La forme du Barça et du Real, Getafe et la Real Sociedad mais aussi l’état du football espagnol et le manque de variété de ses profils, nous abordons tous ces thèmes dans cet entretien avec le journaliste espagnol Miguel Quintana.
Vous connaissez la règle des 10’000 heures de pratique d’une activité, censées faire de vous un expert dans le domaine pratiqué. Notre invité du jour ne compte que 405 heures d’expérience, mais en même temps, il pouvait difficilement faire plus. Parce qu’il est l’un des meilleurs journalistes de football en Espagne et qu’il a vu l’intégralité des 405 heures de Liga jouées cette saison, nous nous sommes entretenus avec Miguel Quintana.
Miguel Quintana, que pensez-vous de cette Liga ? Quelles sont les choses marquantes de la saison en cours ?
Je trouve qu’on est en train de voir une baisse généralisée du niveau de la Liga. On l’a déjà constaté la saison passée. On l’a précisément constaté en Europe, qui fait office de test pour se rendre compte du niveau des championnats. On parle du Real et du Barça qui ne sont pas très bien mais je trouve que d’autres équipes sont aussi dans cette situation. Elles sont à un niveau plus faible que d’autres années.
Au final, la question des championnats est cyclique. L’Espagne a dominé durant des années. Il suffit de penser au fait qu’il n’y a pas si longtemps Pochettino entraînait l’Espanyol, Bielsa l’Athletic Club, Emery Séville, Marcelino Villarreal, sans parler de Mourinho, Guardiola, Simeone, et Javi Gracia à Málaga. Il y avait beaucoup de niveau. Actuellement on est en train de voir une compétition plus égalitaire, par conséquent plus émouvante, mais avec moins de qualité footballistique et moins de spectacle.
C’est vrai qu’il y a actuellement de bons entraîneurs, des entraîneurs qui se sont forgés dans les divisions inférieures, mais qui ont peut-être moins de génie.
Oui et il faut comprendre que des génies comme Bielsa ou Pochettino conféraient une grande diversité à la compétition. Il y avait beaucoup de niveau et de beaucoup de formes différentes. On continue à avoir du niveau : ce qu’on a de mieux ce sont les gardiens et les entraîneurs, mais même comme ça, si on fait une liste des 20 meilleurs entraîneurs du monde, une majorité sont en Premier League. Dans ce domaine, l’Espagne se situe au niveau de la ligue italienne ou allemande.
Aitor, Pacheco, Asenjo, y’a-t-il une explication au fait qu’en Liga il y ait autant de bons gardiens ?
Il y a eu beaucoup d’articles qui se sont penchés sur le sujet. Pourquoi autant de bons gardiens en Espagne et aussi peu en Angleterre ? Ils disaient qu’en Angleterre les enfants ne veulent pas devenir gardien. Ici [en Espagne, ndlr.], on donne beaucoup d’importance aux gardiens. De toute évidence, ça reste la pièce footballistique la plus maltraitée car c’est au final la plus vulnérable, mais on la respecte beaucoup. Comme on travaille très bien dans la formation et qu’il y a des modèles auxquels ressembler – les grands modèles se sont enchaînés, avec les Iribar, Arconada, Zubizarreta, Cañizares, Casillas, Valdés – ça aide les enfants à vouloir devenir gardien. Quand tu as une bonne organisation et une bonne structure, c’est normal que le niveau moyen soit si haut.
Parlons maintenant un peu des équipes de Liga. Quels changements se sont produits au Barça depuis l’arrivée de Quique Setién ?
