OM / Séville FC : Sampaoli, une expérience courte et mitigée en Espagne

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Le passage de Jorge Sampaoli en Europe a été bref avant son retour à l’OM quelques années plus tard. Une saison à Séville, pour prendre la suite d’Unai Emery parti au PSG, une dizaine de mois, mais une période très importante dans l’évolution du club andalou. Même si son départ n’a pas été vraiment digéré, « Sampa » a fait comprendre que ce club pouvait peser sur le championnat et sortir de sa condition de candidat à l’Europa League. Retour sur une saison intense et un mariage qui a mal fini.  

En 2016, Jorge Sampaoli a la lourde tâche de reprendre un Sevilla FC sur le toit de la 2e division européenne et qui reste sur un triplé en Ligue Europa. La doublette Emery/Monchi fait des miracles. Or, le coach basque a besoin d’un nouveau défi, veut tenter de remporter un championnat et se confronter en Ligue des Champions. Il signe au PSG où la possibilité d’une nouvelle histoire dans un club richissime était trop tentante. Monchi ne s’avoue pas vaincu et s’offre un grand coup. Cet été-là, Jorge Sampaoli est l’un des entraineurs les plus en vue en Amérique du Sud et a marqué tout un continent avec la sélection chilienne. L’objectif est simple pour le génial directeur sportif : faire de Séville un club qui peut lutter pour le titre en Liga et peser en C1. La C3 a permis de remettre le club à flots, de lui donner de la consistance et une vitrine. Maintenant, la direction sportive andalouse veut changer de dimension. Jorge Sampaoli, l’entraîneur qui n’entraîne que pour gagner, semble être l’homme de la situation.

Une révolution tactique

En plus d’Unai Emery, cet été-là Séville perd Éver Banega, Grzegorz Krychowiak, Kevin Gameiro et Coke Andújar. C’est toute une page qui se referme à Nervión. Jorge Sampaoli et Monchi se mettent à travailler. Arrive une ribambelle de joueurs connus : Pablo Sarabia, Hiroshi Kiyotake, Joaquín Correa, Paulo Henrique Ganso, Wissam Ben Yedder, Franco Vázquez, Gabriel Mercado ou encore Samir Nasri. L’ancien de l’OM est celui avec le plus gros statut, quand les autres sont des joueurs en devenir, ou des hommes fiables mais sans faits marquants dans leur carrière. Séville ne change pas son approche sur le mercato. Pourtant Sampaoli le dit clairement d’entrée : Séville doit jouer le titre.

Les premières sorties ne permettent pas à Sampaoli de sourire. En Supercoupe d’Europe, Séville mène longtemps mais Sergio Ramos ramène le Real à égalité en fin de rencontre : défaite des Andalous en prolongation face au Real Madrid. En Supercoupe d’Espagne, les Palanganas prennent un cinglant 5-0 en deux matchs face au Barça. Pas de quoi faire douter El Sabio de Casilda qui assume et enfonce le clou après la double rencontre face aux Catalans : c’est en les pressant qu’on met en difficulté une équipe qui aime avoir le ballon. Sampaoli a une vision très claire du football. Il veut que ses équipes pressent, harcèlent, jouent vers l’avant ensemble. C’est tout un bloc qui doit donner l’impression de submerger l’équipe adverse. A Séville, il arrive avec Juanma Lillo, le maître à penser de Pep Guardiola, pour apprendre à mieux gérer ses matchs. Il veut travailler son jeu de possession, ses phases d’attente où on reprend son souffle pour ensuite acculer l’adversaire.

