Formé à l’Espanyol avec Pol Lirola et Marc Roca, Ian Soler (25 ans) a tenté l’aventure en Slovaquie, au Zemplin Michalovce. Milieu défensif ou défenseur central, le Catalan s’est bâti une belle réputation au pays de Marek Hamsik et envisage de poursuivre sa carrière en Europe de l’Est. Avant le match décisif de la Roja, il parle de l’état du football slovaque vu de l’intérieur.
Comment un Perico se retrouve-t-il sur les terrains du championnat de Slovaquie ?
Longue histoire ! J’ai été formé en Espagne et puis je suis parti à Fulham avant de rentrer en Espagne, à Jumilla puis à l’Atlético Malagueño, le filial de Málaga. Mais j’avais très envie de repartir à l’étranger. J’ai reçu une offre du Zemplin Michalovce, un club certes modeste mais qui a très bien marché la saison avant la COVID. Je suis très heureux de cette expérience.
Par quel biais avez-vous été contacté ?
De nos jours, tout est plus simple, tout le monde est connecté et les clubs peuvent se mettre en relation avec n’importe quel joueur. Et l’Espagne est une puissance mondiale, ce qui aide. Le directeur du club avait des contacts en Espagne, il a vu mon CV et j’ai ensuite reçu une offre.
« le slovaque est difficile à apprendre. Ça a été un problème quand le club m’a nommé parmi les capitaines de l’équipe »
Ça aide d’être Espagnol et Catalan pour avoir des offres ?
Oui, car le football formatif est très performant, avec de grands noms. Dès le plus jeune âge, on s’entraîne avec le ballon, c’est aussi tactique, avec des exercices pour bien se positionner sur le terrain. Ce n’est pas dans tous les pays qu’il y a cette rigueur aussi tôt. Les clubs sont au courant de cet avantage que nous avons.
Ce qui a dû vous changer, c’est le climat et la langue. On peut survivre à ces deux éléments ?
(Rires) Le temps en Slovaquie, quand c’est au mois de septembre, c’est parfait. Mais alors en décembre… Quand les températures passent en-dessous de zéro, il faut vraiment aimer le football pour assister à un match ! Quant à la langue, c’est vrai que le slovaque est difficile à apprendre. Ça a été un problème quand le club m’a nommé parmi les capitaines de l’équipe. Pour parler dans le vestiaire et avec la presse, c’était complexe. Je parle très bien anglais mais peu de monde le parle en Slovaquie.
Que vaut le championnat slovaque ?
En Espagne, nous avons une éducation footballistique qu’il n’y a pas en Slovaquie. Leur football, on peut le voir en Ligue Europa, n’est pas aussi tactique que dans les grands clubs européens. Cela dit, il y a vraiment de très bons joueurs. C’est très physique, ils peuvent courir 3 matches d’affilée (rires), avec beaucoup de contre-attaques. C’est plus axé sur le jeu rapide que les attaques placées.
Le fútbol modesto vous a-t-il aidé pour vous faire une place dans ce championnat ?
Assurément car la Segunda B est un championnat qui n’est peut-être pas très connu mais qui est très difficile. Il y a de la qualité, des joueurs talentueux qui sont proches d’accéder à la Segunda et qui sont donc très compétitifs. Ça m’a appris à ne rien lâcher. Néanmoins, le football slovaque est différent. Savoir jouer à plusieurs postes est très important. Moi par exemple, j’ai oscillé entre milieu et défenseur central.
Et vous préférez évoluer dans l’axe ou un cran au-dessus ?
Je suis un joueur polyvalent. Au début, j’ai été formé milieu de terrain mais on m’a fait reculer il y a quelques années. Sincèrement, ça ne me dérange pas de jouer à une position ou à une autre.
Être désigné capitaine dans un pays qui n’est pas le sien, c’est une belle marque de reconnaissance par rapport à votre leadership.
C’est vrai que depuis que je suis petit, je n’aime pas perdre et ça a forgé mon caractère. Alors je veux pousser l’équipe vers le haut et la soutenir. Et puis c’est aussi dû à mon positionnement sur le terrain. Cette saison, j’ai pas mal joué au milieu, ce qui m’a poussé à avoir plus de responsabilités que quand je joues défenseur central.
Il y a une petite communauté de joueurs espagnols en 1re division slovaque, y compris à Zemplin.
Effectivement, il y a Álex Mendez, qui a 19 ans et qui vient d’Elche. La saison dernière, j’ai joué avec José Carillo, aujourd’hui à Senica. Il y a Dani Iglesias au Spartak Trnava (champion en 2018), Dani Espinar à Sered. Au Slovan Bratislava, le triple champion en titre, il y a Nono qui a joué au Betis, Moha Rharsalla et Vernon de Marco.
Zemplin Michalovce a terminé à la 9e place du championnat sur 12 et s’est maintenu. Au niveau des installations, le club est développé ?
