Avec un jeu renouvelé, séduisant et emballant en première partie de saison, beaucoup plus heurté et laborieux lors de la phase retour, l’Atlético de Madrid a démontré que le tout-défensif faisait partie du passé. Sans renier ses principes mais prenant conscience que son arrière-garde marquait sérieusement le pas, Diego Simeone a insufflé une nouvelle énergie aux Colchoneros. Désormais champions en titre, les Indios ne peuvent plus se cacher derrière leur statut d’outsider, aussi bien en Liga qu’en Europe. Mais seront-ils capables d’opérer une telle transition psychologique à l’heure où le FC Barcelone et le Real Madrid paraissent mal en point comme rarement ?
Sept ans après, l’Atlético de Madrid a reconquis le titre. Mais, contrairement à 2014, le succès colchonero est potentiellement amené à durer sur la scène domestique. Car si le club n’est assurément pas un modèle de vertu, le FC Barcelone et le Real Madrid sont réellement aux abois. Aussi bien sportivement qu’économiquement, tout est réuni pour que les Indios fassent le doublé. De quoi une nouvelle fois tout miser sur la Liga et délaisser l’Europe ?
Changement de chip
La saison 2020-2021 a été celle du changement pour l’Atlético. Les vertus défensives se sont estompées depuis plusieurs années et le bus à impériale en 4-4-2 était devenue une norme particulièrement soporifique. La « digestion » du transfert d’Antoine Griezmann, le départ du Mono Burgos et l’arrivée de Nelson Vivas au poste d’adjoint a contribué à cette évolution tournée vers l’avant, avec une utilisation régulière du 3-5-2 qui devrait être reconduite et amplifiée. La phase aller a été digne d’un rouleau-compresseur, avec seulement 7 unités laissées en chemin. Malgré les blessures, le cluster COVID et la piteuse élimination en Ligue des Champions, les Colchoneros ont tenu la distance, même s’ils ont beaucoup toussé pour remporter leur première Liga depuis 2014. Soulever ce trophée relevait de l’obligation face à un Barça et un Real Madrid balbutiant leur football mais tout proche de souffler le titre dans les derniers instants. Cela montre que, même en conjuguant au plus-que-parfait pendant une moitié de saison, le Cholo Simeone et ses hommes n’ont guère de marge de confort.
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Une présaison alambiquée
Diego Simeone a conscience que l’Atlético peut initier un cycle vainqueur et cela commence par le doublé en championnat. Les Colchoneros sont les principaux favoris à leur propre succession et seront les cibles prioritaires à abattre. Désormais, la pression est sur eux. Un changement notoire.
La présaison a été difficile et la moitié des titulaires a peu ou pas joué : Stefan Savic, Kierran Trippier et Luis Suárez débuteront leur saison directement contre le Celta, Koke, Marcos Llorente, Ángel Correa et Yannick Carrasco sont en-dessous des 100 minutes de jeu. Absents à l’Euro, Jan Oblak (364′) et Mario Hermoso (204′) sont les mieux rodés. Encore dans une période de reprise, les Indios rendent le Cholo nerveux. Contre Feyenoord, il a traversé tout le terrain pour pourrir Carrasco, exclu après une faute inutile. Mercredi, il s’est emporté devant ses joueurs, lassé du manque d’efforts dans tous les compartiments du jeu.
« Nous sommes le champion et ils vont venir nous mordre le cul ! Nous pressons très mal ! »
Diego Simeone à l’entraînement, 4 jours avant le début de la liga contre le celta
C’est probablement un instant inédit que vit l’Atlético. Malgré une gestion économique dont il y a beaucoup à redire, la situation est beaucoup plus stable que chez les rivaux. Sportivement, l’effectif est assurément le plus complet et compétitif d’Espagne. Ce n’est plus un club outsider mais bien un club qui peut devenir dominant sur la durée. Pas simple à gérer, y compris pour le Cholo qui ne s’est jamais retrouvé dans une telle configuration. Lui aussi doit s’adapter à cette position privilégiée.

Un recrutement qualitatif et excitant
L’Atlético n’a pour l’heure enregistré que deux arrivées : Marcos Paulo, en fin de contrat avec Fluminense, et Rodrigo de Paul, récupéré à l’Udinese pour 35M€. Deux renforts au milieu de terrain, le secteur vraisemblablement le plus sollicité cette saison. Avec le retour de prêt de Nehuén Pérez (Granada), Simeone renforce son secteur défensif sans frais, d’autant qu’il aspire à convertir Geoffrey Kondogbia en défenseur gauche dans le 3-5.2. Nehuén est même en pole position pour suppléer Savic en ce début de saison, avec de vraies opportunités dans un futur proche.
Auteur d’une belle saison avec Huesca malgré la descente et de Jeux olympiques de belle facture, Rafa Mir est annoncé pour 15M€. Ce transfert permettrait à Luis Suárez de souffler et d’éviter les blessures, tout en renforçant un secteur avec un véritable attaquant, dans un registre tout à fait différent de Joao Félix et Ángel Correa. La saison pourrait voir éclore Giuliano Simeone, fils de, auteur de son premier but avec l’Atlético lors du 1er match de préparation contre Numancia. Avec Manu Sánchez et Rodrigo Riquelme, il fait partie de la jeune garde qui veut se faire une place dans la rotation.
Une des inconnues de cette fin d’été reste la situation de Saúl Ñíguez. Sauvé du marasme par Simeone alors que son niveau plongeait sévèrement, l’Ilicitano a retrouvé quelques couleurs et son nom a alimenté le moulin à rumeurs du côté du Barça où il aurait pu entrer dans le ligne de compte dans le rapatriement de Griezmann. Le départ de Leo Messi a semble-t-il changé le donne et le Français devrait poursuivre son aventure en Catalogne. Saúl restera-t-il chez les Rojiblancos ? Une vente pourrait provoquer l’arrivée de Dusan Vlahovic (21 ans), auteur de 21 buts avec la Fiorentina la saison dernière, qui pourrait quitter la Toscane pour une somme comprise entre 60 et 70M€.
Avec un effectif quasi-inchangé et des automatismes qui perdureront, l’Atlético de Madrid est assurément le club le mieux loti dans cette période post-COVID. La concurrence est énorme dans le groupe et les places seront chères pour jouer un rôle tout au long de la saison. Rarement les Indios ont été dans une situation aussi favorables. On dirait qu’El Pupas a fait ses valises et mis les voiles très loin du Metropolitano.
François Miguel Boudet