« Jorge est un homme d’une grande ouverture d’esprit. Il a comme tous les amateurs du jeu de position, cette idée de toujorus dominer les matches. il s’agit de toujours maintenir l’initiative du jeu, être actifs et pas réactifs. Ce que cherche jorge avec moi, c’est avoir un meilleur contrôle sur le jeu ». Juanma Lillo

Pour sa première rencontre de Liga, c’est un Sampaoli qu’on a l’habitude voir qui se présente. Il y’a beaucoup d’absents, notamment dans le secteur défensif. Qu’à cela ne tienne, l’Argentin aligne un 352 incroyable, qu’on juge un peu incohérent. Il sait qu’il va souffrir sur chaque perte de balls, mais il sait aussi que son équipe pourra faire très mal offensivement à l’Espanyol. La rencontre est épuisante même pour le téléspectateur : deux buts pendant le premier quart d’heure, 3-3 à la mi-temps, 6-4 à la fin du match en faveur de Séville. Sampaoli s’est présenté à l’Espagne et à la Liga avec son plus beau costume. Tout le monde est séduit ou presque.

Par la suite, on va voir tantôt un Séville qui gère bien ses rencontres, quitte à fermer certains matchs, ou alors une équipe qui met beaucoup d’intensité et un pressing totalement fou. Ce qui est certain, c’est que Sampaoli a réussi à insuffler sa mentalité à son groupe qui croit en lui, à sa capacité à gagner des matchs et à tenir le rythme d’un candidat au titre. Sur la phase aller en championnat, les Andalous gagnent 13 fois. Les Palanganas s’offrent l’Atlético, gagnent sur le fil face au Real Madrid et perdent sur la plus petite des marges face au Barça. L’équipe offre des séquences de très grande qualité. Séville se qualifie même pour les huitièmes de finale de C1, une première  depuis 2009/2010 et performance jamais réalisée par Unai Emery. Avec la victoire 1-0 face aux Colchoneros. il lâche : « Nous ne voulons pas avoir peur, nous ne voulons pas être dans l’attente, nous voulons du protagonisme et rechercher le but adverse plus que le nôtre ». La personnalité et l’approche de l’Argentin sont parfaitement intégrées par ses joueurs.

Une approche qui plaît à toute le monde

Samir Nasri est dithyrambique sur Sampaoli qu’il a côtoyé une saison à Séville. Pour lui, Sampa « c’est de la bombe« . Le natif de Casilda est très proche de ses joueurs, a plus une attitude de grand frère ou de tonton que d’un père autoritaire. Il leur pardonne tout, se plie en quatre pour eux, il sait qu’ils le lui rendront sur le terrain et lui feront gagner des rencontres. L’histoire de Nasri, qui veut aller voir sa famille mais qui vient d’adopter un chiot est intéressante. Le Marseillais ne peut pas voyager avec sa boule de poils, il est bloqué. Sampaoli propose de la garder chez lui. C’est un geste anodin mais il peut voir sa famille, il se sent bien et l’Argentin sait qu’en rendant service à son joueur, il le retrouva sur le terrain ensuite. On peut penser cette position mauvaise, mais l’entraîneur estime que c’est la meilleure pour tirer le maximum de son équipe et de créer cette dynamique de groupe.

Sampa est obnubilé par la victoire, gagner, prendre des points, remporter des matchs à élimination directe. Il a une vision pour cela : jouer haut, acculer l’adversaire, le bousculer, être le premier sur les ballons et attaquer. Son approche après avoir perdu 3-0 le 1/16 de finale aller de Copa Del Rey face au Real Madrid est très éloquente. Il va réussir à mener 3-1 au retour, y croire… avant de s’écrouler. On peut retenir l’élimination ou le pouvoir de persuasion d’un coach qui a réussi à donner assez de confiance à son équipe pour lui permettre de croire en la qualification après avoir perdu aussi largement l’aller face à un monument comme le Real Madrid.

Sevilla training session. In this picture, Jorge Sampaoli and Juan Manuel Lillo on April 03rd, 2017.

