Auteur du but salvateur du maintien en Ligue 1 du TFC en 2016, Yann Bodiger sâest exilĂ© en Andalousie. AprĂšs un passage Ă CĂłrdoba, le natif de SĂšte a rejoint CĂĄdiz la saison derniĂšre avec une certaine rĂ©ussite puisque, au moment oĂč son club formateur descend Ă lâĂ©chelon infĂ©rieur, lui sâapprĂȘte Ă dĂ©couvrir la Liga, sans rancĆur Ă lâĂ©gard du TĂšf et avec la ferme intention de faire sa place avec les Gaditanos. Pour ÂĄFuria Liga ! le milieu de terrain fait les prĂ©sentations avec le promu.
Quand on lui dit quâa priori, le CĂĄdiz CF, de retour en Liga aprĂšs 12 ans dâabsence, va jouer le maintien, Yann Bodiger tique un peu. On sent que les agapes de juin sont dĂ©sormais lointaines et que le groupe sâest trĂšs sĂ©rieusement remis au travail. Certes, les Gaditanos font leur rĂ©apparition au sein de lâĂ©lite du football espagnol, mais ils sont sĂ»rs de leurs capacitĂ©s et cela sâentend bien au son de sa voix : « On sâattend Ă faire la saison quâon veut faire, en mettant en place ce quâon sait faire de mieux, câest-Ă -dire bien dĂ©fendre ensemble. Alors oui, on veut assurer le maintien le plus possible mais on ne sait jamais ce qui peut se passer ». AprĂšs tout, lâexemple dâun autre club andalou, le Granada CF, promu et europĂ©en en fin de saison derniĂšre, a aiguisĂ© les appĂ©tits. Car CĂĄdiz nâest pas un invitĂ©-surprise, un promu sorti de nulle part comme lâont pu ĂȘtre rĂ©cemment Valladolid et Elche, sortis victorieux des barrages dâaccession aprĂšs avoir terminĂ© 6e de Segunda. On serait mĂȘme tentĂ© de dire que CĂĄdiz a mis du temps, beaucoup trop, pour retrouver la Liga.
Un coach emblématique et une épine dorsale solide
Cette remontĂ©e a Ă©tĂ© acquise de haute lutte, au terme dâune saison forcĂ©ment particuliĂšre, oĂč la rĂ©gularitĂ© a Ă©tĂ© primĂ©e encore plus que dâordinaire : « câest trĂšs long, surtout avec le coronavirus, et on a su bien gĂ©rer pour valider lâobjectif du club. On a fait un trĂšs gros dĂ©but de saison et on a rĂ©ussi Ă garder le cap ensuite. On a Ă©tĂ© un bon groupe, pas seulement 11 mais 25 joueurs. Ce fut un travail collectif tout au long de la saison ».
Cette rĂ©ussite, CĂĄdiz la doit pour une large partie Ă son entraĂźneur Ălvaro Cervera qui dirige les Gaditanos depuis 2015, alors que le club galĂ©rait depuis 3 saisons en Segunda B. « Câest un coach qui est davantage centrĂ© sur la tactique dĂ©fensive pour ne pas encaisser de but et garder notre compteur Ă zĂ©ro. Mais ça ne lâempĂȘche pas non plus dâavoir sa vision propre pour attaquer. Nous avons aussi des enchaĂźnements offensifs pour marquer », explique le milieu de terrain. Une rigueur qui est dans lâair du temps en Primera, oĂč des techniciens comme JosĂ© BordalĂĄs Ă Getafe ou Sergio GonzĂĄlez Ă Valladolid, prennent dâabord le temps de construire les bases, avec une implication de tous les instants. Et mĂȘme si le systĂšme de jeu nâest pas encore dĂ©finitivement Ă©tabli et gravĂ© dans le marbre, il appliquera la mĂȘme recette dans la categorĂa de oro.
CĂĄdiz dispose dâune Ă©pine dorsale expĂ©rimentĂ©e (lâĂ©quipe a 28 ans de moyenne dâĂąge), Ă commencer par Alberto Cifuentes, gardien de but rĂ©fĂ©rence en Segunda et totem gaditano du haut de ses 41 ans : « Les gardiens sont souvent amenĂ©s Ă avoir des carriĂšres plus longues et le nĂŽtre est un peu plus ĂągĂ© que la moyenne, constate Bodiger. Mais lâessentiel, câest quâil est performant et avec lui ça se passe bien ». En dĂ©fense centrale, Juan Cala est un nom qui rĂ©sonne pour les habituĂ©s de la Liga, notamment pour les suiveurs de Getafe, ce qui est un gage de qualitĂ© en matiĂšre de rigueur et dâinvestissement.