Le club s’est vraiment renforcé depuis quelques années, c’est notoire. La pelouse est bonne, il y a une attention particulière pour son entretien. La salle, les vestiaires, les terrains d’entraînement, le centre de formation : on voit que ça grandit petit à petit, même si la COVID a fait perdre de l’argent, mais ça c’est le lot de tous les clubs.
« L’avantage d’être parti à l’étranger c’est que je me suis fait un nom en Europe de l’Est. Je suis libre et c’est une bonne chose. Pourquoi ne pas aller en Pologne ? »
Au niveau de l’afición, le public slovaque est présent pour supporter leurs équipes ?
Je n’ai pas eu de chance à ce niveau-là car je suis arrivé en septembre 2019, quelques mois avant la Covid. Du coup, je n’ai joué devant un public que pendant 6 petits mois. Et je peux assurer que le public à Zemplin était au rendez-vous au stade, entre 4 et 6000 personnes pour chaque match en moyenne dans une enceinte qui peut aller jusqu’à 7000. L’ambiance était vraiment très bonne, à l’extérieur aussi. Mais il ne faut pas oublier non plus que le sport numéro 1 en Slovaquie reste le hockey sur glace et que l’afición est beaucoup plus forte et présente qu’au football.
Même si le hockey sur glace est très populaire les deus deux stars sportives mondiales du pays sont Peter Sagan en cyclisme et Marek Hamsik en football. Quelle est la place de l’ancien Napolitain dans l’imaginaire collectif ?
Dans notre équipe, nous avions de jeunes joueurs qui évoluaient avec la sub21 slovaque et pour eux, c’est une idole absolue. Pour la Slovaquie, c’est une vraie chance d’avoir un joueur de la renommée d’Hamsik. Il a atteint un niveau tellement élevé, il inspire tout le monde.
La Roja n’est pas dans la meilleure forme, elle a étrenné une charnière inédite Aymeric Laporte-Pau Torres pour cet Euro. En tant que défenseur central, que pensez-vous de ce binôme ?
De mon point de vue, il s’agit de deux défenseurs de classe mondiale mais il leur manque de l’expérience et aussi de caractère. Ils sont aussi bons l’un que l’autre mais ils n’ont pas de leadership. En comparaison, Sergio Ramos a une mentalité de leader depuis qu’il est tout petit.
Même sans pouvoir jouer, simplement en étant dans le groupe, Ramos aurait-il pu les aider ?
Quand tu es sélectionné avec la Roja, c’est sur tes mérites, si tu as réalisé une ou plusieurs bonnes saisons. Et le Ramos de cette saison a eu énormément de blessures. Mais personnellement, pour tout ce qu’il représente et ce qu’il apporte sur le terrain mais aussi dans le vestiaire, je l’aurais pris malgré tout.
Comme Catalan, comment jugez-vous cette disparition de cet ADN de la Selección qui a coïncidé avec le crépuscule de la génération dorée ?
La génération 2008-2010-2012 était un peu comme la France d’aujourd’hui parce que rien qu’à voir la composition, tu avais peur. Et en plus, elle s’entendait bien alors qu’il devait y avoir 6 joueurs du Barça et 5 du Real Madrid. Cette Roja de 2021 ne fait pas corps comme celle-ci.
En tant que connaisseur du football slovaque, vous avez un pronostic pour Espagne-Slovaquie ?
J’ai beaucoup de respect pour la Slovaquie parce que j’ai pu voir qu’il y a des joueurs qui se battent énormément comme Skriniar en défense et Duda en attaque. C’est une sélection physique. De l’autre côté, il manque le réalisme offensif à l’Espagne. Il n’y a pas d’attaquant fiable qui te garantit des buts comme David Villa ou Fernando Torres. Pour moi, Villa est le meilleur buteur de l’histoire de la Roja, pour son palmarès mais aussi pour son jeu. Pedro était aussi très bon dans son registre. En fait, il manque un buteur qui fasse peur à l’adversaire.
Vous êtes en fin de contrat avec Zemplin : vous vous voyez poursuivre en Slovaquie ou plutôt revenir en Espagne ?
L’avantage d’être parti à l’étranger c’est que je me suis fait un nom dans l’Europe de l’Est. Désormais, je suis libre et c’est plutôt une bonne chose parce que j’avais déjà reçu des offres cet hiver mais je n’avais pas pu partir. Pourquoi ne pas aller en Pologne ? On va bien voir comment évoluent les choses. Le football en Espagne est compliqué : les salaires ont baissé, y compris en Segunda. J’ai eu la chance à Málaga de côtoyer un vestiaire de Liga et même si je n’ai pas joué, j’ai passé toute la saison avec l’équipe. Une chose est sûre : on ne paiera plus aux mêmes hauteurs qu’avant. Peut-être dans quelques années, mais pas dans l’immédiat. Finalement, cette expérience en Slovaquie a été très bénéfique.
Propos suscités et traduits par François Miguel Boudet