Capable de qualifier le Valencia CF en Ligue des Champions 4 saisons consécutives en dépit d’une crise économique sans précédent et de réaliser un triplé en Ligue Europa avec Sevilla, Unai Emery n’est pas parvenu à se hisser dans la catégorie supérieure, que cela soit au Paris Saint-Germain ou à Arsenal. De retour en Espagne, le Basque a pris Villarreal en main où il revient à ce qu’il sait faire de mieux : beaucoup avec peu.
Quatre ans après son départ d’Espagne, Unai Emery est de retour en Liga. Après Almería, Valencia et Sevilla, le Basque entraîne Villarreal, son 4e club en Primera. Au cours de la dernière olympiade, Emery a connu des passages agités dans deux clubs de référence en Europe : le Paris Saint-Germain et Arsenal. Deux défis de taille à la mesure d’un coach qui voulait briser le plafond de verre pour accéder à l’élite. Il n’y est pas parvenu. Son mandat au PSG restera toujours davantage marqué par le 6-1 au Camp Nou que par le 4-0 de l’aller au Parc des Princes. Quant à son année en Premier League avec les Gunners, elle ressemblait à un cadeau empoisonné, après deux décennies de « Wengerisme ». Le poids de la charge était trop lourd. Après une année sabbatique, un constat s’est imposé à lui : un retour aux sources était le meilleur moyen pour relancer sa carrière.
« la culture de l’effort m’attire. je me sens dans un lieu où le travail est récompensé »
Une aubaine réciproque
Malgré les bons résultats de Javi Calleja et un rush final éclatant, Villarreal n’a pas manqué l’opportunité d’attirer un coach réputé et connu pour obtenir des résultats avec des clubs hiérarchiquement en retrait des cadors. Qualifié pour la Ligue Europa après avoir terminé la Liga à la 5e position, le sous-marin jaune est le point de chute idéal pour le natif d’Hondarribia à la recherche d’un projet viable. « C’est une équipe que je suivais de près et un club que j’ai toujours admiré, a-t-il déclaré le jour de sa présentation. C’est un projet stable de plusieurs années depuis l’arrivée du président Fernando Roig et qui est arrivé à de grandes choses. Villarreal a rivalisé avec les meilleurs, a disputé l’Europe, a atteint de grands objectifs et pour lequel j’ai cette reconnaissance ».
Avec un contrat de 3 ans, Emery dispose de temps pour appliquer sa méthode. Arrivé dans un climat propice, à l’inverse d’un Manuel Pellegrini au Betis ou d’un Javi Gracia à Valencia, il peut déjà compter sur un groupe soudé qui compte quelques automatismes. Un avantage pour conserver et renforncer l’identité de sa nouvelle maison, avec des transferts malins et un oeil sur la cantera qui fait partie des meilleures d’Espagne : « il y a ici cette expérience, le centre de formation est important. Je sais que ce processus est une chose que désire le club. C’est un travail que j’applaudis et donc je veux faire partie ». La tâche ne sera pas facile : cette semaine, le club a annoncé le départ d’Adam Arvelo, ailier gauche de 2005 arrivé il y a 3 ans en provenance de Tenerife et qui vient d’être recruté par le Real Madrid.
Coquelin-Parejo : Noël avant l’heure
Auteur de deux saisons majuscules qui lui ont permis de revenir en sélection, Santi Cazorla a quitté Villarreal pour retrouver Xavi Hernández à Al-Saad, au Qatar. Lors de sa première conférence de presse, Unai Emery constatait que les départs de Bruno Soriano (parti à la retraite, ndlr) et Cazorla devaient être résolus.
Le Basque a donc dû trouver un nouveau chef d’orchestre. La solution était tout proche, à 65 km au sud. Le sous-marin jaune s’est tout simplement offert le doble pivote de Valencia Dani Parejo-Francis Coquelin pour seulement 8M€. Les dirigeants Groguets ont d’ailleurs cru à une blague quand leurs homologues blanquinegros leur ont affirmé que le capitaine che était disponible gratuitement ! L’incurie des dirigeants valencianistas a au moins fait un heureux…
Pragmatique, Emery veut mettre ses deux recrues phare dans les meilleures conditions tactiques. L’ombre de Marcelino García Toral est donc doublement visible, avec un 4-4-2 qui devient la marque de fabrique groguet depuis plusieurs saisons et l’association de ce double pivot indéboulonnable à Valencia. Parejo et Coquelin ne seront pas les seuls anciens valenciens dans l’effectif puisque, outre Jaume Costa qui est revenu de prêt, Raúl Albiol et Paco Alcácer ont également porté le maillot du voisin.
A priori, Villarreal dispose d’un effectif complet et capable de lutter sur plusieurs tableaux, avec de l’expérience personnifiée par Sergio Asenjo, Raúl Albiol et Vicente Iborra et du talent avec Pau Torres, Alfonso Pedrasa, Samuel Chukwueze, Paco Alcácer et , évidemment, Gerard Moreno, le meilleur buteur espagnol de la Liga. D’une manière globale, le mercato groguet a été une réussite avec les arrivées de Take Kubo (prêt sans option d’achat), Geronimo Rulli et Pervis Estupiñán, auteur d’une excellente saison avec Osasuna, recruté pour seulement 16,4M€ à Watford et qui sera bien plus qu’un remplaçant médical à Alberto Moreno qui s’est rompu les ligaments croisés cet été. Sans faire de bruit, Villarreal a associé rapidité et intelligence pour boucler son recrutement le plus tôt possible.
Le protagonisme comme maître mot
La première journée de championnat n’a pas eu le résultat escompté. Huesca a inscrit un superbe but avant la mi-temps et a concédé l’égalisation sur penalty, après intervention de la VAR. Un contre-temps qu’Unai Emery a un peu en travers de la gorge, comme il l’a laissé entrevoir en conférence de presse d’avant-match contre Éibar : « c’est vrai qu’après le premier match, nous savions que nous devions nous améliorer, individuellement et collectivement. Nous savons que nous sommes en retard sur ce que je veux ». Pour la réception des Armeros, toujours sérieux tactiquement, les Groguets devront se méfier des contres adverses, sans pour autant renoncer à la volonté d’Emery de proposer un visage offensif : « nous voulons contrôler le jeu et être protagonistes, qu’Éibar soit plus proche de ses cages que des nôtres, combiner pour déséquilibrer et faire mal ».
A LIRE – Golazo J1 : Maffeo (Huesca), un retour en fanfare contre Villarreal
Si le Basque ne cache pas son impatience, c’est aussi parce que cette forme de déclassement doit aboutir à un titre pour redonner un coup de boost à sa carrière. Dès son premier jour à la barre du sous-marin jaune, il ne l’a d’ailleurs pas éludé : « les rêves sont gratuits et je rêve d’un titre avec Villarreal. Ce qui est beau, c’est le chemin, le fait de pouvoir en profiter. Le processus fait que les gens se sentent fiers de le vivre ». Mais le risque pour lui est aussi de renforcer sa réputation de coach fait pour viser la qualification en Ligue des Champions et vivre une belle épopée en Ligue Europa. Une victoire serait historique pour les Groguets mais pour Emery, ce serait peut-être aussi la preuve définitive qu’il est à sa place dans un club de cette envergure.
François Miguel Boudet
(@fmboudet)