Mais mĂȘme si les Astilleros sont rĂ©putĂ©s dĂ©fensifs, câest du cĂŽtĂ© de la ligne offensive quâon a envie dâĂȘtre hypé : rĂ©vĂ©lĂ© Ă Ăibar il y a 3 ans, Ivi Alejo reste toujours ce joueur frisson imprĂ©visible, capable dâenflammer les ailes avec des accĂ©lĂ©rations et des crochets ravageurs. Pour orchestrer le jeu, Ălex FernĂĄndez a tout pour devenir lâune des rĂ©vĂ©lations de la saison. Le frĂšre de Nacho (oui, le dĂ©fenseur du Real Madrid) est un pilier de lâĂ©quipe et son talent fait lâunanimitĂ©. Yann Bodiger fait les prĂ©sentations : « Câest un joueur polyvalent. Il se projette avec le ballon et ne passe pas inaperçu parce quâil aime faire le jeu. Il a Ă©tĂ© un atout trĂšs fort pour nous la saison derniĂšre lors de la montĂ©e ».
Et pour conclure les actions, le club sâest offert un beau cadeau en forme de requin : le « TiburĂłn » Ălvaro Negredo, de retour en Liga aprĂšs un passage compliquĂ© Ă Valencia. « Câest un grand nom du football, en Espagne mais aussi en Europe. Il nous apporte son expĂ©rience et son niveau de jeu. Il est lĂ pour nous accompagner et faire ce quâil sait faire de mieux : marquer des buts ».
Bodiger : « Servir de premiÚre rampe de lancement vers le but adverse »
Et Bodiger dans tout ça ? Le choix de lâexil en Andalousie nâa pas Ă©tĂ© abrupt pour lui : « Jâai Ă©tĂ© formĂ© Ă Toulouse sous lâĂšre Alain Casanova et câĂ©tait un peu Ă lâespagnole. Ăa ressemble Ă ce que je faisais Ă lâĂ©poque en France. Il peut y avoir des approches diffĂ©rentes en fonction des clubs mais pour lâessentiel, câĂ©taient des exercices que je connaissais, avec beaucoup de ballon ». Avec Cervera, le gaucher sera amenĂ© Ă apporter sa technique et son sens du placement afin dâamener du liant entre la dĂ©fense et lâattaque : « Mon registre sera de suivre les consignes du coach, câest-Ă -dire de rĂ©cupĂ©rer les ballons et de servir de premiĂšre rampe de lancement vers le but adverse ».
A CĂĄdiz, le SĂ©tois semble Ă©panoui, sĂ©duit par le style de vie gaditano : « la vie me plaĂźt ici. Câest convivial, il fait beau, il y a pas mal de fĂȘtes, le carnaval par exemple. Câest vraiment bien ». Une adaptation rapide dont il sâest donnĂ© les moyens : « jâai vite pris une professeure dâespagnol, jâavais dĂ©jĂ des bases de lâĂ©cole donc jâai vite appris, dâautant que mes coĂ©quipiers mâont accompagnĂ© dans cet apprentissage, ils ont Ă©tĂ© patients et maintenant il nây a pas de barriĂšre avec la langue. Câest lâespagnol andalou, ça parle vite et ça mange les S ! ».
Le milieu a aussi dĂ©couvert une ville qui aime vĂ©ritablement son Ă©quipe et qui le revendique haut et fort, assez loin de quâil a pu vivre Ă Toulouse oĂč, hormis dâauthentiques supporters qui ont plus subi que pris du plaisir sans ĂȘtre valorisĂ©s pour leur fidĂ©litĂ© sans faille, le Stadium a peinĂ© Ă faire le plein pour son Ă©quipe et non pour le nom de lâadversaire. « Franchement, le Carranza est un super stade, les supporters nous encouragent beaucoup, on se sent soutenus, y compris quand on encaisse un but. CĂĄdiz, câest une vraie ville de foot ». ForcĂ©ment, les restrictions sanitaires qui imposent le huis-clos sont un handicap quâil faudra surmonter pendant une bonne partie de la saison.
Au moment dâaborder cette premiĂšre saison en Liga, Yann Bodiger savoure lâinstant, sans la moindre rancĆur pour le TFC, bien au contraire : « jâavais Ă cĆur de progresser et de revenir dans lâĂ©lite du football. Je ne cherche pas Ă dĂ©montrer quoi que ce soit, câest simplement la suite de ma carriĂšre. Parfois, on est amenĂ© Ă partir et je ne regrette rien. Tous les joueurs savent quâune carriĂšre, câest Ă la fois court et long, avec des bons et des mauvais moments. Certes, il y a eu des mois difficiles mais lĂ ce sont des moments trĂšs sympas Ă vivre alors jâen profite ! ».
François Miguel Boudet
(@fmboudet)