Atlético : Germán Burgos, El Mono s’en va en solo

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Hauts parleurs silencieux, l’écran géant placé sur l’extérieur de l’imposant Wanda Metropolitano porte un message court, mais sincère : “Gracias Germán Burgos”. Les derniers matchs sont toujours synonymes d’adieux mais celui-ci est tout particulièrement touchant et important. Un “homme singe” est arrivé il y a bien des années de cela et il est aujourd’hui temps de dire au revoir à un King Kong au coeur rouge et blanc.

Un homme, un écusson et quelques secondes de silence

Les gradins du Wanda Metropolitano sont vides. Les joueurs, le staff et quelques membres de la direction sont présents à l’entrée du terrain de jeu. Ils attendent tous un homme et pas n’importe lequel… Germàn Adrián Ramón Burgos alias “El Mono” sort des vestiaires. Le 3 juin 2020, l’Argentin annonçait son départ sur les réseaux du club est à quelques minutes de son dernier match à domicile en tant qu’entraîneur adjoint de l’Atlético de Madrid. Loin de la classe vestimentaire de son frère d’armes Diego Simeone, c’est en cosplay de coach de club amateur qu’il se retrouve face au moment de vérité.

Il s’arrête face à l’écusson de l’Atlético de Madrid, celui là même qu’il est interdit de fouler depuis Luis Aragonés, père d’une tradition aujourd’hui encore respectée. Il ne fait aucun doute que “El Sabio de Hortaleza” est l’une des personnes qui traversent l’esprit du Mono durant ces quelques secondes de pure émotion. Cet animal qui semble aussi grand et inamovible qu’une montagne, ce rockeur qui a donné l’ordre de mettre du AC∕DC pendant les échauffements, cet homme qui a vaincu un cancer, est nerveux. Les mouvements de ses doigts et de ses mains trahissent ses émotions; quelques secondes de silence où toute la magie du football résonne comme une mélodie aussi belle que émouvante. Comme un discours d’au revoir à un ami, à un frère, le Mono a sans doute imaginé mille phrases pour finalement improviser quelque chose de complètement différent.

Tant d’images et de souvenirs ont dû lui traverser l’esprit; des remerciements, quelques regrets peut-être, mais sans nul doute deux promesses : un dernier service avant de partir en forme de Champion’s League et surtout celle de revenir un jour. Les secondes passent, le coeur se serre, les genoux se plient, un baiser est déposé sur l’écusson et l’homme se redresse tout en tapant sa poitrine avec la paume de sa main. Il avance et foule l’herbe du Metropolitano sous les applaudissements de tous. Le récit de cette despedida n’est pas fini, mais arrêtons-nous un moment et revenons en arrière pour répondre à une question : qui est le Mono Burgos ?

Le dernier des Mohicans

Germán Burgos appartient à une caste de gardiens qui a presque disparu aujourd’hui : les gardiens fous. Loin, très loin des Jan Oblak, Marc André Ter Stegen ou Alisson Becker, le Mono était un gardien peu orthodoxe et haut en couleurs. L’Argentin s’est fait connaître du grand public en 1994 en remportant un tournoi d’Apertura sans aucune défaite sous les couleurs de River Plate. Après plusieurs saisons réussies et quelques trophées sous le bras, le gardien à casquette et pantalons longs traverse l’océan et atterrit à Mallorca. Deux années plus tard, en 2001, commence une histoire singulière avec l’Atlético de Madrid. Sous les ordres de Luis Aragonés, légende absolue et amoureux passionné de l’Atleti, Burgos trouve un mentor dans le foot et dans la vie. Une saison en Segunda après (celle du début d’une autre légende colchonera : Fernando Torres), l’Atlético retrouve sa place au sein de l’élite.

Pour annoncer son retour en Liga, le club rojiblanco lance une campagne de pub devenue mythique : un plan sur la Gran Vía madrilène, des bruits sourds de gens jouant au foot, un ballon qui fait sauter de l’intérieur une bouche d’égout par laquelle apparaît la tête d’un joueur et un message : “Nous sommes de retour”. Ce joueur n’est autre que le Mono Burgos. Bandana sur la tête et cheveux longs, il incarne l’essence même du club, l’outsider venu des bas fonds qui se rebelle contre les tapageurs Galacticos. Les pauvres contre les riches, le rock contre la musique classique, le Mono aux mèches blondes décolorées contre un Luis Figo à la chevelure fixée par le gel. Eterno derbi : 2-1 pour les Merengues et le Portugais acheté à prix d’or au FC Barcelone est sur le point de claquer un triplé sur penalty et de plier la rencontre. L’attaquant s’élance, le gardien s’avance et le ballon ne touche pas les filets grâce au visage de l’Argentin qui réussit à l’arrêter au prix d’un visage ensanglanté. Jamais orthodoxe, toujours courageux. Et un exploit qui permet finalement à Demetrio Albertini d’égaliser en fin de match.

Ce n’est pourtant pas l’arrêt le plus décisif de sa vie. En 2003, il est obligé de s’écarter des terrains de foot. Toujours un grand sourire aux lèvres, le plus gros blagueur de la Liga est malade, un cancer des reins le pousse à mettre fin à sa carrière de façon abrupte. Collègues, rivaux et le monde du football espagnol tout entier montrent leur soutien à l’homme qui était connu non seulement pour ses sorties hors de la surface balle aux pieds, pour ses arrêts de la poitrine mais aussi pour être très proche des plus humbles. Meilleur ami des ramasseurs de balles, il n’était pas rare de le voir s’échauffer avec eux ou de rigoler ensemble depuis le banc des remplaçants. Célèbres sont aussi les anecdotes du gardien s’adaptant aux horaires des employés du club pour pouvoir manger avec eux et partager un bon moment. Le respect ne s’impose pas, il se gagne.