Je crois qu’il a changé des choses au niveau de la forme mais dans le fond ça reste semblable et ça me paraît normal. Un entraîneur comme Setién, c’est très compliqué qu’il change tout ce qu’il aimerait changer. Il n’y a pas de pré-saison, pas de marge, pas d’entraînements. Je fais toujours référence à la phrase que Mourinho a dite il y a peu dans une interview à Tottenham : il disait qu’il se couperait un bras pour avoir deux semaines de libre afin de travailler son équipe tactiquement. Au final son équipe s’est perdue en chemin. Avec Setién il se passe quelque chose de similaire. Il est en train de tenter des choses différentes. Ça peut donner un air supérieur à l’équipe mais au niveau compétitif et footballistique, cette équipe continue à m’apparaître comme ayant beaucoup de problèmes.
On parle et écrit beaucoup au sujet de Frenkie De Jong. Comment Setién peut-il réussir à conjuguer cette anarchie dans le jeu du Néerlandais, un jeu très porté sur la prise d’initiative individuelle, avec la rigidité que peut requérir un système comme celui du Barça ?
C’est une question de temps. Toujours, toujours, toujours. Il faut dire que Frenkie n’as pas été élevé dans la même langue footballistique que Xavi et Iniesta – c’est une langue semblable, un dialecte – pour donner un exemple. En plus, comme vous le dites, il a une nature différente. Aussi, quand Xaxi et Iniesta commencent à dominer au Barça avec le jeu de position, ils ont déjà 26-27-28 ans. Ils avaient une trajectoire, une expérience. Je pense que Frenkie aura aussi besoin de cela, car au final, c’est un joueur différent.
Arthur est un footballeur qui aime s’approcher du ballon. Frenkie aussi mais Frenkie ne met pas tant de l’ordre dans le jeu que ça… Je le préfère quand il désorganise. Lui qui désorganise l’adversaire, Arthur qui organise sa propre équipe. Au final aucun des deux n’est un intérieur de jeu de position. Ils ne savent pas quand se rapprocher du ballon, à Frenkie on lui demande de jouer entre les lignes… Je pensais qu’une évolution positive du Barça consisterait en le fait que les deux partagent la base des actions [les premiers mètres, ndlr.]. Mais tant que le Barça continuera à avoir besoin de Busquets, la base de l’action sera pour lui.

Dans ce Real Madrid, on dirait que tout ne tient qu’à un fil. Si vous touchez ne serait-ce qu’un petit élément, l’équipe ne répond plus comme elle le devrait.
C’est un jeu quasiment de contre-poids. Mon impression est que Zidane est en train de gérer l’effectif de la même façon qu’en 2016/2017. On ne peut pas tracer de parallélismes entre les deux effectifs mais Zidane fait des choses semblables car il croit que c’est la meilleure façon de gérer l’équipe et d’avoir tout le monde impliqué pour ensuite être compétitif. C’est quelque chose qui a toujours été bienvenu en Ligue des Champions. Le problème c’est que cette perte de qualité de l’équipe, cette perte de statut, ainsi que le fait que certaines pièces soient anti-compétitives pas seulement comme individualités, mais également une fois insérées dans le collectif, ça complique tout.
Bien que le Real ait joué un petit peu mieux que le Barça, le minimum de niveau de ce dernier en tant qu’équipe est supérieur à celui du Real. Et sur la base de ce minimum, le Barça est plus en capacité de souffrir parce qu’il n’a pas seulement Messi, mais aussi Suárez, Griezmann, Ter Stegen et Piqué. Même si Varane et Courtois sont bons, le duo du Barça me paraît plus déterminant.
Au-delà du pressing à la perte qui a bien fonctionné cette saison, quels outils Zidane peut-il donner à ses joueurs afin que l’équipe soit performante en camp adverse ?
Une chose que j’aimais beaucoup dans le Real Madrid de Zidane, et on en parlait peu mais pour moi c’était son action définitoire, c’est la vitesse à laquelle le Real des trois Coupes d’Europe bougeait le ballon d’un flanc à l’autre. Ça, le Real a de la peine à le reproduire. Avec ce losange au milieu il a de la peine à remplir le côté droit. Les latéraux ne montent plus autant comme ces latéraux qui occupaient les côtés du losange en 2016/2017. Tout cela fait que le Real attaque seulement par un côté, le gauche. De plus, il le fait avec Vinicius qui est un joueur qui déborde beaucoup, crée beaucoup, mais n’assemble pas l’équipe, ne lui donne pas de sens.
