🗳 Élections Barça / 🎙 Interview exclusive – Pere Riera : « Il a manqué beaucoup de transparence »

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Pere Riera a déclaré sa pré-candidature à la présidence du Barça la semaine passée. Favorable lui aussi à la motion de censure, il a accepté de répondre aux questions de ¡Furia Liga! sur le crépuscule de l’ère Bartomeu, la situation économique du club, le rôle de la Masia, l’importance de Lionel Messi et le basculement technologique qui constituera un défi majeur pour le club blaugrana. 

En préambule, pour les lecteurs qui vous découvrent, pourriez-vous vous présenter ? 

Je suis Pere Riera, marié, père de 2 enfants et chef d’entreprise. Je suis socio du Barça, j’ai joué au football jusqu’à mes 28 ans et je me suis toujours intéressé au sport. Mes enfants ont également joué au football, c’est une passion qui se transmet et ne s’arrête jamais. J’ai fait acte de pré-candidature car je connais beaucoup de personnes dans le milieu du sport. J’ai aussi des liens directs avec le FC Barcelone parce que j’ai la chance qu’un de mes fils a joué dans les catégories inférieures du club. On m’a donc suggéré d’être la figure de proue de ce projet.

Plusieurs pré-candidats ont eu un passé politique, ce n’est pas votre cas ?

Effectivement, je n’ai jamais été lié à aucun parti politique et je n’ai jamais eu de charge politique non plus, même si j’ai des liens avec certaines mairies grâce à mon activité professionnelle. Cela ne m’a jamais attiré. Pas parce que la politique ne m’intéresse pas mais plutôt parce que j’en ai eu ni le temps ni l’envie. Et puis, je ne crois pas avoir un profil de politique (rires).

Quel bilan peut-on tirer de l’ère Bartomeu qui prend fin avec quelques mois d’anticipation en raison de la motion de censure qui l’a poussé à la démission ? 

Au départ, Josep María Bartomeu n’a pas été un président élu par une élection. Il a simplement pris la place de Sandro Rosell qui a dû quitter son poste après ses démêlés avec la justice. Il a remporté les élections ensuite et il faut respecter ce résultat. Mais rien n’est allé. Si on analyse tous les aspects du club pendant son mandat, aucun département n’est content. Je suppose que quand on en arrive là, c’est que ça ne s’est pas bien passé. Cette assemblée des dirigeants a récemment donné beaucoup d’explications, comme si tout était positif et que tout avait des solutions. Mais si on avait continué ainsi, je ne sais pas comment cela se serait terminé.

La motion de censure a-t-elle bénéficié de la couverture médiatique qu’elle aurait pu ou dû avoir de la part des grands media catalans ? 

Il fallait s’y attendre. Ce n’est pas simple de valider une motion de censure. Alors quand on pense que cette motion ne va pas réussir, tu te places du côté de celui qui a théoriquement le pouvoir car le puissant reste le puissant. Mais il y a parfois des surprises ! En tant que socio moi-même et avec toute une famille de socios, j’ai constaté qu’il avait une ambiance qui laissait présager que le nombre de signatures serait atteint. Nous sommes toujours très exigeants, même quand on a fait le sextuplé, nous avions peur avant les matches. Alors imaginez aujourd’hui ! On ne parle que des problèmes, la joie s’est perdue. Il a fallu que Piqué défende le club à la place des dirigeants ! C’est lamentable. Pour que Piqué, qui est une référence mondiale, une personne avec une grande éducation et des principes en arrive là, et même si c’est un capitaine, c’est qu’il a enduré trop de choses. Je ne trouve pas cela normal.

« la décision sur le futur de Messi, c’est avant tout celle de Messi »

Sur la plan économique, le FC Barcelone serait dans un moment critique. Qu’envisagez-vous pour redresser la barre ? 

La situation me fait vraiment de la peine car le club a fait appel à des créanciers. A propos du financier, nous avons peu d’informations, les seules sources que nous avons, c’est ce que la direction affirme. Le résultat économique exact et les motifs, c’est très difficile de le savoir et donc de les analyser. Nous disposons d’un service juridique et financier qui cherche actuellement à comprendre d’où vient la dette, si elle provient des actifs avec le nouveau stade ou si des fonds ont été détournés. Tant que nous n’avons pas de preuve, je ne m’hasarderais pas à accuser qui que ce soit. C’est vrai que la situation financière du club nous surprend énormément car au-delà de ses socios, le Barça est mondialement connu avec plus de 800 millions de suiveurs partout dans le monde. Notre candidature étudiera à fond ce qui s’est passé, notamment avec les créanciers, et nous présenterons nos conclusions à un notaire pour que chacun puisse avoir connaissance de la situation économique du Barça. Nous le ferons de la manière la plus humble et honnête possible. Le FC Barcelone est un club complexe mais il a toujours été honnête, travailleur, économe, avec une bonne image.