Vainqueur contre la maladie, il profite pour continuer sa carrière de rockeur au sein du groupe The Garb pour finalement commencer sa carrière d’entraîneur au Real Carabanchel. Mais loin de là, en Argentine, un certain Cholo Simeone, pense à lui en tant que second, afin de commencer une aventure ensemble aux commandes du Racing Club de Avellaneda.

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Deux opposés complémentaires

Plus besoin de présenter le Cholo : nerfs, passion, fougue et rage de vaincre. Le Mono, lui, est presque son miroir inversé : calme, posé, réfléchi mais avec la même soif de victoire. C’est là que les deux se retrouvent et forment un duo complémentaire et extrêmement efficace. Deux passionnés de football, disciples de la culture de l’effort et de la passion pour la gagne. Ils travaillent ensemble pour transformer des individualités en équipes, des joueurs talentueux en champions et rendre le sourire aux Colchoneros en offrant au club les meilleures années de son histoire. Huit ans passés ensemble avec l’Albiceleste, coéquipiers à l’Atlético : les deux hommes ont eu le temps de se connaître et de former une amitié qui se traduit par une complicité extrême sur les terrains de jeux. Binôme gagnant, amis fidèles, le Mono avoue avoir mangé plus souvent avec Simeone qu’avec sa propre famille. Un Ying et un Yang céleste et blanc comme l’Argentine, rouge et blanc comme l’Atlético mais aussi noir et blanc comme les ballons de football, car ce sont bien ces trois passions qui animent les Bud et Spencer des bancs de touches. Du fait de son caractère explosif, Diego Pablo est souvent suspendu pour cause d’accumulations de cartons jaunes ou d’expulsions et c’est alors que que son double Germán prend sa place. Avec 13 victoires (dont une finale de Supercoupe d’Europe et une finale d’Europa League), 2 égalités et 2 défaites, c’est un excellent bilan qui ne fait que justifier encore plus ses envies de voler aujourd’hui de ses propres ailes.

Mais n’allez pas croire que Burgos n’a pas le sang chaud pour autant. Pour preuve, son expulsion lors d’un eterno derbi suite à un penalty non sifflé sur Diego Costa qui termine par un carton jaune pour l’attaquant hispano-brésilien, le Mono a été pris d’une rage incontrôlable envers l’arbitre du match qui doit sa survie aux 9 personnes du staff qui ont finalement réussi à calmer la bête assoiffée de sang qu’était devenu El Mono. Oui, 9 personnes car le bougre n’est pas chétif, bien que dans sa jeunesse son physique était plutôt discret. Avec les années, il est passé d’une allure de macaque désinvolte (d’où son surnom, mono signifiant singe en espagnol) à celle d’un gorille imposant. Demandez donc à Julen Lopetegui qui a dû subir ce qu’on appelle « un coup de pression silencieux » sentant la présence inquiétante et le regard fixe du bourreau qui laisse à sa victime une dernière chance de fuir avant de se jeter sur elle. Ou bien à José Mourinho, qui en entendant la phrase “¡Yo no soy Tito, te arranco la cabeza!” (Moi je ne suis pas Tito -Vilanova, je t’arrache la tête !) s’est rappelé in extremis qu’il ne faisait pas peur à tout le monde. Il faut croire que le Real Madrid excite le Mono et c’est normal : il aime l’Atlético.

Jouer avec le cœur

Revenons là où nous avions laissé les adieux. Burgos reçoit l’ovation des joueurs, du staff, de Simeone et sur les écrans défilent les accolades des deux compères lors des célébrations des finales gagnées ensemble : celle donnée lors de la victoire pour le sacre en Liga au Camp Nou, celle dans les vestiaires après l’exploit à Anfield. La troisième n’est pas encore disponible mais elle est prévue pour le moi d’août : “Quand nous aurons gagné la Champion’s League (…) ! Je suis un chasseur de rêves et il ne me manque ni l’envie ni la passion pour être champion d’Europe”.

L’hommage se poursuit, Koke Resurrección et le président Enrique Cerezo lui offrent un maillot dédicacé et une plaque d’honneur. Les caméras immortalisent l’instant mais il manque un invité de marque à cette fête d’adieu. Pour cause de pandémie mondiale du Covid-19 les aficionados colchoneros ne peuvent pas être présents pour applaudir et scander le nom d’un homme qui a trouvé dans ce club une famille : un père comme Luis Aragonés, un frère comme Diego Simeone, des enfants comme Torres, Koke ou Saúl et l’amour comme celui que lui portent celles et ceux qui ont donné vie au Vicente Calderón et au Wanda Metropolitano. Toutes ces personnes qui ont toujours donné leur soutien et leur gratitude à un gardien qui a parfois joué avec leurs rythmes cardiaques mais qui a surtout toujours fait ce que les hinchas rojiblancos réclament à leurs idoles : donner son coeur entier pour cet écusson rouge et blanc avec une ourse et un madroño (arbousier). Défendre les couleurs du club avec son sang et ne jamais se rendre. L’Atlético est une famille car ils luttent ensemble comme des frères. Il ne fait aucun doute que tôt ou tard les aficionados reviendront à nouveau et les applaudissements pour cette légende du club se feront entendre. No es un adiós Mono, es un hasta luego.

Jairo Murcia

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