L’histoire entre le FC Barcelone et Lionel Messi semblait cousue de fil blanc. Mais aussi fort soit-il, l’amour ne rime pas toujours avec toujours. La fin de parcours de la Pulga en Catalogne est tristement banale, aux antipodes de la relation que le sextuple Ballon d’Or nourrissait avec le Barça. Et si ce départ était en réalité le cadeau ultime de Messi envers le club de sa vie ?
Messi et Barça peuvent-ils se conjuguer au passé ? Cette histoire de 20 ans fait partie de l’histoire du foot et ce lien perdurera, au-delà du divorce qui se profile. Elle restera celle d’un gamin débarqué d’Argentine qui a rencontré le club de sa vie pour ne plus le quitter pendant deux décennies. Une idylle romancée ? Sans doute, mais comment échapper à la mythification ? Cette relation aura traversé les années, les obstacles, des pertes cruelles et des périodes de troubles profonds. Mais les derniers événements, eux, seront probablement les derniers.
Personne n’aurait pu imaginer que les adieux de Leo Messi au Camp Nou interviendraient de la sorte. Il n’y aura pas grand tifo comme pour Xavi Hernández. Il n’y aura pas de photos seul dans un stade vide comme pour Andrés Iniesta. Lionel Messi devait être dans son jardin entouré de tous ses trophées remportés, regardant une dernière fois le temple qui avait fait de lui le plus grand joueur du monde. Ses supporters l’aurait chanté à en perdre la voix dans des « Messi, Messi » bordés de sanglots. Le nouveau capitaine Marc André Ter Stegen aurait célébré son ancien partenaire dans une lettre émouvante. Quelques heures plus tard, le peuple blaugrana, mais pas que, aurait réalisé la portée de ce moment : les adieux à un magicien à jamais célébré. Le 8-2 contre le Bayern a définitivement achevé la patience de l’Argentin. Car ce qui tombe sur la tête du Barça aujourd’hui n’a rien d’une punition divine ou de la malchance. Ce départ est la conséquence d’années d’errances.
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Leo Messi joue son dernier match à Barcelone pour lui-même
Messi a beau être un dieu au yeux de ses supporteurs, il est aussi un humain qui ne peut tout accepter sous prétexte d’amour. Personne ne devrait tout accepter sous ce prétexte-là et lui ne doit pas faire exception. Pourtant il serait le traître, celui qui abandonne le club au pire moment. Cloué au pilori par ceux qui l’ont jadis encensé. Le messie serait désormais le Judas après avoir été le dictateur. Facile ? Évidemment. Mais cette haine n’est que le reflet de l’amour qui a pu lui être porté. Des réactions disproportionnées qui ne reflètent qu’un sentiment d’abandon.
Mais qui a vraiment abandonné l’autre ? Qui a vraiment laissé tomber l’autre alors qu’il en avait cruellement besoin ? Celui qui quitte l’être aimé après des années de mise en garde sur la non réciprocité des engagements ou ceux qui n’ont pas levé le petit doigt pour intervenir, ceux qui, aveuglés par des attentions, des cadeaux ou tout simplement désinformés, n’ont pas rendu l’amour cent fois donné par l’Argentin ? Il est toujours simple de ne pas se regarder dans un miroir pour reconnaître la part de responsabilité qui nous incombe dans un divorce aussi douloureux, mais si ce club doit rester le club merveilleux qu’il est, la rétrospection de tous ses acteurs est vitale. Sinon, la rupture ne peut laisser place qu’à une suite de relations toxiques qui mènera le « mes que un club » à la dépression.
Leo Messi ne joue pas son dernier match à Barcelone contre le club mais pour lui, pour sa carrière. Il applique là, la première règle d’une relation réussie : ne jamais s’oublier. A la recherche de cette nouvelle sérénité loin de son grand amour, il pourrait lui permettre d’enfin dire adieu à l’un des pires chefs de son histoire, faisant éclater au grand jour que ce combat ne devrait pas être conté comme un duel Messi – Bartomeu mais comme celui d’un peuple blaugrana qui récupère le pouvoir. C’est à ce que les supporters doivent s’accrocher. A ce dernier cadeau qu’il pourrait offrir. Le dernier tour de piste avant les adieux.
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Jamais Leo Messi n’aura été un saint, lui aussi a fait des erreurs, lui aussi à pu se perdre à la recherche de l’équilibre parfait entre performance et amitié, mais il n’a jamais cessé de porter haut l’écusson de ce club, même lorsque sa famille et lui-même ont été dénigrés avec la complicité plus ou moins transparente d’une direction sans remords, prête à tout pour défendre ses intérêts. Messi partira peut-être, les problèmes de gestion eux seront toujours là au Barça B, dans les catégories inférieures, dans des sections différentes.
Ne soyons pas naïfs : la mésentente entre Leo Messi et Josep Bartomeu a commencé depuis longtemps, bien longtemps. Une relation qui, pour le coup, n’a rien à voir avec de l’amour. Dans sa quête de pouvoir et d’argent, le second a piétiné sans pitié le club de cœur du premier, comptant sans aucun doute sur sa fidélité et le dévouement à ses couleurs pour ne pas lâcher malgré tout. Mais Josep Bartomeu a sans doute oublié la règle numéro deux des relations amoureuses : loin des yeux ne veut pas forcement dire loin du cœur. Messi restera toujours Messi, même loin de chez lui. Il restera l’homme d’un seul club, parce que rien n’y personne ne peut changer ça, pas même le méchant de l’histoire.
François Miguel Boudet (@fmboudet) et Tracy Rodrigo (@tracy_rdg)