Ferran Torres, divorce aux torts partagés

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Deux ans et demi après son arrivée dans l’équipe première, Ferran Torres quitte le Valencia CF pour rejoindre le Manchester City de Pep Guardiola. Couvé par Marcelino García Toral avant de devenir un cadre blanquinegro cette saison, le canterano n’a pas souhaité renouveler son contrat qui portait jusqu’en 2021. Une énorme erreur du club qui perd un crack mais aussi un révélateur de l’état d’esprit d’un joueur qui n’a pas fait le sentiment au moment de lâcher son club formateur.

Comment un joueur doté d’une clause de 100M€ peut quitter son club pour à peine 25M€ assortis de 12 M€ d’éventuels bonus ? C’est le tour de force réalisé par les dirigeants du Valencia CF, jamais avares en tonterías. Ferran Torres est peut-être le plus grand offensif espagnol du moment mais les Blanquinegros ont été infoutus de blinder son contrat. Résultat : l’ailier est bradé. Certes, blâmer Peter Lim et Anil Murthy est facile tant leur incompétence est crasse. Néanmoins, le joueur et son agent ne sont pas exempts de tout reproche.

La faute de Marcelino

Ferran Torres aurait pu devenir un Vicente Rodríguez, une carrière entière en Blanquinegro. Finalement, l’avenir dira s’il est le successeur de David Silva dans le cœur des supporters Citizens. Pur produit du centre de formation che, Ferran avait tout du « jugador de época », un profil à la José Luis Gayà. Lancé dans le grand bain en décembre 2017 par Marcelino, l’ailier droit a connu une ascension fulgurante. À seulement 20 ans, il facture déjà 108 matches avec le Valencia CF, toutes compétitions confondues (59 fois titulaire). Rare satisfaction d’une morne saison, Ferran a pris une nouvelle dimension…alors que son explosion n’était pas prévue aussi tôt. L’été dernier, l’international U21 était proche de partir en prêt, poussé par son coach, pas toujours très enclin à s’appuyer sur les jeunes, ce qui avait provoqué des tensions avec Singapour qui voulait voir Kang-In Lee occuper un poste de premier plan dans les plus brefs délais. Des clubs de Bundesliga et la Real Sociedad étaient intéressés mais, finalement, Ferran est resté et Marcelino est passé par dessus bord quelques semaines plus tard. Mais malgré le départ de l’Asturien, le mal était fait et la marche arrière était impossible.

Dans SuperDeporte, Julián Montoro explique : « Tout a basculé lors du dernier été quand Ferran, star de la sélection espagnole qui a conquis l’Euro U19, s’est retrouvé dans une situation incongrue. Marcelino lui proposait d’être prêté  pour disputer les minutes qu’il ne pouvait lui garantir car son désir était de signer Denis Suárez. Le joueur ne l’a pas accepté. Mateu Alemany s’est laissé entraîner par Marcelino et il a fallu l’intervention de Peter Lim en personne pour les freiner, comme pour le cas Kang In Lee. A partir de là, Ferran n’a plus écouté les propositions de prolongation et il n’y a même pas une quelconque négociation en tant que telle ». 

Le contrat de Ferran a toujours été un sujet d’inquiétude. Ses très bonnes performances en 2019-2020 (47 matches toutes compétitions confondues, dont 35 comme titulaire, 6 buts et 9 passés décisives) ont renforcé les craintes. Pour le canterano et son agent, hors de question de faire dans le sentiment. Pour prolonger son bail dans la capitale du Turia, c’était à des conditions forcément très élevées. De quoi créer des dissensions à l’intérieur d’un vestiaire en déliquescence, notamment avec le capitaine Dani Parejo qui aurait très peu goûté un caprice de la nouvelle star. En février 2020, le club a communiqué sur l’offre faite au natif de Foios : l’offre de prolongation formulée entraînait un bond énorme dans la pyramide des salaires de l’effectif, dans le Top 5, c’est-à-dire au-dessus de Carlos Soler qui venait de prolonger avec le même représentant, Héctor Peris Ros. A priori, c’est le projet davantage que le jeu qui était censé faire la différence pour Ferran Torres. Mais à ces hauteurs et dans un club qui navigue à vue, combien de temps durent les jolis principes ?

