Architecte d’un Girona séduisant et redoutable, Pablo Machín n’a pas connu la trajectoire espérée. Pressé d’accéder aux hautes sphères du championnat espagnol, il a accepté le challenge du Séville FC, sans grande réussite. Après avoir tenté la mission maintien perdue d’avance avec l’Espanyol, il n’a pas réussi à imprimer son style au Deportivo Alavés qui vient de le virer.
La nouvelle n’était pas spécialement attendue mais l’annonce du licenciement de Pablo Machín par les dirigeants du Deportivo Alavés n’a finalement surpris personne, tout comme le retour du Pitu Abelardo, dernier entraîneur à avoir offert des frissons à Mendizorroza. C’est la 3e fois consécutive que le technicien de Soria est mis à la porte. Après un début de carrière en fanfare, sa trajectoire est sérieusement mis en sourdine.
Une progression linéaire à Numancia
La carrière de Pablo Machín s’est lancée sur les chapeaux de roues. Il n’a que 35 ans quand il est nommé entraîneur principal de « son » Numancia. Une suite logique après avoir été coach de la B des Pajaritos entre 2005 et 2007 puis secondé successivement Gonzalo Arconada (juillet 2007-juin 2008 puis juillet 2009-juin 2010), Pacheta (février-juin 2009), Sergije Kresic (juillet 2008-février 2009) et Juan Carlos Unzué (juillet 2010-juin 2011). 10e en 2011-2012 avec une moyenne de 1.9 point/match à domicile et seulement 0.81 point/match à l’extérieur, sa première expérience est encourageante et le club se stabilise la saison suivante à la 12e place avec sensiblement les mêmes statistiques (1.86 point/match à la maison et 0,76 point/match hors des bases). Au chômage jusqu’en mars 2014, Machín débarque à Girona pour sauver l’équipe catalane. Le début d’une très grande histoire commune.
La victoire de l’abnégation et de l’ambition tactique à Girona
Tout d’abord, Pablo Machín contribue au sauvetage des Blanquivermells au terme d’une saison de Segunda particulièrement serrée dans le bas de tableau puisque le club atteint la 16e place sur 22 à seulement 2 points du Castilla, 20e et 1er relégable. « Quand je suis arrivé sur le banc, nous maintenir en Segunda s’était révélé super difficile. Il restait 10 matchs à jouer et nous avions huit points de retard sur le premier non-relégable. Nous y sommes tout de même parvenus, expliquait-il dans les colonnes d’Onze Mondial en février 2017.
S’en suivent 2 saisons remplies d’espoirs et de frustrations. 2014-2015 : Girona engrange 82 points, passe la moitié de la saison aux deux premières places mais perd la 2e place au profit du Sporting de Gijón à la différence de buts (+30 contre +28). La raison ? A la 92e minute du dernier match contre Lugo de Quique Setién, Pablo Caballero égalise à Montilivi. Reversé dans les play-offs d’accession, Girona étrille Zaragoza à la Romadera (0-3) en demi-finale aller… avant de sombrer à domicile (1-4). « Nous avons très bien commencé pour finir avec 82 points. D’ordinaire avec un tel total, nous serions montés mais ce but de Lugo nous en a empêchés. À partir de là est née une sorte de légende autour du club. Nous persistons, nous ne baissons jamais les bras ». La saison suivante, Girona fait le coup inverse en accrochant la zone de barrage dans les dernières journées après passé les 2/3 du temps dans la segunda tabla. Après une qualification en finale acquise en prolongation contre Córdoba, les Blanquivermells sont battus à l’aller comme au retour par Osasuna.
Cette abnégation est récompensée en 2016-2017 avec une promotion directe en Liga et une saison passée essentiellement à la 2e place du classement. Plutôt que de tout changer, Girona a fait le bon choix en misant sur le 3-5-2 de Machín qu’il a ensuite reproduit en Liga : « Ça aurait aussi pu être plus simple pour moi, constatait-il. Après avoir été dans un club modeste comme Girona, c’est-à-dire un club de deuxième moitié de tableau de Segunda, de répondre favorablement à des offres et de demander à partir. Mais j’avais aussi cet objectif et ce lien avec Girona que je partage avec le directeur sportif Quique Cárcel. Tout ce qui s’était passé auparavant avait une vraie importance et je voulais poursuivre ce cycle pour monter en Liga avec Girona ».

