Clásico : la quête des meilleures associations en fonction du contexte

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Ce samedi soir (21h), dans une Liga encore embrumée dans une affaire de racisme très mal gérée par Javier Tebas, le Real Madrid reçoit le Barça. Ces deux clubs cimentent le football espagnol et conditionnent depuis longtemps son évolution mais le renouvellement tarde à venir. Ronald Koeman et Zinedine Zidane vivent des contextes différents, mais doivent trouver la bonne formule pour continuer de mettre la pression sur l’Atlético et ne pas partager leur siège de géant. Réflexion sur les choix des deux entraîneurs.

Le projet n’est pas de faire confronter les idées, les visions ou les projets, mais il est intéressant de discuter de la manière dont certains coachs, mais surtout énormément de suiveurs, perçoivent le football. Pour certains, c’est en mettant les meilleurs joueurs d’un point de vue individuel qu’on arrive à performer sur la durée, ne prenant pas en perspective la dynamique du terrain et sa capacité d’association avec les autres acteurs de son équipe et de l’adversaire. Pour d’autres, le football est un système complexe, où des gestes assez simples côtoient des organisations bien plus grandes et qu’il faut donc penser le football comme une infinité d’associations tout en gardant le contexte global à l’esprit pour réussir à performer. L’individu doit épouser le collectif, le servir sans pour autant se perdre totalement à l’intérieur et garder sa capacité d’action, son libre arbitre. La deuxième proposition semble la plus cohérente. Explications.

La quête des meilleures associations 

On évoque peu les associations, c’est pourtant une des bases dans le football et la quête de bon nombre d’entraîneurs. À l’Olympique de Marseille par exemple, André Villas Boas puis Jorge Sampaoli sont toujours à la recherche des meilleures associations et tardent à trouver ce qui peut fonctionner sur la durée. Ce qui ne veut pas dire que l’effectif n’est pas de qualité mais, ensemble, ça ne fonctionne pas aussi bien que prévu.

A Madrid, les meilleures associations sont là : Modric-Kroos-Casemiro au milieu, Ramos-Carvajal, Benzema le trio de derrière, tout ce beau monde se connait parfaitement. Ensemble, ils sont meilleurs, tout simplement. En plus d’avoir des profils complémentaires, ils ont un vécu ensemble, des habitudes, une routine qui, même si elle peut être nuisible, rend souvent un effectif capable de performer dans la durée et surtout de répondre présent dans l’adversité, que ça soit à l’intérieur d’un match ou même dans un enchainement de mauvais résultats. Zinedine Zidane suit le même chemin que Didier Deschamps. Les deux semblent avoir été marqués profondément par leur passage à la Juve et chérissent fortement cette notion de groupe.

Crédits : Iconsport

Pour Koeman et son Barça, la donne est bien différente. L’équipe est encore nostalgique des superbes associations qui ont porté le club sur le toit de l’Europe, Xavi-Iniesta ne sont plus là, Valdés ne veille plus sur une charnière Puyol-Piqué, Dani Alves et Messi ne font plus danser le tango à des pères de familles. Restent encore des choses qui fonctionnent, comme le duo Alba-Messi par exemple, mais l’ensemble est à reconstruire. Cela pousse l’entraineur néerlandais à faire des essais. Les schémas ainsi que les animations changent, la défense à 3 a par exemple permis de sécuriser un bloc qui prenait souvent l’eau tout en permettant de donner de la liberté aux latéraux ainsi qu’aux milieux centraux. La relation Messi-Dembelé est intéressante, tout comme l’association Pedri-Busquets-De Jong au milieu.

Pour bien comprendre ce que sous-entend cette quête des meilleures associations, il faut prendre un peu de recul et ne pas juger un joueur sur l’image qu’il peut renvoyer ou sur un possible statut. Bien sûr, des grands comme Benzema, Messi ou encore Modric et Kroos ne seront rarement remis en question et surtout toujours les premiers noms à être posé sur la feuille, mais à côté de ça, des joueurs un peu moins en vue peuvent tirer leur épingle du jeu si leur style, leur personnalité et leur manière de comprendre le modèle de jeu est meilleure qu’un joueur avec un niveau prétendument meilleur. Au final, un bon entraineur ne cherche qu’à performer et c’est avec les meilleures associations que l’on met le plus de chances de son côté, pas en empilant les meilleurs joueurs.

Le contexte fait-il le reste ? 