Comment se fait-il qu’un club comme le FC Barcelone, avec autant de socios et de supporters, puisse arriver à un point où on ne sait pas ce qui se passe au niveau économique ?

Ces dernières années, il y a eu beaucoup de demandes d’explication au FC Barcelone. On nous a présenté des chiffres lors de l’assemblée générale mais c’est une compilation dans un Powerpoint. Mais nous, nous sommes des socios. Donc ces résultats, tu y crois ou tu n’y crois pas. Il faut savoir que la moyenne d’âge des socios est de 58 ans, c’est-à-dire des gens qui sont plus préoccupés par le football, les joueurs, les transferts, aller au stade et voir gagner l’équipe. Expliquer des chiffres est très difficile et il est très facile de tromper.

La crainte actuelle serait-elle de basculer dans un système de société anonyme en raison d’une dette qui, avec l’Espai Barça, pourrait atteindre le milliard d’euros ?

Bien sûr que c’en est une. Nous sommes un club qui appartient à ses socios et, de ce que nous en savons, Goldman Sachs est un groupe qui propose des prêts en échange d’achat d’actions. Alors si les choses sont ainsi, c’est très clair.

A l’image d’autres candidats, vous souhaitez un retour au premier plan de la Masia. Quel est votre état des lieux d’une institution qui représente l’ADN du FC Barcelone ?

J’ai la chance d’avoir connu la Masia de l’intérieur. Le travail qui s’y fait avec les enfants de toutes les catégories, des pré-benjamins au niveau quasi-professionnel, je doute qu’on puisse le critiquer. Cependant, le problème est que nous n’avons pas su maintenir cette base pour arriver jusqu’à l’équipe première. A l’époque où nous avons fait le sextuplé, nous avions entre 8 et 9 joueurs sortis de la Masia dans l’équipe. La Selección qui a remporté le Mondial avait aussi 8 ou 9 joueurs du Barça dans ses rangs. Ça, c’est l’ADN ! Et que s’est-il passé ces dernières années ? Il a manqué beaucoup de transparence car il y a des joueurs en Juvenil qui n’ont pas intégré le Barça B, au profit de recrues. Dès son origine, quand elle était à côté du Camp Nou, la Masia était, comme son nom l’indique en catalan, une maison. Elle fait partie de notre histoire, de nos fondations. On connaît tous ses succès mais maintenant on parle aussi de ses échecs car l’époque où on sortait des Xavi, Puyol, Busquets, Iniesta est révolue, nous n’y parvenons plus.

Sujet à la fois sportif et économique : Lionel Messi. Tous les pré-candidats seront confrontés à son éventuelle prolongation et la possibilité pour lui de signer où il le souhaite dès le 1er janvier prochain. Comme comptez-vous procéder pour le convaincre de rester ? 

C’est un thème très délicat et il n’est pas si aisé d’y répondre. Cela fait 20 ans que Messi est au club et il aime beaucoup le Barça. Je ne le connais pas personnellement et nous n’avons pas encore été en contacts. Si quelqu’un doute de Messi, il faut vraiment qu’il me l’explique ! Je suppose que tout cela est dû à ce qui s’est passé entre lui et l’ancienne direction. Qu’une personne comme lui ait opté pour une décision aussi extrême, cela a surpris tout le Barcelonisme. Quand je l’écoute parler du Barça, de la ville de Barcelone, de sa famille, de ses enfants qui vont à l’école, et aussi quand on sait qu’il a repoussé des offres incroyables pour rester, son départ n’aurait aucun sens. La première chose à faire, c’est garder Messi, parler avec lui comme un homme du club. Messi nous a beaucoup apporté et le Barça a beaucoup apporté à Messi en retour, notamment en évoluant avec les meilleurs joueurs de la Masia qu’il connaît depuis toujours. Il faut arriver à un accord car il est impensable qu’il parte par la porte de derrière. Mais ce n’est pas si simple non plus car cela aura des conséquences, positives et négatives. Je m’assoirais avec Messi pour voir ce qu’il y a de mieux pour le club, pour le projet de la Masia dont il serait un référent mais aussi ce qu’il y a de mieux pour lui et sa famille à ce moment-là, car la décision sur le futur de Messi, c’est avant tout celle de Messi.

