Vendredi soir, lors de la conférence d’après-match, Manuel Pellegrini s’en est vertement pris à Cádiz, coupable selon le technicien du Betis, de refuser le jeu et du tuer le spectacle. L’Ingénieur s’est ainsi fait l’écho de nombreux suiveurs qui ciblent les Gaditanos depuis un an pour caractériser la baisse du niveau de la Liga. Mais si l’équipe d’Álvaro Cervera ne pratique pas un football attractif, elle a le dos un peu trop large pour supporter le poids du recul du championnat d’Espagne depuis plusieurs années.
« Nous devons faire un effort entre les arbitres, les entraîneurs et les joueurs pour la Liga ne soit plus cette honte parce que lors de la réunion des arbitre, ils nous ont dit que c’est le championnat au jeu le plus lent, où on prend le plus de temps pour jouer après une faute, où on simule constamment et qu’il y a un spectacle que nous devons préserver. Ou nous en prenons soin, ou nous allons contre le spectacle. Les gens payent une entrée pour quelque chose. (…) Cádiz ne fait que défendre et avec l’avantage au score c’est doublement difficile car il se met derrière et joue la moitié du temps. Les 15 dernières minutes n’ont pas existé »
Manuel Pellegrini en conférence de presse à l’issue de Betis-Cádiz (1-1)
L’Ingénieur s’est lâché après le match nul concédé au Benito-Villamarín contre les Gaditanos. Après avoir ouvert le score sur penalty (frappé deux fois) par Álvaro Negredo dès la 11e minute suite à une faute de Rui Silva sur Choco Lozano, les hommes d’Álvaro Cervera ont fait leur travail habituel : se replier et refermer les espaces pour conserver le score. Cela ne les a pas empêchés de concéder l’égalisation par Juanmi, à la 22e. Ce qui laissait 75 minutes en comptant les arrêts de jeu pour l’emporter.
La paille, la poutre
Cádiz exaspère. Déjà lors de la 1re journée, le club andalou avait arraché l’égalisation à la…97e minute au terme d’un match que Levante avait dominé dans les très grandes largeurs, sans pour autant se mettre à l’abri. Cádiz énerve mais Cádiz s’en fout. La direction n’a pas maintenu Cervera dans ses fonctions après plusieurs échecs en Segunda pour le virer maintenant après avoir arraché le maintien. Cádiz frustre car il refuse le jeu. C’est indéniable. Mais Cádiz doit-il supporter tous les maux de la Liga ?
Dans sa diatribe, Pellegrini s’est plaint que Jeremías Ledesma, le gardien gatidano, gagne du temps. La saison dernière, l’Argentin (35 matches de championnat) n’a reçu aucun carton jaune. Côté Betis, Claudio Bravo en a pris 3 pour assurer deux magnifiques 0-0 contre l’Athletic et le Real Madrid et la victoire à Balaídos contre le Celta lors de la dernière journée pour garantir une qualification en Ligue Europa, voire gratter la 5e place au buzzer. Joel Robles, son autre gardien, l’a également fait 2 fois, contre le Celta (2-1) à l’aller et contre Osasuna (1-0).
Cela peut sembler anecdotique mais c’est en réalité révélateur de ce qu’est devenue la Liga des dernières années : personne ne veut balayer devant sa porte. Même si c’est ultra-minimaliste, Cádiz a son identité de jeu propre et se moque bien des autres clubs. Cádiz et Cervera assument, comme a pu le faire Getafe avec José Bordalás, un autre grand méchant loup des bancs ibériques. C’est moche à voir mais ça prend des points pour atteindre les 42 unités au plus vite. Cádiz ne force personne à faire pareil, à regarder, à valider. Ses adversaires savent à quoi s’attendre, c’est à eux de se préparer en conséquence, sachant que, dans le registre offensif, avec une moyenne de buts par match inférieure à 1, Negredo et ses coéquipiers ne sont pas des requins blancs, loin de là. Ce n’est pas un hasard si les Andalous ont été le 8e club à l’extérieur (24 points) en 2020-2021 : de nombreux clubs de Liga, Cádiz compris, ont eu toutes les peines du monde à trouver une identité de jeu à domicile.
Le coupable, c’est le poisson rouge
En l’espace d’une saison et deux matches, Cádiz est devenu la cible à abattre car, c’est l’évidence même, la Liga a perdu de son éclat depuis la montée en 2020. La gestion catastrophique du Barça qui conduit aux pertes de Neymar et Messi, au délitement des principes de la Masia et du jeu de l’équipe première avec des transferts aussi onéreux qu’inutiles, c’est la faute de Cádiz. Le Real Madrid qui propose le minimum du minimum avec un tel effectif, qui aligne 100M€ pour Eden Hazard qui a à peine joué depuis 2 ans, qui éjecte ses meilleurs canteranos aux 4 coins du pays et qui ne donne pas une véritable chance aux vainqueurs de la Youth League, c’est la faute de Cádiz. Si l’Atlético renonce à tous ses principes de jeu porté vers l’avant après une phase aller remarquables au motif qu’il y a des absents pour se ridiculiser en 1/8 de finale de Champion’s contre Chelsea, c’est aussi la faute de Cádiz. Si Julen Lopetegui aligne un Séville B lors du dernier match de poule de C1 disputé à domicile alors que la 1re place du groupe est en jeu, qu’Olivier Giroud colle un quadruplé et que Nervión est sorti en 1/8 par le Borussia Dortmund, c’est toujours la faute de Cádiz. Si le Betis (de Pellegrini) achève la phase aller avec 9 défaites, réalise une série de 6 matches nuls entre les 29e et 34e journées en inscrivant la bagatelle de 4 buts mais que cela suffit pour terminer 6e avec une différence de buts de 0, c’est évidemment la faute de Cádiz. Si la Real Sociedad n’a besoin que d’un gros début de saison pour terminer 5e et se fait humilier par Manchester United en Ligue Europa, si Valencia fait absolument n’importe quoi, si à partir de la 8e place, tous les clubs (sauf l’Athletic) ont une différence de buts défavorable et que seulement 5 clubs ont une moyenne au-dessus d’1.5 but/match, c’est la faute de Cádiz vous dis-je !
Les fautes de Cádiz, c’est de jouer ultra défensif et d’être la 19e défense de Liga avec une différence de -22, c’est d’être 18e club à domicile avec seulement 20 points d’inscrit, c’est de penser que ce système-là permettra de se sauver encore de nombreuses années. Mais ça, c’est le problème des Gaditanos. Pour tout le reste, leurs collègues se débrouillent déjà très bien et ne semblent pas décider à se remettre en questions.
François Miguel Boudet