles n’ont rien à perdre mais beaucoup à gagner.

Une joueuse a particulièrement bien réussi son début de saison et sera essentiellement contre l’Olympique Lyonnais : c’est la Française Sandie Toletti qui a marqué 2 buts en Ligue des Champions contre le Celtic et Rosenborg. Quelles sont ses qualités ?

Sandie est une joueuse qui m’a énormément surprise sur mais aussi hors du terrain. Elle est super professionnelle, elle comprend le football de manière très claire et établit parfaitement ses objectifs sportifs. Quand elle a signé à Levante, j’avais en mémoire ses 2 ou 3 dernières saisons et elle n’avait plus été convoquée avec l’Équipe de France. L’appel de Corinne Diacre en février dernier a été une immense satisfaction car c’était une des raisons pour lesquelles elle était venue. Elle voulait de nouveau se sentir importante et évoluer à un haut niveau. Elle a beaucoup progressé et grandi. Cette convocation a été sa récompense. Quand tu es entraîneur, Sandie est une pièce fondamentale de ton équipe parce que, outre son rendement sportif, elle a toujours un mot d’encouragement pour ses coéquipières et veut aider l’équipe. Elle fait partie de ces joueuses qui contribuent à créer et former un esprit d’équipe.

Il paraît qu’avec Viola Calligaris, c’est aussi une excellente cuisinière !

Je confirme ! Lors de la dernière semaine de compétition avant les vacances, nous avons fait un repas avec toute l’équipe et c’est vrai qu’elles ont été sensationnelles. On a découvert des plats, on s’est régalé. C’est une autre de ses qualités à mettre en valeur.

Plus sérieusement, le fait que Sandie Toletti soit sélectionnée avec les Bleues signifie aussi que Levante est suivi et apprécié. Elle avait des concurrentes en Liga au même poste avec Kheira Hamraoui au FC Barcelone et Aurélie Kaci au Real Madrid.

Je ne sais pas si notre football était le meilleur. Ce qui est certain en revanche, c’est que nous voulions développer un jeu attractif. Sandie faisait partie de cette construction réalisée conjointement par le staff et les filles. Cette identité, toutes les joueuses l’avaient et elles l’ont appliqué sur le terrain.

Propos suscités et traduits par François Miguel Boudet

 

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