Atlético – Álvaro Morata-Luis Suárez : du 9 avec du vieux

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Avec des pertes colossales pour tous les clubs espagnols à cause de l’épidémie de coronavirus, la politique globale était plutôt à l’austérité lors de ce mercato estival. Hormis Villarreal, les clubs de Liga n’étaient vraiment pas décidés à se lancer dans de grandes opérations. Les choses se sont accélérées du côté de l’Atlético de Madrid avec le départ d’Álvaro Morata et la venue annoncée de l’étudiant italien Luis Suárez. ¿Pero qué está pasando carajo?

La telenovela colchonera lors du mercato

En cette période troublée, l’Atlético de Madrid faisait évidemment partie des clubs concernés par cette tranquillité générale sur le marché des transferts, surtout après une saison mitigée au bout de laquelle les Indios ont péniblement atteint la 3e place en championnat avant d’être piteusement éliminés en 1/4 de finale de la Ligue des Champions. Les folies de recrutement, ce n’était pas pour cette année. La preuve ? Gil Marín, le directeur général de l’Atleti, l’avait annoncé : son club effectuerait au maximum « 3 ou 4 mouvements », le tout en fonction des ventes, pas plus. Et comme si le message n’était pas assez clair, Enrique Cerezo, le président du club, avait plus tôt déclaré en interview : « Tout est possible, y compris que nous ne recrutions personne pendant le mercato ».

La priorité était donc de vendre pour alléger les finances du club avant d’espérer acheter un quelconque renfort. Rapidement, on a compris que les 3 mouvements dont parlait Gil Marín étaient en fait destinés à l’achat définitif de Yannick Carrasco après son prêt concluant, à la levée d’option d’achat d’Álvaro Morata et à l’achat du jeune gardien Grbic pour pallier au départ d’Antonio Adán, la doublure de Jan Oblak. On parle ici d’une enveloppe d’un montant avoisinant les 90M€, une coquette somme pour un club qui ne voulait que très peu investir au début du mercato.

Malgré tout, le Cholo Simeone espérait secrètement au moins 2 arrivées importantes pour compléter son effectif, déjà bien fourni. Plusieurs dossiers chauds étaient d’ailleurs à l’étude en cas de départs pour le poste de latéral gauche afin de trouver une doublure à Renan Lodi, excellent pour sa 1re saison ainsi qu’au poste de buteur puisque la paire Diego Costa-Álvaro Morata a grandement déçu, les deux attaquants n’étant pas capables d’évoluer ensemble. Beaucoup de noms sont sortis dans la presse, sans que les négociations n’aboutissent pour l’instant : Mathias Oliveira de Getafe ainsi qu’une flopée de buteurs comme Edinson Cavani, Alexandre Lacazette, Arkadiusz Milik ou encore Raúl de Tomás. Le dossier le plus chaud pour obtenir une marge de manœuvre suffisante pour des éventuelles arrivées venait d’Angleterre avec un intérêt assez fort d’Arsenal pour Thomas Partey dont le profil plait énormément à Mikel Arteta. Mais les pourparlers entre les deux clubs ont vite été stoppés, les Gunners n’étant pas en mesure de payer la clause du milieu ghanéen. Finalement, sauf retournement de situation digne des plus grands films américains, on se dirigeait donc vers un fin de mercato en pente douce…

Mais on vous avez déjà dit que l’Atlético avait des parts à Hollywood ? Enrique Cerezo étant producteur de films, rien de bien étonnant d’assister au volte-face du board colchonero. Plot twist ! La presse est unanime : Luis Suárez va rejoindre librement l’Atlético de Madrid et Álvaro Morata à la Juventus. Un nouveau coup de théâtre donc puisque l’Uruguayen avait passé des tests, apparemment truqués, la semaine dernière à Pérouse pour obtenir son passeport Italien et s’engager en faveur… de la Juve ! L’élève Suárez n’a pas été très brillant et par conséquent, le Charrua ne retrouvera pas Giorgio Chiellini qu’il avait pris pour un T-Bone lors du Mondial 2014. Cet échec a fait un heureux puisque Morata le remplace, lui qui a déjà évolué chez Les Bianconeri entre 2014 et 2016 et qui avait comme partenaire un certain Andrea Pirlo, nouveau coach de la Vieille Dame. Et comme si ce scénario déjà assez fou ne suffisait pas, l’Atleti cherche toujours à se débarrasser de la Bestia Costa pour totalement rebâtir le front de son attaque. Les prochains jours risquent d’être très agités au Metropolitano. 

L’Atlético est-il gagnant dans cette opération Morata-Suárez ?

Avec Álvaro Morata, l’Atlético sait ce qu’elle perd : un joueur à bon potentiel, certes international, mais qui n’a jamais su réellement s’imposer dans des top clubs européens comme Chelsea, le Real Madrid et l’Atleti. Avec Luis Suárez, si son parcours est connu, difficile de connaître la suite. L’Uruguayen est sur le déclin mais il a réussi partout où il est passé. Evidemment le contraste est assez fort entre les deux joueurs et il est pour l’instant difficile de donner un avis clair quant à la réussite de « Luisito » chez les Colchoneros. Cependant, on peut extraire des points intéressants pour donner une tendance afin de cerner qui est le grand gagnant de ce deal pour le moins inattendu.

D’un point de vue sportif, l’Uruguayen est qualifié d’indésirable au Barça. Mais indésirable au Barça ne veut pas forcément dire être totalement cramé. Contrairement à Ivan Rakitic ou Arturo Vidal qui ne correspondaient pas ou plus à l’ADN du club, Ronald Koeman souhaite s’en séparer pour insuffler une nouvelle dynamique en utilisant notamment des joueurs plus jeunes, même si Riqui Puig a été prié de partir et que Monchu, très en vue avec la B, est prêté avec option d’achat à Girona.

