Copa del Rey 2020 : Une finale basque au goût (presque) amer

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Nous sommes en 2021 mais ce samedi 3 avril (21h30) se dispute la finale de l’édition passée de la Copa Del Rey. Un match que le Pays basque attend avec impatience puisqu’il opposera l’Athletic Club à la Real Sociedad. Avec un an de retard, cette rencontre historique rappelle la place incertaine qu’ont aujourd’hui les supporters.

Ils l’attendent depuis maintenant un an. Cette finale de Copa devait se jouer en avril dernier, puis le 30 mai 2020. Jusqu’à être finalement reportée au printemps 2021. Aitor Elizegi et Jokin Aperribay, présidents de l’Athletic et de la Real, avaient uni leurs voix pour réclamer la présence des supporters au stade de la Cartuja de Séville. Collaboration surprenante dans le foot business actuelle, d’autant qu’elle empêchait l’Athletic d’obtenir une place européenne. La finale étant qualificative, les Zuri-gorriak auraient pu jouer l’Europa League s’ils avaient fait le choix de ne pas privilégier leur afición. Une décision qu’ils pourraient aujourd’hui regretter, puisque la Fédération a confirmé le 18 mars dernier qu’aucun supporter ne sera autorisé en tribune.

Initialement, les deux clubs recevaient environ 26 000 places à distribuer. Il n’en sera rien. Si quelques stades de Segunda B accueillent des supporters grâce au pouvoir des communautés autonomes, les matchs de Copa dépendent d’une autorité centrale fermement opposée à l’entrée de spectateurs. La période pandémique a d’ailleurs remis la question des supporters au cœur des débats. Quelle est leur place dans le football lorsqu’ils ne peuvent plus accéder aux stades ni défiler dans les rues avant une rencontre ?

Les supporters des différentes équipes basques ont l’habitude de s’unir lors des matchs de l’Euskal Selekzioa [Crédits : El Correo]

Le gouvernement espagnol s’oppose au public

« Ce n’est ni possible, ni adéquat, ni convenable ni opportun » a répondu Carolina Darias lorsqu’a été évoquée la possibilité qu’une dizaine de milliers de supporters se rendent à la Cartuja assister à la finale. Pour la ministre espagnole de la Santé – qui comprend « les envies d’être présent dans ce genre d’occasions » –, ce n’est pas le moment de jouer avec la pandémie alors que l’Espagne est en proie à une augmentation du nombre de cas. Impossible donc de répondre par l’affirmative à la Fédération de Luis Rubiales, qui souhaitait que le stade andalou soit rempli à hauteur de 25%. Quelques jours avant que la Fédération n’officialise le huis-clos, des rumeurs relayées par El Chiringuito TV affirmaient que seuls Sévillans pourraient assister à la finale du 3 avril. S’était alors posée la question d’une potentielle délocalisation du match en Euskadi.

Le 18 avril 2020, jour où la finale aurait dû se jouer, les deux clubs basques ont réalisé ensemble une vidéo dans laquelle six joueurs rappellaient que « pour la première fois, l’Athletic et la Real Sociedad s’affrontent en finale » (Iker Muniain). Cette collaboration entre clubs rivaux permettait également de souligner que « peu importe ses couleurs, cette finale est celle de tous » (Asier Illarramendi). « Un match historique, chargé en rivalité mais également de joie et d’union entre les supporters » rajoutait Aritz Elustondo. Il était encore permis de penser à cette époque que cette finale pourrait se jouer tôt ou tard face à du public. Ou au moins, dans les rues d’Euskal Herria.

L’accueil du bus de la Real Sociedad risque d’être moins électrique à Sevilla [Crédits : RSOTV]

Le gouvernement basque s’y oppose aussi

Mais même en terres basques, les fêtes ne font pas l’unanimité. Alors que les services du Musée de Bilbao ont pris soin pendant plusieurs mois de remettre en état la Gabarra, le gouvernement basque a fait savoir ses réticences quant à une célébration dans les rues de Bilbao – comme dans celles de Saint-Sébastien. Ce bateau, représentant l’époque industrielle de Bilbao, avait été utilisé en 1983 pour fêter la victoire de l’Athletic en championnat. Extrêmement symbolique, la Gabarra nécessitait une restauration pour espérer retrouver la ria de l’Ibaizabal. Le report de la finale 2020 de la Copa avait offert le temps manquant pour le remettre à l’eau.