A l’entraînement, le staff de Sampaoli ressemble à une équipe dans l’équipe. Il dispose notamment de 11 adjoints qui ont chacun un secteur ou une spécialité. Juanma Lillo fait office de premier adjoint, celui avec qui Sampa échange le plus, se questionne et se remet en question pour rendre son football souvent total en adéquation avec la lutte pour le titre en Liga. L’Argentin a une philosophie : tout doit se faire avec le ballon. Une majeure partie des exercices se font avec celui-ci, où on décortique des gestes, des séquences, avec ou sans opposition et surtout on reproduit des situations qui peuvent arriver en match. Une vision de l’entraînement qu’il partage avec Marcelo Bielsa, son idole absolue. Cependant, les deux entraineurs sont différents : Bielsa explique même que Sampaoli est meilleur que lui parce qu’il n’est pas tombé amoureux de ses idées et qu’il a cette flexibilité nécessaire pour gagner dans la durée.

La notion de plaisir est aussi importante pour Sampaoli. Il lance régulièrement des « amusez vous » à l’entraînement, comme pour expliquer que les joueurs doivent jouer le plus relâché possible pour être le plus performant. Sous cette approche du plaisir, le fait de jouer dans un environnement sain et avec le moins de pression néfaste tout en responsabilisant les joueurs est intéressant. En gros, le coach tente de mettre le joueur dans les meilleures conditions pour performer mais au final, c’est le joueur qui doit faire l’effort sur le terrain. Cette saison-là, plus d’une dizaine de joueurs vont trouver le chemin des filets et Seville va arracher plusieurs résultats en fin de match.

Dans sa construction de ses séances, Sampaoli va aussi se rapprocher des jeunes du club andalou. Monchi l’affirme : « Il utilise beaucoup les équipes de jeunes pour s’entraîner. Mais pas n’importe quelles équipes. Il prend les joueurs importants, ceux qui ont le plus de potentiel pour le futur, afin de les connaître, et qu’ils découvrent sa façon de jouer. Il est novateur dans ce sens ». Cela permet deux choses : faire gouter l’équipe première à de nombreux de jeunes et pouvoir les sélectionner si jamais le besoin se fait ressentir ou pour récompenser une bonne période. Cela permet aussi d’avoir une opposition malléable pour reproduire certains styles d’équipe dans des oppositions.

Des joueurs métamorphosés

Après une victoire 3-2 face à Osasuna, la cinquième de suite en championnat, Sampaoli se lâche : « On ne se leurre pas, c’est une réalité : on va se battre pour le titre. On n’aura peut-être pas la force à la fin et on ne sera peut-être pas capables de le faire mais on va se battre pour ça« . Son approche, son discours, son attitude et ses choix ont permis de faire adhérer à toute un groupe qui avait du mal à gagner à l’extérieur la saison précédente et de lui donner un but : gagner une Liga. Séville reste compétitif et de nombreux joueurs vont afficher un niveau très élevé avec l’Argentin.

Mariano va être l’un des meilleurs de cette saison en championnat. Le Brésilien est un détonateur sur son côté, élégant, en forme, inspiré et très intéressant offensivement. Cependant, ce n’est pas le joueur qui a été le plus métamorphosé. La grosse carcasse de Steven N’Zonzi, habitué à être un destructeur sous Emery ou en Angleterre devient un joueur élégant, à l’aise sous pression et très propre défensivement. Pour faire simple, le Français progresse dans tous les secteurs et devient un joueur aussi impactant offensivement que défensivement. Il deviendra même au fil des rencontres, le premier relanceur de son équipe pour permettre à Nasri d’être plus haut entre les lignes. Sa saison sous Sampaoli le lancera vers la liste de 23 de Didier Deschamps pour le Mondial 2018.

De destructeur, N’Zonzi devient un milieu complet et central dans l’approche de Sampaoli à Séville. Intelligent, mobile, se servant de sa grosse carcasse pour se défaire de ses adversaires avec le ballon ou pour bloquer des transitions, il est partout. On le retrouve même dans la surface adverse. C’est lui qui marque le seul but du match face à l’Atlético en Liga et propulser son équipe en tête de la Liga. Peu d’entraineurs avaient vu ce qu’a perçu Sampa en regardant le Français. Beaucoup ne s’arrêtaient qu’à sa taille, lui a vu un joueur plutôt fin, qui fait souvent le bon geste et qui aime défendre debout. Il a été le joueur qui a permis de bloquer de nombreux contres par sa lecture du jeu et donc offert du temps à Séville pour se replacer.

