Dans la froideur d’un samedi soir, un Real faible et peu inspiré s’offre Valladolid par la plus petite des marges. Un match géré au petit trot par l’équipe de Zidane privée de Karim Benzema l’architecte de l’organisation offensive des Blancs. Un joueur n’a pas fait grande impression côté Vikingos : Vinicius Jr. Pourtant, sa prestation convient à nombreux suiveurs du Real et semble se rapprocher de plus en plus de ce que demande Zidane à son ailier fantasque. Une question nous taraude, pourquoi Zidane rend neutre l’ailier brésilien ? Tentative d’explications.
L’histoire de Vinicius Jr dans la capitale espagnole est semée d’embuches. Le Brésilien, arrivé avec les louanges, a très vite eu sa chance et a impressionné, déçu, frustré ou encore rendu amoureux certains suiveurs. Le joueur tente beaucoup, a un gros caractère, une belle confiance en lui, en ses capacités, mais est conscient qu’elles ne sont pas vraiment en adéquation avec les demandes du haut niveau, encore plus sous le double Z. Du coup, le Brésilien fait le grand écart entre son approche du football, qui le rend atypique et intéressant, et la vision du football d’un entraineur conservateur et pas vraiment enthousiasmant. Au final, le football semble y perdre beaucoup.
Une force devenue le centre du jeu du Real Madrid
La question n’est pas de remettre en cause les réussites de Zidane depuis sa prise de fonction ou lors de son retour avec les Vikingos. Au contraire, la gestion du groupe, des stars, l’approche des grands matchs ou des tournants de la saison semblent parfaitement maitrisés par le Français. L’aspect mental est quelque chose de très important pour le technicien qui ne laisse rien au hasard dans ces moment-là. Par exemple, lors du retour face à City la saison dernière, où Vinicius ne jouera pas une minute, c’est une sanction de Zidane. Le Brésilien avait été au téléphone lors du voyage en bus, une faute de concentration grave et punissable par Zidane selon AS.
Cependant, quand on regarde ce que propose au niveau tactique Zidane, on est souvent déçu. Par séquence il a essayé des choses, notamment une défense à 3 sans grande continuité ni réussite. Il va cependant développer une arme et la polir pour mener au succès : les centres. Dani Carvajal et Marcelo sont des hommes clés dans les réussites de Zidane au Real Madrid. La capacité du duo Modric-Kroos à faire vivre le ballon, puis la capacité des deux latéraux à trouver d’excellentes zones par le centre pour finir par un coup de casque de Bale, Cristiano Ronaldo puis Casemiro ou encore Benzema a fait des miracles.
Cette force, qui a permis au Real Madrid de faire de grandes choses est devenue l’une des seules armes des Blancs. Actuellement, la Casa Blanca est l’équipe qui marque le plus de la tête en Liga : plus d’un quart de ses buts en championnat ont été marqués de cette façon. Loin devant des équipes comme l’Atletico de Madrid ou le Seville FC pourtant excellentes dans ce domaine. Le match face à Valladolid, gagné sur un but de Casemiro et où le Brésilien a été le plus gros générateur de danger, essentiellement sur des coups de têtes, interroge et déçoit. Ce Real Madrid ne peut pas faire plus ?
L’évolution de Vinicius Jr en exemple
Durant cette dérive du jeu du Real Madrid, l’émergence de joueurs comme Vinicius Jr ou encore Brahim Diaz aurait pu résoudre de nombreux problèmes. Tout d’abord, permettre d’apporter de la variation dans le jeu et avoir d’autres moyens d’attaquer un bloc qu’avec un centre après une longue période de possession. Pourtant Zinedine Zidane va avoir du mal à inclure et faire confiance à ce style de joueur. Pour le Français, des ailiers provocants et dribbleurs mais qui ont logiquement du déchet et de la perte de balle, c’est trop dangereux. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, et des joueurs plus neutres comme Lucas Vazquez ou encore Asensio ont sa faveur.