Mais quel que sera le vainqueur de cette finale, le Lehendakari (président basque) ne souhaite pas de célébration massive. « Ce n’est pas le moment d’y penser » avait affirmé le porte-parole du gouvernement régional, Bingen Zupiria. Il avait ensuite ajouté qu’aucun représentant du pouvoir exécutif ne se rendra en Andalousie le 3 avril : « Si le public n’a pas le droit d’y être, nous nous devons de ne pas y aller non plus ». Le Pays Basque (hors Navarre et Iparralde) enregistre chaque jour environ 3 000 nouvelles contaminations. Le 18 mars, au moment même où la Fédération espagnole officialisait le huis-clos pour les finales de Copa, la Fédération basque demandait à son gouvernement l’ouverture des stades pour les compétitions amateurs. Sans obtenir gain de cause.

L’Athletic a changé la décoration de son bus en référence à ces deux finales d’avril 2021 [Crédits : El Correo]

Un match de communication

En attendant de pouvoir s’affronter sur le rectangle vert, l’Athletic et la Real Sociedad se sont opposés par leur communication. Les médias ne sont d’ailleurs pas restés en retrait. Les principales personnalités basques s’y sont relayées pour donner leurs pronostics, quand El Diaro Vasco n’hésite pas à encourager publiquement la Real Sociedad. Leurs publicités, montrant une sculpture d’un lion mort, ne sont pas passées inaperçues dans les rues de Donostia. Ce même quotidien a tenté de faire le buzz en utilisant le poulpe Pello, de l’aquarium municipal de Saint Sébastien, pour pronostiquer le vainqueur de la finale. L’octopode a opté pour l’équipe locale. Encore heureux.

Si les médias du Gipuzkoa peuvent avoir des idées farfelues, la meilleure opération de communication vient bien de cette province. On est souvent mieux servi par soi-même. La Real Sociedad l’a prouvé en début du mois de mars en annonçant la commercialisation d’un maillot réalisé spécialement pour la finale de Copa. À l’heure où le Barça n’hésite plus à posséder au moins quatre tenues par saison, le club de Donostia n’est pas un adepte de cette pratique. Son nouveau maillot a pour principale particularité de ne pas conserver le sponsor IQONIQ. Au lieu de ça, la tunique Txuri-urdin opte pour des contours et un flocage dorés, ainsi que les scores et adversaires des matchs ayant permis à l’équipe d’atteindre la finale. Avec ses drapeaux basques sur les manches, le maillot est une pure réussite.

Le maillot de la Real pour la finale de Copa 2020

Le soutien à 860 kilomètres de distance

À Bilbao, pas de tenue spéciale. Au plus grand dam de ses supporters, l’Athletic n’a opté que pour l’apport d’un patch Bizi Ametsa (Vivre ses rêves en Basque). La communication du club bilbotarra s’est principalement axée sur la place des supporters, qui sont encouragés à afficher les couleurs rouges et blanches sur les balcons. Dans le même objectif, plusieurs milliers de bandanas de l’Athletic ont été offerts dans les maisons de retraite de la province de Bizkaia. Un spot publicitaire a également été diffusé quelques jours avant la rencontre, dans lequel les joueurs parlent de la place des fans. « Vous nous manquez, mais nous sentons votre présence. Nous allons vivre ce rêve ensemble » rassurent Villalibre, Yuri ou encore Iñaki Williams.

Les mairies de Bilbao et de Donostia ont également promu leurs couleurs. La première affiche depuis le 22 mars la banderole officielle de l’Athletic, en lieu et place du drapeau municipal. Chez le rival, le maire Eneko Goia a offert l’étendard de la ville au président de la Real Sociedad, afin qu’il l’emmène à Sevilla. Chacun est persuadé que son équipe va gagner. Nacho Monreal, latéral Txuri-urdin qualifie d’ailleurs la rencontre de « match de nos vies », alors que l’Athletic affrontera ensuite le Barça pour la finale de l’édition 2021.

En 1976 les joueurs de la Real et de l’Athletic avaient défilé ensemble avec le drapeau basque [Crédits : Archives RSO]

La finale 100% basque se déroulera à 860 kilomètres de San Mamés et d’Anoeta, en l’absence totale de supporters. Un crève-cœur pour un événement historique. Ils espèrent retrouver la symbolique de décembre 1976, lorsqu’Iribar et Kortabarria, capitaines des deux équipes, élevèrent ensemble un drapeau basque encore interdit. Les 22 protagonistes joueront pour des fans excités devant leur télé. Mais il n’est pas interdit d’avoir un goût amer lorsque vient le moment d’imaginer l’ambiance d’un telle rencontre face à 57 619 personnes.

Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade

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