Après avoir refermé un cycle de 5 saisons à Getafe, José Bordalás débarque au Valencia CF, monument en péril. Au cœur d’une crise multi-dimensionnelle, le club blanquinegro a fait appel à un entraîneur à poigne, certain de ses principes de jeu en totale adéquation avec l’ADN che. L’Alicantino sera-t-il capable de relever ce défi ?
Le classement est flatteur et malgré son indigence, 13e, il ne reflète pas suffisamment l’état du jeu du Valencia CF sous Javi Gracia, entraîneur guère entraînant, usé et abusé par Peter Lim et Anil Murthy dès le début de son éphémère mandat. Après un énième intérim de Voro pour boucler une saison longue comme un jour sans pain, les dirigeants blanquinegros ont pris la mesure de la déliquescence dans laquelle ils ont propulsé le club après avoir écarté le trio Mateu Alemany-Marcelino García Toral-Pablo Longoria. Pour relever le Valencianismo, il fallait un homme à poigne, rugueux. José Bordalás cochait toutes les cases. Le voilà donc – enfin – à Mestalla.
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Mariage de déraison
Voir le technicien de Getafe débarquer dans la capitale du Turia n’était pas chose acquise, surtout auprès des supporters. Car si Pepe Bordalás propose un jeu qui correspond aux valeurs blanquinegras avec une volonté de défendre âprement et de contrer, les matches contre les Azulones ont souvent été rugueux et tendus. Le point culminant a sans nul doute été les 1/4 de finale de Copa del Rey en 2019 avec, à l’aller, un pisotón non sanctionné de Damián Suárez sur Kang In Lee et, au retour, une fin de match totalement folle avec la qualification che au bout du temps additionnel et le chambrage en règle de Rodrigo Moreno qui répondait aux insultes reçues au Coliseum Alfonso Pérez. L’Alicantino aurait déjà pu s’installer sur le banc dès la saison dernière et sa venue devenait des plus hypothétiques. Un an plus tard, son arrivée relève de l’évidence car il est certainement la version la plus proche de Marcelino García Toral, celle qui a permis au Valencia CF de remporter la Copa del Rey, de restaurer son jeu et de se qualifier pour la Ligue des Champions. Après deux saisons à jeter à la poubelle, c’est un nouveau cycle qui s’ouvre et il est à la mesure de Bordalás.
À la recherche du juste milieu
Cinq victoires pour une défaite : la présaison a été globalement réussie, avec le retour des cadres (hormis Carlos Soler sur le pont aux Jeux olympiques), la présence de canteranos et des évolutions tactiques. Les principaux chantiers concernent la défense et le milieu. Bordalás milite pour la venue de Mauro Arambarri, vieille connaissance de Getafe qui, à un an de la fin de son contrat, constitue un actif pour les Azulones. Autre candidat : Jefferson Lerma. Le Colombien, ancien de Levante, est sur le départ à Watford et le centurion ne serait pas contre le fait de le voir incorporer sa légion. Actuellement à Schalke 04, descendu en 2e division, Omar Mascarell (28 ans) est également dans le viseur du club.
« quand je suis arrivé à Valencia, je connaissais la situation du club. nous avons parlé des besoins de l’équipe et de nos points de convergence. J’ai cet engagement »
josé bordalás après la victoire contre le Milan lors du trofeo naranja
Pour l’heure, l’Alicantino a fait monter Hugo Guillamón d’un cran. Privé de Jeux olympiques alors qu’il avait été titulaire et buteur contre la Lituanie lors du fameux match disputé par les U21 avec l’Euro pour cause de cas contacts COVID chez les A, le défenseur central pourrait constituer une solution complémentaire au poste de numéro 6 pour suppléer Uros Racic, d’autant qu’Omar Alderete, unique recrue pour le moment, peut le remplacer en charnière.
Guillamón n’est pas le seul à envisager un repositionnement sur le long terme. Révélation de la saison dernière, Yunus Musah pourrait abandonner son poste d’ailier droit pour se replacer dans l’axe, au poste de numéro 8. En l’absence momentané de Soler, l’international américain pourrait élargir sa palette tactique, à l’instar de Soler lui-même qui a évolué à tous les postes au milieu avec son club formateur. Pour Musah, cette évolution sera bénéfique car après un début de saison costaud, il a été moins en vue.

Une recrue incessamment en attaque ?
Après plusieurs mercatos avec les vannes fermées, il semblerait que Peter Lim se soit décidé à donner son OK pour valider quelques arrivées. Il était temps. Du coup, le moulin à rumeurs s’est remis en route. Outre le milieu de terrain, c’est le secteur de l’attaque, déjà amputé de Kevin Gameiro en fin de contrat, qui devrait être bousculé Si Maxi Gómez devrait rester, sauf offre mirobolante, ce n’est pas le cas de Gonçalo Guedes, voire de Kang In Lee qui refuse de prolonger son contrat qui sera libre de signer où il désire dès le 1er janvier prochain. Pour l’heure, le nom qui revient avec le plus d’insistance est celui de Marcos André. Le Brésilien ne jouera pas en Segunda avec Valladolid qui réclame entre 4 et 5 M€ ainsi qu’un pourcentage à la revente qui constitue le dernier point d’achoppement. Autre nom avancé par SuperDeporte : Vedat Muriqi. Arrivé à la Lazio en provenance de Fenerbahçe pour 18M€ la saison dernière, le Kosovar n’a pas convaincu et un prêt est fortement envisagé. Une semaine avant le match inaugural contre Getafe, Bordalás a pu s’entretenir avec Lim en visioconférence. Un indice sur la volonté du magnat de faire évoluer enfin les choses… ou de refroidir les ardeurs de son nouveau coach ? Rien n’est jamais acquis avec l’actionnaire majoritaire.
Des objectifs à la hausse… mais jusqu’où ?
Nouveau cycle et donc nouvelles ambitions. Mais jusqu’à quel degré ? Deux ans de marasme et une gestion imbécile limitent les excès d’optimiste. D’une part, Bordalás a beau avoir quelques références avec Getafe, c’est la première fois qu’il se confronte au quotidien d’un club aussi instable et lunatique. De prime abord, il semble taillé pour le job mais il faudra être sacrément coriace. Par ailleurs, il a récupéré un groupe revanchard, désireux de revenir sur le devant de la scène après une saison de torpeur et d’ennui avec Javi Gracia, trop souvent moins engageant qu’une porte d’ascenseur. Vu ce à quoi il est parvenu avec Getafe, il n’y a pas de raison qu’il ne parvienne pas à réussir de belles choses avec Valencia. Même Denis Cherychev, Jason Remiseiro et Thierry Correia sont en jambes, ce qui constitue un indicateur assez solide.
Revenir dans le haut de tableau est le minimum demandé. Et dans une Liga très homogène ou les places en Ligue Europa demeurent largement accessibles, cet objectif n’est pas démesuré. Le retour du public à Mestalla est en ce sens une très bonne nouvelle car le public se concentrera davantage sur Lim et Murthy que sur l’équipe. Avec le retour d’un ADN rugueux, Valencia pose les jalons d’une époque qui doit ramener le Valencianismo sur le devant de la scène en Espagne et, pourquoi pas, en Europe. Le centurion Bordalás en a les capacités. A moins que la folie des dirigeants singapouriens ne détruisent tout, encore une fois.
François Miguel Boudet