Une fin en eau de boudin

Le premier couac arrive fin février. Séville est bien embarqué après avoir remporté la première manche 2-1 face à Leicester. Ce match est abordable, l’équipe andalouse est dans une superbe dynamique, les quarts de finale sont à portée de main. Le titre ? On l’évoque aussi, de plus en plus. Ce Séville semble différent, Sampa sait offrir du grand spectacle, gagner des matchs accrochés et naviguer au milieu de tout ça sans trembler. Mars et début avril sont pourtant compliqués pour Séville. Aucune victoire, des défaites face au Barça et à l’Atlético, une élimination face à Leicester. Les Andalous auront tenu une trentaine de journée le rythme d’un candidat aux titres mais il y a eu une grosse baisse de forme.

Dans le fond, rien de grave. Sampa découvre l’Europe mais a tout de même réussi d’excellentes choses dans un championnat où la différence de niveau entre les locomotives et les autres voitures est grande. Cependant, une rumeur gagne en consistance pour expliquer cette baisse de forme : Sampaoli a négocié avec l’AFA pour devenir sélectionneur de l’Argentine. Mieux  : les deux parties sont d’accord ! Il nie un long moment, puis avoue quelques semaines plus tard. A El Pais, il se confie : « Mon rêve depuis toujours est d’entraîner la sélection argentine. En tant qu’Argentin, je ne peux pas refuser cette opportunité même si elle brise ma carrière européenne, qui avait très bien débuté. Je dois y aller ».

Sevilla manager Jorge Sampaoli is furious as he is sent to the stand during the UEFA Champions League Round of 16 second leg match between Leicester City and Sevilla played at the King Power Stadium,

Les supporters n’ont pas digéré ce départ. Sampaoli leur offrait un but, une fierté, ils étaient tous ensemble dans une bulle incroyable. Leur club qui avait connu la D2 au début du siècle, qui était devenu un grand d’Europe, était en train de titiller les géants avec un entraineur génial sur le banc. Sampa les regardait avec des yeux amoureux, chaque mot, chaque match, semblaiet créer une histoire encore plus belle qui ne pouvait que se terminer en apothéose. Et puis ils ont appris que leur bel Argentin discutait avec une autre dans la séquence la plus importante de leur histoire récente. Ils ne pouvaient pas le lui pardonner. Les débuts étaient idylliques, ils ne pouvaient pas se terminer aussi brusquement. Ils leur avaient tout donné, lui cherchait déjà son prochain projet.

Cette fin précipitée permet d’un peu mieux comprendre la personnalité de Sampaoli qui est un entraineur très instable. Son plus long mandat est avec le Chili, sinon il a du mal à rester plus de 2 saisons sur un banc. L’Argentin est un drogué de la victoire, il est obsessionnel, il n’est dans ce milieu que pour ça, vivre cette ivresse, encore et toujours. Comme tout bon drogué, il a peur des périodes de manque, des périodes de vide, il cherche à tout prix à les éviter. Pour cela, Sampaoli saute de club en club, écoute chaque proposition et les accepte quand il pense qu’il peut gagner là-bas. L’Argentin ne semble pas vouloir gérer les périodes de moins bien, s’installer dans la durée ou construire quelque chose. Il propose de gagner, certes avec style mais il ne cherche que ça. Pour flatter son ego ? Possiblement mais surtout parce qu’il a besoin de ça pour avancer, viscéralement. Il faut prendre Sampaoli pour ce qu’il est : une éclaircie dans l’horizon triste du football européen Ça peut ne pas finir bien, mais durant plusieurs mois il rendra heureux et fier ses supporters. Au fond, c’est ça bien ça le plus important.

Benjamin Chahine
@BenjaminB_13

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