Photo by Icon Sport – Pablo MACHIN – Estadio Ciudad de Valencia – Valence (Espagne)
Proposer un 3-5-2 en Segunda est particulièrement osé en Segunda. Le reproduire en Liga l’est encore davantage. En dépit des risques, Girona tente et obtient des résultats. « Nous essayons de proposer un football attractif avec un système équilibré, ce qui est primordial. Nous travaillons aussi beaucoup les coups de pied arrêtés. Mais le principal, le plus important, c’est l’esprit et la façon dont les joueurs s’approprient ce schéma. Avec le temps, les préceptes de cette disposition ont été inculqués et c’est ce qui donne à Girona ce côté novateur. Les gens qui suivent nos matchs le savent : nous ne laissons personne indifférent ».
La victoire contre le Real Madrid à Montilivi après avoir été mené au score est le point d’orgue d’une saison où les Catalans ont longtemps été des candidats à l’Europe avant de craquer sur la fin. Après la large victoire contre Las Palmas en janvier 2017, Machín dressait un premier bilan de cette toute première saison au sein de l’élite : « En Liga, nous avions tout de l’équipe qui aurait beaucoup de difficultés mais pour l’instant, nous déjouons les pronostics et nous continuons en suivant la même ligne directrice, en travaillant et en conservant constamment notre humilité pour nous défendre dans le meilleur championnat du monde ».
Pablo Machín est convoité et les dernières journées de championnat sont marquées par d’âpres négociations entre l’entraîneur et Girona, même si Quique Cárcel devine bien assez tôt que l’idylle se termine. Déjà au terme de la saison 2015-2016, le Soriano aurait pu partir en Liga. Après ce 1er essai, la tentation était trop forte. A 42 ans, Machín est pressé et n’attend pas de disputer une deuxième année avec l’équipe de ses succès. Direction le Séville FC.
Ambition stoppée net à Séville
Avec Nervión, Pablo Machín impose ses préceptes avec une défense à 3 immuable hormis lors de la 25e journée contre le Barça (défaite à domicile 4-2). Débutée très tôt, fin juillet 2018, pour débuter la campagne en Ligue Europa, la saison de Séville ne s’emballe pas. Une seule fois les Palanganas parviennent à réaliser une série de 4 succès consécutifs en Liga, de la 5e à la 8e journée (Levante, Éibar, Real Madrid, Celta). La saison n’est pas pour autant ratée, loin de là.
Mais elle n’est pas à la hauteur des attentes du club. Après une élimination contre le Slavia Prague en 1/8 de finale de la Ligue Europa (crise de lèse-majesté !), le sort de Machín est réglé. La moyenne de points prise en Liga (1.48 par match pour un bilan de 11 victoires, 7 nuls, 9 défaites, 46 buts inscrits, 36 buts encaissés) n’est pas en adéquation avec les ambitions du club andalou, même si le départ de Monchi a correspondu à une période de troubles tant au niveau institutionnel que sportif. Le remplacement du Soriano par Joaquín Caparrós a tout à fait démontré l’absence d’unité footballistique du moment en remplaçant un coach offensif par un entraîneur beaucoup plus prudent. Le retour à 4 derrière n’a cependant rien échangé au classement puisque Séville est resté 6e.
Le projet de Machín était ambitieux et son licenciement a été un vrai coup d’arrêt. Séville n’est pas toujours très patient, Eduardo Berizzo l’avait appris à ses dépens la saison précédente alors qu’il était encore auréolé de son succès au Celta de Vigo. Cependant, cette expérience moyenne n’aurait pas dû autant le pénaliser. Ce sont ses choix postérieurs qui ont mis à mal sa réputation et fait oublier ce dont il avait été capable à Girona pendant près de 4 ans.