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Nouvel échec pour Meriton

En position de force, le joueur a fait traîner la décision, jusqu’à préférer les sirènes guardiolesques. Ni lui ni son agent n’ont communiqué publiquement sur le sujet. Dès lors, les dirigeants avaient deux solutions : soit vendre très en-dessous du montant de la clause, soit prendre le risque de voir Ferran signer gratuitement où il souhaitait dès le 1er janvier 2021. Ce n’est pas la 1re fois que le Valencia CF s’est mis dans une situation délicate concernant l’ailier droit. En 2017 déjà, il était courtisé par de nombreux clubs européens. Sa clause était d’à peine 8M€ et le risque de répéter le cas Isco (lancé par Unai Emery, l’Andalou était parti pour seulement 6M€ à Málaga). Sentant la menace, le club était parvenu à relever la clause de rescision à 25M€ avant de brillé au Mondial U17 en Inde avec l’Espagne. Cette fois-ci, il avait prolongé sans céder aux avances du Barça et du Real Madrid notamment. Mais aujourd’hui, la situation est tout à fait différente.

Ce départ marque un échec de 1er ordre pour les propriétaires blanquinegros. Le 12 juillet dernier, le journaliste Carlos Bosch l’expliquait dans les colonnes du quotidien sportif local SuperDeporte : « ce que les dirigeants du club de Mestalla, c’est-à-dire Meriton, doivent bien analyser, c’est pourquoi ni Ferran ni Kang-In ne prolongent alors qu’on leur a formulé à tous les deux des offres très juteuses financièrement ». En réalité, c’est toujours le même refrain : sans directeur général, sans directeur sportif, sans président compétent et avec un boss qui pense pouvoir gérer un club à l’autre bout du monde, comment garder les meilleurs éléments ?

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Et même si l’objectif était de faire du trading avec des canteranos, l’échec est patent concernant Ferran Torres. Avec, dans le meilleur des cas, une somme avoisinant tout au plus les 40M€ (auxquels il faut retrancher le transfert du milieu Yangel Herrera, prêté la saison dernière à Granada mais propriété de Manchester City), le compte n’y est absolument pas. Reste à savoir si le club communiquera de manière outrancière sur les réseaux sociaux comme ces dernières semaines, mais il y a peu de choses qu’il s’en vante…

Dans la catégorie des traîtres ? 

Ferran Torres va-t-il se convertir en traître aux yeux de l’afición blanquinegra ? Sans remonter jusqu’à Pedrag Mijatovic en 1996 qui avait juré que jamais il n’irait au Real Madrid avant d’y signer quelques semaines plus tard ou même à Roberto Soldado en 2013, l’épilogue de la carrière de Ferran Torres chez les Murciélagos rappelle celui de Paco Alcácer en 2017. Formé au club, considéré comme le fils préféré du Valencianisme et capitaine, le buteur était parti en toute fin du mercato d’été.

Là encore, l’absence de projet cohérent avait eu raison de la volonté de l’international espagnol. Jeudi, toujours dans SuperDeporte, Carlos Bosch établit une différence majeure entre les deux canteranos : « Paco a fait une chose que le natif de Foios n’a pas faite : il a assumé. Paco a dit au Valencia CF qu’il voulait aller au Barça. Point à la ligne. Le club lui a dit de l’annoncer publiquement et Paco l’a fait. Point barre ». Peut-être que le poids des années et l’échec sportif d’Alcácer ont atténué la rancoeur et distendu les souvenirs car l’attaquant n’avait pas fait preuve d’un tact démesuré. Cependant, cette façon de faire n’a jamais payé par la suite. David Villa, David Silva et Juan Mata étaient partis en seigneurs, contraints et forcés par une situation économique intenable, et conservent une popularité immense à Mestalla. Ferran Torres laissera des regrets et pas mal de rancoeur. Il a beau courir vite, ça ne se rattrape pas.

François Miguel Boudet (@fmboudet)

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