La quête des meilleures associations et donc de la meilleure équipe fonctionnelle n’est pas chose facile parce qu’elle se confronte au contexte des clubs, qui regroupent différentes viables. Une blessure, un transfert, une baisse de forme, un joueur qui n’est plus mentalement apte à performer ou simplement une brouille. Il peut y avoir aussi une direction qui met la pression pour titulariser un fort investissement (un joueur payé trop cher sans réflexion large) qui doit être rentabilisé sous peine de perdre gros. Les entraineurs, qui doivent déjà gérer un groupe, doivent en plus jongler avec tout ça, en rajoutant pour le cas du Barça et du Real, la pression médiatique et des supporters. Ce contexte conditionne énormément de chose tout comme le cadre tactique qui est offert aux joueurs.

Au Barça, il a permis à Koeman d’avoir du temps, pour faire des essais et surtout pouvoir piocher du côté de la Masia. Le club étant dans une situation financière difficile et avec une direction contestée, il a eu les mains libres pour se tromper mais aussi donner sa chance à des jeunes surtout que des blessures de cadres ont rendu ce choix peu contestables. L’idée n’est pas de faire du foot fiction, Ronald Koeman aurait peut-être donné du temps de jeu à Mingueza, Ilaix ou Araujo sans cet ensemble de choses, mais ce qui est certain, c’est que ce contexte a favorisé et encouragé ces décisions qui sont finalement d’excellents choix.

Tactiquement, le passage en 352 bloc haut est aussi un très bon choix. Dans cette disposition, l’ensemble des joueurs catalans semblent trouver une approche collective qui les rassure, autant offensivement que défensivement. Même s’il est devenu défenseur pour dépanner, Frenkie de Jong dans un rôle de relayeur très libre, une chose permis par l’assure d’avoir à minima 3 centraux pour couvrir nous permet de profiter d’une superbe version du Batave.

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Pour le Real Madrid, les multiples erreurs de casting sur le mercato peuvent aussi s’expliquer par le contexte merengue. Actuellement, les Vikingos vivent encore dans une période proche du triplé, où le Real a été invincible en C1. Dans le même temps, ses cadres, qui ont permis cet exploit sont encore en grande forme ce qui rend la possibilité de mise en concurrence difficile surtout qu’un Jovic n’a pas le même style qu’un Benzema par exemple, les deux ne sont pas interchangeables et Zidane n’a pas le temps pour changer son animation quand mettre le Français titulaire résout bon nombre de problèmes.

Bien sûr, les places ne sont pas non plus fixes. Marcelo qui n’est que l’ombre de sa meilleure version ne tient pas la longueur face à un Ferland Mendy installé à son poste. Pour un autre joueur, c’est un ensemble de variables qui lui ont permis d’avoir de la continuité : Vinicius Jr. Le Brésilien, raillé pour son déchet et auteur d’un doublé face à Liverpool en C1 cette semaine, a profité de la nomination de Santiago Solari pour émerger et des blessures d’Eden Hazard pour enchainer et avoir du temps pour s’installer. Sans être encore un titulaire indiscutable, il semble certain que si le Belge avait pu tenir sa place dans la durée, l’ancien de Flamengo serait déjà en Turquie.

Un cheminement complexe 

Le travail d’un entraineur n’est pas chose aisée, quel que soit le club dans lequel il évolue. Bien sûr, quand on discute d’institutions comme le Real Madrid ou le FC Barcelone, ce qui gravite autour peut donner le tournis mais il ne peut pas cantonner les analyses à ce qu’on voit sur le terrain ou l’impression qu’on a d’un effectif ou même du niveau d’un joueur. Cela ne veut pas autant dire qu’on ne peut plus donner son avis et penser qu’un entraineur se trompe ou a fait un choix douteux à un certain moment.

Reste qu’il semble important d’essayer de comprendre ce qui pousse un technicien à faire tel choix, ce qui peut se passer ou toujours intégrer qu’on est traversé par d’innombrable biais, qui influent logiquement sur nos décisions et nos perceptions. Ronald Koeman et Zinedine Zidane sont des entraineurs bien différents, que ça soit sur le plan de la communication ou simplement dans le chemin à suivre pour performer. Pour autant, les deux doivent dompter des contextes particuliers pour trouver les meilleures associations et remporter des matchs. On peut s’écharper, discuter, échanger, mais il est important de ne pas mépriser.

Benjamin Bruchet 

@BenjaminB_13

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