Vous avez évoqué un projet technologique pour faire grandir tout le club, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Nous sommes entrés en contacts avec plusieurs personnes, dont je ne peux pas encore citer les noms car je ne veux pas parler à leur place, pour envisager toutes les facettes du club, que cela soit pour le sportif, le financier, la communication. En l’espèce, nous sommes avec un entrepreneur qui est vraiment bien préparé, qui vit entre Barcelone, les États-Unis et d’autres grandes villes du monde. Son équipe a des capacités d’information. Notre objectif est de transmettre plus de tranquillité, de paix, d’harmonie et pas toutes les choses qui se passent actuellement car ce n’est pas comme cela que doit fonctionner le club. Ce qui importe, c’est le changement générationnel et technologique. La question est savoir comment arriver à toucher des supporters qui ne vivent pas dans les mêmes fuseaux horaires et qui ne vont pas au stade. Il faut être en mesure de leur proposer une vision des matches comme s’ils étaient au Camp Nou, même si la sensation d’être en tribune restera toujours incomparable. Nous pouvons désormais organiser des tours et diffuser les matches dans une excellente qualité et, à partir de là, faire la promotion du musée entre autres pour que les supporters et les socios qui ne sont pas à Barcelone mais par exemple aux États-Unis ou au Japon puissent également en profiter.

« Il y a ceux qui votent en faveur d’un projet dans lequel ils ont confiance et ceux qui le font en fonction du renom du candidat et de ses cercles de pouvoir »

N’y a-t-il pas un risque de dispersion des voix pour les programmes que l’on appellera « cruyffistes » ?

Il y a de nombreuses histoires concernant les succès du Barça. Le modèle qui a fonctionné, et ce ne sont pas uniquement les socios du Barça qui le disent car cela fait l’unanimité, a été repris par de nombreux centres de formation partout dans le monde. Je dis toujours que si une grande entreprise me recrutait, je m’efforcerais de conserver ce qui fonctionne. Évidemment, rien ne peut être parfait et il est vrai que le FC Barcelone n’est pas dans son meilleur moment. Cependant, nous sommes un club fondé en 1899 et nous continuerons de réussir. C’est tout à fait normal que de nombreux pré-candidats se disent Cruyffistes parce que Cruyff nous a offert une époque de gloire, que cela soit comme joueur et comme instigateur du modèle Barça.

Pensez-vous obtenir les 2278 signatures nécessaires ou seriez-vous éventuellement favorable à une alliance ? 

J’ai pris ma décision la semaine dernière. Bien évidemment, j’avais déjà travaillé en amont avec cette équipe. Il y a d’un côté ceux qui votent en faveur d’un projet dans lequel ils ont confiance et de l’autre ceux qui le font en fonction du renom du candidat et de ses cercles de pouvoir. C’est comme si une grande recrue arrivait en comparaison d’un joueur qui monte petit à petit. Je suis dans cette situation à l’heure actuelle.

La question du catalanisme est toujours présente quand il s’agit du Barça. Quelle est votre position sur le sujet ?

Je suis Catalan, ma famille est catalane depuis plusieurs générations, je suis né à Poble Nou à Barcelone. Mes grands-parents étaient des paysans et nous ont transmis cette éducation et cette culture. Je le dis sans vouloir offenser quiconque : le FC Barcelone fait partie de l’histoire de la ville et c’est le club qui représente la Catalogne et les Catalans. Dans le même temps, il représente aussi 800 millions de supporters, sans oublier ceux qui sont partout en Espagne, dans les penyas. Les dirigeants du club doivent être très prudents quant au mélange des genres avec des thèmes extra-sportifs, tout en restant attentifs à ce qui se déroule. A titre personnel, je veux que les problèmes politiques actuels trouvent vraiment une solution.

Vous avez intégré à votre équipe l’ancien arbitre Sergi Albert. Dans quel but ?

Sergi est un Barcelonista qui a été lié toute sa vie au monde du football (il a voulu se présenter contre Javier Tebas à la présidence de LaLiga en 2019 sans parvenir à obtenir les parrainages nécessaires, ndlr) et il est également consultant pour TV3. Avec tout ce qui se passe avec la VAR et l’arbitrage, nous pensons qu’une telle personne pourrait assurer la communication entre le collège des arbitres et le FC Barcelone si un préjudice était porté au club comme ce qui est arrivé récemment.

Quelle est votre opinion sur la Superligue européenne ? Josep María Bartomeu a semble-t-il profité de ses derniers jours de présidence pour appuyer cette création.

Garder une équipe de haut niveau avec les meilleurs joueurs, c’est loin d’être facile et il faudra peser le pour et le contre. Une Superliga européenne réunirait les clubs les plus puissants mais c’est déjà le cas avec la Ligue des Champions. On affronterait les mêmes équipes. Il faudrait tout de même davantage d’informations relatives à son organisation car cela fait des années que ce projet est évoqué. En Espagne, on dit qu’un départ à temps est une victoire. Je pense que Josep María Bartomeu a pris des décisions qu’il aurait dû mûrir davantage.

Propos suscités et traduits par Tracy Rodrigo et François-Miguel Boudet

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