Brahim Diaz a été poussé dehors, sans trop avoir sa chance ni la capacité d’exister sous le coach français. L’absence d’alternative à gauche, et les blessures de Hazard offrent à Vinicius Jr de nombreuses chances de pouvoir briller. Le Brésilien, avec sa fougue, ses dribbles et son envie d’attaquer frontalement les blocs adverses a été une bouffée d’air frais par moment. Ce style de joueur, intéressant, volontaire et surtout ambitieux ne peut que faire du bien dans un football toujours plus neutre et fade. Cependant, son envie de trop bien faire et surtout sa volonté d’être dans les bonnes grâces de son coach l’ont poussé à changer son jeu. Son nombre de dribbles tentés et réussis ne fait que baisser depuis son arrivée dans le groupe pro du Real Madrid. Vini devient fade. Cependant pour le joueur, c’est un gage de maturité, une chose demandée par son coach qui conditionne le jeu le plus lisse possible comme une garantie pour performer au très haut niveau. Au final, c’est surtout notre plaisir de regarder le football qui est touché.
Cette propension à prendre l’initiative balle au pied, aurait-pu être la bonne occasion pour développer d’autres facultés chez Vini. Il est travailleur et demandeur, il ne rechigne que très rarement et accepte de longues périodes au placard tout en donnant son maximum quand il a sa chance. Pourtant, hormis moins dribbler et donc perdre un peu moins la balle, l’ancien de Flamengo n’est pas plus décisif par la passe. Par exemple, son pourcentage de passes amenant à un tir n’a pas varié depuis son arrivée. Selon whoscored, son nombre de passes clés par match, n’a lui aussi absolument pas varié vers le haut ou le bas. Pire encore, Vini perd un nombre aussi similaire de ballons. Le Brésilien est devenu neutre, a perdu la qualité qui le rendait différent sans aucune contrepartie, hormis devenir un ailier neutre et quelconque.
Zidane, une remise en question inexistante
C’est une constante depuis son intronisation sur le banc du Real Madrid, Zidane ne remet pas en cause ses hommes et son schéma, ni son approche. Il n’a développé rien de plus que son jeu de possession rarement enthousiasmant qui ressemble à de la possession défensive et cette bonne capacité de centre. Quand le ballon se met à tourner entre les pieds des joueurs de la maison blanche, si le talent et la vision du jeu d’un Benzema ou un Modric ne se met pas en marche, le ballon semble pouvoir tourner des heures sans générer le moindre danger. Le Real Madrid tenant le ballon pour se protéger, mais rarement pour mettre en place un quelconque plan collectif pro-actif. Zidane est un conservateur, et ne semble pas disposer à remettre en question quelque chose qui fonctionne. Tant que ça fonctionne.
La comparaison avec son voisin de Madrid, l’Atletico et Simeone est peu flatteuse pour le Français. Quand Zidane se repose sur ses lauriers, et force avec les mêmes joueurs ainsi que la même approche, l’Argentin se remet grandement en question. On aime le qualifier encore d’épicier en France, mais le technicien semble le seul à avoir la capacité à se réinventer régulièrement. Ça n’a pas toujours fonctionné, ce qui l’a conduit à revenir à un Cholisme pur jus, mais cette saison, le changement est grand. Le jeu de possession est intéressant et surtout les déplacements ainsi que le cadre collectif fait beaucoup dans la réussite des Colchoneros. Ce que Simeone a vu chez Llorente, et la manière dont il a réussi à l’intégrer dans son collectif ainsi que la défense à 3 sont de vraies réussites.

On aime fustiger le niveau qui se dégrade en Liga, depuis l’émergence du Cholismo et la conquête de sa Liga ainsi que le remplacement d’entraineurs réputés joueurs comme Quique Setien ou Paco Jemez par des Unai Emery ou des Bordalas. C’est une approche qui s’entend, mais quand on voit les dernières sorties des gros, ceux qui ont pendant longtemps tirés la couverture vers eux, et le contenu de leur match, on a le droit d’en attendre beaucoup plus. Bien-sûr, le Barça sait être intéressant, mais c’est surtout parce que l’équipe ne sait pas tenir ses temps faibles et semble jouer ses matchs en jetant la pièce en l’air. Ce que nous sert Zidane chaque semaine ne peut nous convenir tant que ça gagne, parce que cela ne sert pas l’équipe ou encore le championnat. Au contraire, la ligne tracée par Simeone, ou la remise en question d’un Bordalas qui le conduira surement à la chute, montrent bien que les coachs les plus intéressants, ne sont pas ceux qui ont la bonne étiquette mais pour cela, il faut regarder les matchs.
Benjamin Chahine
@BenjaminB_13