Ronald Koeman est un garçon particulier. Sa signature dans un Barça en déliquescence, alors que la direction n’a pas annoncé un changement majeur de stratégie le tout dans une période électorale qui s’annonce tendue interroge. Pour une fois, Ronald avait trouvé de la stabilité au haut niveau à la tête de la sélection néerlandaise. Mieux encore, les Oranje de Tintin semblaient être les favoris de la compétition. Oui mais voilà, le Batave a succombé à l’appel du club qui rend fou, comme beaucoup avant lui, au risque de tout perdre mais surtout, de tout rafler.
Ronald joueur avait quitté le Barça et l’Espagne en étant une légende du club catalan avec notamment six trophées dans la besace. Koeman est un des défenseurs les plus complet de l’ère moderne : buteur, organisateur, virevoltant avec une technique au-dessus de la moyenne et une vision du jeu digne d’un numéro 10, il a marqué profondément les Blaugrana. Buteur héroïque lors de la première C1 remportée par les Catalans, Koeman fait partie de la Dream Team de Johan Cruyff. Une équipe qui a émerveillé de nombreux supporters et qui lui confère donc une place particulière dans l’esprit de beaucoup. Sa carrière d’entraineur est moins fastueuse, son retour en Espagne sur le banc de Valence en 2007, en cours de saison, qui se conclut par un licenciement et une crise interne malgré une Copa Del Rey en est le symbole. Joueur génial, il tarde à devenir un entraineur à succès, mais son nom et son attitude plaisent.
Mais pourquoi signer au Barça maintenant ?
C’est une question que tout le monde ou presque se pose à l’heure actuelle et qui était déjà la même pour Quique Setien cet hiver. Pourquoi signer au Barça en ce moment alors qu’on a tout à perdre et très peu de chance d’en sortir indemne ? Surtout que Ronald Koeman, contrairement à Quique Setien, semblait prédestiné à terminer un jour ou l’autre sur le banc des Blaugrana quand c’est justement cette situation ubuesque qui a permis à l’ancien coach du Betis de pouvoir s’y asseoir, alors qu’il n’a jamais vraiment montré les aptitudes pour y prétendre.
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Pourtant Ronald Koeman a bien choisi de claquer la porte des Pays-Bas à un an d’un Euro qui semblait favorable à une sélection néerlandaise de retour sur le devant de la scène. L’ancien défenseur avait permis aux Oranje de panser leurs plaies et désillusions, de se remettre au travail tout en réalisant une large revue d’effectif pour faire de la place à une jeune génération. Son 4-3-3 modulable et sa capacité à bien lire les matchs combinés à un groupe à l’écoute a permis à Ronald de réaliser de belles choses sur le terrain notamment en Ligue des Nations en disposant de la France et l’Allemagne en qualification pour l’Euro. Un caractère bien trempé, un attrait pour les décisions fortes et surtout une idée de jeu assez claire, voilà le résumé de Koeman sur un banc.

Pourquoi un tel choix ? Il est difficile de vraiment y répondre, mais il est vrai que le Barça a une place particulière sur l’échiquier du football mondial. Encore plus pour ses ex-joueurs devenus managers. Le club agit comme un aimant et il est impossible ou presque de refuser les avances des Catalans. Pour signer au Barça, il ne faut pas obligatoirement avoir un CV rempli de titres, il faut avoir cette fibre, cette connexion avec l’héritage de Cruyff et cette volonté de respecter un certain style. On peut le bousculer mais il ne faut jamais le renier, au risque de totalement se bruler. Et puis, comment résister à l’envie de devenir le sauveur d’une si belle institution qu’on aime tant ? Beaucoup rêvent d’entrainer le Barça, et quand l’occasion se présente, elle arrive tellement rarement qu’elle semble impossible à refuser. Pouvoir écrire : « J’ai sauvé le Barça sur son épitaphe » c’est pas mal non ?
Tintin a quelques mois pour se rendre indispensable
Le pari de Koeman d’accepter de rejoindre le Barça qui semble embourbé dans une crise difficile à résorber sans changement de board, semble pourtant perdu d’avance. Sans-le-sou, avec des cadres dont les salaires font froid dans le dos et avec un banc famélique, Ronald sait qu’il va devoir trancher dans le vif et faire confiance à des jeunes aux dents longues mais inexpérimentés. Une situation qu’il connait bien, à Valence il avait mis les stars vieillissantes au placard mais avait totalement fait exploser le groupe.
A l’Ajax, à Southampton ou à Feyenoord, Koeman s’est aussi appuyé sur une jeune garde pour avoir de bons résultats. La liste des joueurs qu’il a eus sous ses ordres à leurs débuts fait rêver : John Guidetti, Zlatan Ibrahimovic, Wesley Sneijder, Nigel de Jong, John Heitinga ou encore Maarten Stekelenburg. On peut aussi se rappeler l’impact positif qu’il a eu sur Mané à Southampton ou le rôle de faux 9 qu’il a taillé pour Memphis Depay en sélection.

Même si le natif de Zaandam semble avoir un attrait limite maladif pour les défis perdus d’avance ou encore ceux qui ont la capacité de totalement ruiner sa réputation, il sait que c’est pratiquement la seule chance qu’il a de pouvoir goûter à l’ivresse d’être coach du Barça. Dans un an, quand Bartomeu sera parti, c’est une autre légende qui est attendue sur le Banc. Xavi, qui semble avoir un accord avec Font pour signer au Barça en cas de victoire du pré candidat avait notamment repoussé les avances du board actuel cet hiver, ce qui avait conduit à la signature sans réelle conviction de Setien.
Il semble difficile de faire le poids face à la candidature de Xavi (même si le génial milieu de terrain galère un peu au Qatar) mais on le sait, pour rejoindre le Barça et l’emmener vers le sommet, il faut ce truc en plus. Koeman cependant, s’il réussit une très grande saison après avoir fait le ménage dans le vestiaire et à redonner confiance et fierté aux Culés sera un candidat crédible et surtout difficilement limogeable pour faire un second mandat sous une nouvelle direction. Bien sûr la mission est difficile, surtout que le Batave a quelques semaines seulement pour faire le tri dans l’effectif, redonner confiance à un groupe qui a pris une fessée en mondovision tout en rendant le tout très compétitif. L’amour suffit-il pour déplacer des montagnes ? On le verra très rapidement. Koeman a beaucoup à perdre mais autant à gagner et il adore ce genre de mission, même si tout ne se finit pas toujours très bien.
Benjamin Chahine
@BenjaminB_13