Perdu d’avance à l’Espanyol
Pablo Machín a retrouvé la Catalogne après cet échec andalou. Après le licenciement de David Gallego, il a retrouvé un poste dès le mois d’octobre chez les Pericos, 19es au moment de sa signature à Cornellà. La saison était certes mal engagée mais il avait à sa disposition un effectif étoffé, talentueux et a priori joueur. Or si le mariage était prometteur et ambitieux, le Soriano a failli à sa mission. Marc Roca, Óscar Melendo, Sergi Darder, Fernando Calero, Adrià Pedrosa, Wu Lei : il y avait vraiment de quoi faire. Cependant, il n’a pas réussi à remobiliser un groupe qui mentalement était déjà en Segunda dès le début de saison.
En 10 matches de Liga, l’Espanyol n’a gagné qu’un seule fois, contre Levante pour le 2e match de championnat de Machín. Malgré 2 victoires en 4 matches de Ligue Europa et un succès en Copa del Rey contre Lleida, une Segunda B, jamais le système à 3 défenseurs n’a été en mesure d’offrir une assise suffisante alors même que Bernardo Espinosa qu’il avait entraîné à Girona aurait pu être son leader dans le premier tiers du terrain. Deux mois et demi plus tard, à la veille du réveillon de Noël, Machín est prié de partir, remplacé quelques jours plus tard par le Pitu Abelardo. L’histoire a repassé les plats au Deportivo Alavés.

Photo : Marca / Icon Sport
Mariage de déraison à Alavés
Après un premier semestre 2020 loin des terrains et un contrat annulé avec le club chinois Qingdao Huanghai en juillet, Pablo Machín a effectué son retour en Liga chez les Babazorros. Séville avait de hautes attentes dans le jeu, peut-être trop; l’Espanyol était doté d’un effectif intéressant mais brisé mentalement. Le Deportivo Alavés, en revanche, n’a ni l’un ni l’autre. Les récents succès du club de Vitoria étaient le fait de deux entraîneurs aux velléités principalement défensives : le Flaco Mauricio Pellegrino qui avait atteint la finale de la Copa del Rey en 2017 et le Pitu Abelardo qui avait sauvé le club de la descente au terme d’un rush aussi incroyable qu’imprévisible vu l’état de l’équipe dont il avait hérité.
Cette fois-ci sur le papier comme sur le terrain, l’alliage ne pouvait pas fonctionner. Si le Soriano a débuté la saison avec une défense à 3, les deux défaites inaugurales contre le Betis à Mendizorroza (1-0) et Granada au Nuevo Los Cármenes (2-1) l’ont conduit à mettre de l’eau dans son dogme en adoptant une défense à 4, sauf lors de la victoire contre l’Athletic (5e journée, 1-0) et la défaite contre Elche (6e journée, 0-2). A partir de la 7e journée, Machín a opté pour un 4-4-2 classique avec un double pivot dirigé par Tomás Pina et renforcé par Rodrigo Battaglia ou l’emblématique Manu García. L’ambition footballistique qui était la marque de fabrique de Machín s’est complètement délitée. En se reniant, en ne proposant que le minimum, non seulement il n’est pas parvenu à prendre des points mais en plus cela ne lui a permis d’entamer la phase retour. Et une nouvelle fois, c’est Abelardo qui l’a remplacé, un coach bien plus en adéquation avec le jeu babazorro.
Ce 3e échec consécutif de Pablo Machín démontre que cet entraîneur ne peut pas survivre avec du moins-disant tactique. C’est certainement le plus rassurant et ce qui lui permettra de viser un club qui désire développer une identité collective à part entière. Ce passage à Alavés ne pouvait aboutir et répondait également à un désir de ne pas être oublié en Espagne. Un club de Liga lui refera-t-il confiance dans les prochains mois ? Pour Machín, l’heure d’un 1er challenge à l’étranger pour se relancer a sonné. Même si sa cote a baissé, sa façon de voir le football a tout pour attirer, à la condition ne de pas renier ce qu’il est sincèrement : un entraîneur offensif et spectaculaire.
François Miguel Boudet