Luis Suárez a 33 ans (34 en janvier) mais il reste un tueur devant la cage et c’est ce dont a besoin Diego Simeone. Capable de marquer 20 buts sur facture même avec quelques kilos en trop et en tirant une charrette de plus en plus encombrante, le Charrua est une valeur sûre du championnat espagnol. Lors de son passage en Catalogne, c’est 283 matchs pour 198 buts et 109 passes décisives. Rien que ça. Et se demander s’il sera « Cholo-compatible » relève de la redondance tant leur association relève de l’évidence. 

Álvaro Morata est en revanche très loin des statistiques du futur ex Blaugrana : seulement 22 buts inscrits et 5 passes délivrées en 61 matchs joués avec les Colchoneros. Et outre des statistiques bien plus faibles que Suárez, c’est son don pour rater énormément d’occasions pourtant servies sur un plateau qui agace. Malgré tout, et il ne faut pas lui enlever ça, Morata reste le seul Indio qui a su planter plus de 10 buts dans une équipe médiocre offensivement. Aussi, il a toujours été concerné par les efforts défensifs et a multiplié les courses dans la profondeur, rôle que Luis Suarez ne semble plus être en mesure d’assumer comme en témoigne sa méforme physique en fin de saison dernière.

Pour ce qui est de l’aspect humain, Álvaro Morata ne sera pas regretté par l’afición. Son retour avait été plutôt mal vécu. C’est assez légitime puisque le Madrilène a volontairement quitté la formation colchonera pour rejoindre le Castilla avec la volonté de s’imposer au Real Madrid. Mais n’est pas Raúl González Blanco qui veut. A deux reprises, il a été poussé vers la sortie par Karim Benzema, beaucoup trop complet et beaucoup plus efficace malgré les critiques que le Français reçoit régulièrement dans la presse locale. Mission rachat auprès des supporters oblige, Morata a encensé l’Atletico de Madrid et les supporters, après l’avoir déjà fait de nombreuses fois auprès de ceux de la Maison Blanche. Évidemment, il a joué la carte « finir sa carrière au club » et a demandé pardon lors de sa célébration après son but à Anfield pour sceller une magnifique soirée dont il a été un acteur majeur. La reconquête des coeurs commençait vraiment à être appréciée car Morata donnait toujours de sa personne pour défendre les valeurs du club. Mais pour ceux qui y ont cru, c’est la douche froide : ils s’aperçoivent que leur attaquant vedette souhaite partir dès que l’occasion se présente et d’après la presse italienne, il aurait même consenti un très gros effort financier pour retourner à la Juventus. 

Quant à Luis Suárez, la relation risque de ne pas être fusionnelle tout de suite non plus avec les supporters, lui qui avait l’habitude de mettre des taquets ou de chercher des penalties inexistants lors de chaque rencontre ou presque. Mais le Charrua a un avantage : il est le genre qu’on aime détester et qu’on aimerait avoir dans son équipe. Son côté compétiteur sera immanquablement apprécié et récompensé par le public. En plus, il allongera la très longue liste des Uruguayens ayant porté les couleurs de l’Atleti et retrouvera son compatriote Josema Giménez.

C’est sur l’aspect économique que l’opération Suárez laisse dubitatif. Les Colchoneros planifient encore sur du court terme en sacrifiant un joueur dans la force de l’âge pour un autre qui ne peut encore espérer que 2 ans de très haut niveau. L’arrivée de l’Uruguayen pourrait conditionner le départ de Diego Costa, son salaire de 10Me par an, son âge avancé et sa très mauvaise saison. Lui trouver une porte de sortie devient impératif pour alléger la masse salariale et en tirer un peu d’argent avant qu’il ne soit libre à l’été 2021. Une attaque aussi vieillissante et chère n’est absolument pas viable pour le club, surtout lorsque ces deux joueurs sont sujets aux blessures et qu’ils pourraient laisser vacante la pointe de l’attaque. Il ne faut pas oublier que Suárez arrive avec un état de forme physique très moyen. Il sort d’une blessure qui l’a éloigné pendant 150 jours des terrains et les risques de méforme sont élevés, surtout pour un salaire situé entre 8 ou 9M€ par an. En plus, le départ de Morata se déroule en 2 temps puisqu’il s’agit d’un prêt payant de 9M€ assorti d’une option d’achat de 45, ce qui ne constitue aucune marge financière sur l’investissement réalisé. Malgré tout, ce type de transfert à l’avantage de pouvoir toujours espérer un retour du joueur un an plus tard, si jamais Suárez ne convainc pas. 

L’Atlético est en passe de réaliser un coup très risqué sur plusieurs points. Mais si le pari est gagnant, alors la saison promet d’être radieuse. On peut d’ailleurs compter sur le Profe Ortega pour remettre Luis Suárez sur pied pour qu’il retrouve une deuxième jeunesse. Ce transfert n’est pas sans rappeler celui de David Villa en 2014, arrivé du Barça pour à peine plus de 2M€ et qui avait permis aux Colchoneros de remporter leur dixième titre de Liga, le dernier en date pour les Indios. D’ailleurs, depuis cette fameuse année et le départ de Diego Costa pour Chelsea, le Cholo n’a plus jamais réussi à retrouver un 9 digne de ce nom et, malheureusement pour lui, les deux années d’Álvaro Morata au club n’auront fait que confirmer cette tendance. Alors, coup d’épée dans l’eau ou coup de génie ?

Julien Foubert
@TorresismoATM

 

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