Du burofax au boycott de la presse catalane, la déroutante communication de Messi

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Vendredi, Lionel Messi a mis provisoirement fin au feuilleton qu’il a lui-même déclenché. Après 10 jours de psychodrame, la Pulga a annoncé en personne qu’il honorerait sa dernière année de contrat avec le FC Barcelone. Au-delà des considérations juridiques alambiquées qui ont agité jusque dans les bureaux de LaLiga, la communication de l’Argentin a été très éloignée des standards actuels pour les stars de son niveau. Et si au moment de prendre la parole, il a envoyé des signaux clairs à son club et à la presse catalane, il est également apparu que celui qui est souvent décrit comme un dictateur a surtout les traits d’un général isolé. 

T-shirt, short, claquettes. C’est un Lionel Messi en tenue très décontractée qui a accordé une interview exclusive à Goal vendredi soir pour clôturer la première partie de la telenovela qu’il a lui-même initiée fin août avec l’envoi d’un burofax triste et impersonnel. Si l’aspect vestimentaire a détonné, la forme de l’entretien a en revanche été des plus classiques, à la grande joie du site qui publie en 19 langues dans 130 pays.

Messi a exprimé très clairement ses velléités de départ, le manque de parole de Josep María Bartomeu et l’absence de projet cohérent depuis plusieurs saisons. L’Argentin a été très clair et a accéléré les signatures des socis en faveur de la motion de censure. Une intervention qui arrive avec 10 jours de retard pour un incendie volontaire allumé par son père et lui. Mais surtout, la démonstration que la communication de la Pulga vient d’un autre siècle.

Une communication désorganisée et mal pensée

Avec l’irruption des réseaux sociaux, la presse traditionnelle a appris à être en retard en matière de communication. Les clubs et les joueurs sont devenus leur propre medium et n’ont plus besoin des journalistes d’une manière directe. Ce sont désormais les acteurs qui imposent leur timing, le nombre de followers et d’interactions provoquées assurant la propagation de l’information. Chaque mot est sous-pesé et les photos et vidéos postées sont minutieusement choisies pour transmettre le message.

Or en dépit de 264 millions de followers sur les réseaux sociaux, Messi ne communique pas. Ou plutôt communique mal. Ses posts Instagram n’ont aucune valeur ajoutée et ils sont dupliqués sur Facebook, sans adaptation à la cible qui, ne serait-ce qu’en termes de catégories d’âge et de portée, varie sensiblement. De plus, l’Argentin a un accord depuis 2013 avec Tencent, société chinoise qui édite la messagerie instantanée WeChat, qui lui interdit d’ouvrir un compte Twitter. Cela l’empêche d’avoir une fenêtre sur les réseaux sociaux occidentaux, preuve que la communication ne l’intéresse guère, contrairement à Cristiano Ronaldo ou Neymar qui sont également présent sur le marché chinois (WeChat, Weibo) mais sans clause d’exclusivité. Cela explique également la raison du faible niveau d’interactions avec ses followers.

Le psychodrame de cette fin d’été a confirmé son peu d’appétence pour l’exposition médiatique. A-t-il été conseillé par une personne extérieure à son clan ? Cette communication a-t-elle été réfléchie et planifiée ? A priori non, ce qui est un comble quand on côtoie Gerard Piqué, un as dans l’art de faire passer les messages frontalement ou de manière plus sibylline.

Et en matière de sous-entendus, l’absence de réaction publique de la part des cadres a été notoire. Comme le signale Juan I. Irigoyen dans les colonnes d’El País, le silence dont le vestiaire a fait preuve a été assourdissant. Dans son article « Messi se queda solo », le journaliste revient sur une réunion pendant le mandat d’Ernesto Valverde entre Josep María Bartomeu avec Gerard Piqué, Sergio Busquets et Sergi Roberto : « aux discussions footballistiques, se sont ajoutées des questions mineures, presque infantiles, de vivre-ensemble : « le photographe fait plus de photos de Leo », « Pepe Costa (chef du bureau d’attention des joueurs) ne s’occupe que de Messi », « les kinés prennent plus soin de lui » ». La communication désastreuse de Messi a finalement mis en lumière que celui qui est souvent dépeint comme un dictateur est en réalité un général isolé. Cela a aussi eu le mérite de démontrer que la médiocrité blaugrana sur le terrain se vérifiait dans l’intimité du vestiaire et que les désirs de départ du Rosarino, fatigué de cacher la misère depuis plusieurs saisons à coups d’inspirations géniales, étaient tout à fait logiques et légitimes.

Grosse claque pour la presse catalane

Malgré une piteuse communication, Leo Messi a tout de même envoyé des messages qui sont surtout intelligibles pour les familiers du Barça : dirigeants, staff, joueurs, socis, supporters, presse locale. Si Goal est un site d’envergure mondiale, c’est surtout du côté du journaliste qu’il faut regarder. Il s’agit de Rubén Uría, une référence en la matière en Espagne, très loin de l’amarillismo et du sensationnalisme ambiant. Uría n’est pas Catalan mais Madrilène et supporter de l’Atlético de Madrid. Le choix de Messi peut être vu comme le couronnement d’une brillante carrière. Mais pas uniquement.

L’Argentin n’est intervenu ni dans Mundo Deportivo ni Sport, les deux quotidiens sportifs barcelonais, ni sur les ondes de Rac 1. Et ça, c’est clairement un message envoyé à la junta du Barça : Messi ne pactise pas avec la presse à la solde de Josep María Bartomeu qui est d’ailleurs singulièrement égratigné par le sextuple Ballon d’Or. Souvent très tendres avec la direction culé, les deux titres de presse écrite ont régulièrement droit à des renvois d’ascenseurs, le plus souvent matérialisés par des interviews exclusives des joueurs. Certains l’ont d’ailleurs bien rendu, notamment Ivan Rakitic qui, quelques heures après l’officialisation de son retour à Séville, a lâché une petite boule puante : « je ne sais pas si Vidal a plus joué parce qu’il est ami de Messi ». De la part d’un joueur qui, pour de nombreux supporters, est resté plusieurs saisons supplémentaires grâce à l’appui de la presse, la phrase ne manque pas d’aplomb.

En les boycottant ouvertement, Messi tacle son président qui, il faut le rappeler, est englué dans différentes affaires dont celle le liant à une entreprise qui a créé des comptes sur les réseaux sociaux pour pourrir Messi et sa famille. Serait-ce le premier pas vers un soutien officiel pour l’élection en 2021 ? En tous cas, sa sortie du silence a accéléré le recueil de signatures en faveur d’une motion de censure même si on reste encore loin des 16.521 nécessaires (à 9 jours de la clôture, 7500 socis ont signé, ndlr). Si la Pulga et son père ont très mal géré cette crise, sa conclusion a été plus percutante qu’il n’y paraît. Reste à savoir comment il s’entendra avec Ronald Koeman, d’autant que le feuilleton ne fait que commencer : Messi sera libre de signer gratuitement où il veut dès le 1er janvier 2021.

François Miguel Boudet
(@fmboudet)

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