En conséquence, le Real ne bouge pas le ballon d’un flanc à l’autre et ne trouve pas de supériorités. J’aimais beaucoup ce Real avec Hazard et Rodrygo, qui lui était capable de le faire et de créer des déséquilibres. Mais au moment où Hazard se blesse, Rodrygo disparaît et au final on tend vers une évolution plus proche du Real de la saison passée que de ce qu’a été le Real de Zidane.
« En Espagne, souvent les joueurs extérieurs sont à la base des intérieurs, des milieux offensifs »
Le Séville de Lopetegui paraît ne pas être au niveau, l’être à nouveau, être décroché puis être bien classé à nouveau. Pourquoi cette équipe n’est-elle pas satisfaisante ?
Séville a commencé la saison avec un problème de finition. Il centrait beaucoup, imprimait beaucoup de rythme mais il lui manquait quelque chose à la finition. Quand il a pu acquérir ce quelque chose en raison des progrès de de Jong et de l’arrivée d’En-Nesyri qui a supposé un petit update, il a perdu du rythme offensivement. Au final ce n’est pas seulement que les équipes sont des organismes vivants qui évoluent, régressent, ont des passes, c’est aussi que le rythme de la compétition est important. Il y a des équipes qui fonctionnent mieux en septembre qu’en mars.
La formule de Lopetegui, une équipe compétitive avec Diego Carlos et Joan Jordan, qui bougeait le ballon très rapidement, c’est une formule qui fonctionnait très bien en septembre, mais entre le fait que les intérieurs ont eu une baisse de niveau, qu’il y avait des problèmes de finition et que la compétition a évolué, l’équipe a contracté la peur qu’il lui arrive la même chose que la saison passée ou que sous Sampaoli : que février arrive, qu’elle tombe en Europe et en Coupe et qu’ensuite elle dégringole en Liga.
Une chose intéressante au sujet de cette équipe est qu’entre ses ailiers et ses latéraux, elle possède du débordement. Peu d’équipes en Liga ont tant de débordement.
Oui, l’un des problèmes que nous avons en Liga c’est qu’il nous manque des joueurs de ce profil. Le type de joueurs qui occupent les ailes en Premier League ou en France ont une capacité pour provoquer, déborder, attaquer les espaces. Ils sont égoïstes et je ne le dis pas dans un mauvais sens. En Espagne, souvent les joueurs extérieurs sont à la base des intérieurs, des milieux offensifs. Même à Séville : Suso dribble mais ce n’est pas exactement un ailier. Il n’a pas cette foulée, cette vitesse d’un Marcus Thuram ou d’un Adama Traoré.
C’est ce qui fait qu’en Espagne on joue plus lentement, avec plus de passes, moins de déséquilibre, moins d’équipes fortes en contre-attaques et que du coup, on voit des matches un peu moins divertissants et dynamiques. Bien que Séville soit l’équipe qui ait bougé le ballon le plus vite, qu’elle ait du débordement avec Suso et Ocampos, très souvent elle dépend des montées de ses latéraux pour générer du déséquilibre. Et les latéraux qui montent tout le temps ne constituent plus tant une surprise car les équipes s’attendent à cela.
À quel point le Getafe de Bordalás peut-il être expliqué au-travers du plan tactique de son entraîneur ? Au final Jorge Molina et Ángel remportent beaucoup de duels…
Je pense que tout est l’œuvre de Bordalás. Molina avait montré être un bon joueur en D2. Ángel est une surprise totale. Bien entendu, avec l’âge ils ont plus d’expérience, ils sont plus malins, mais je crois que tout naît à partir du tableau noir de Bordalás. C’est l’un de ces projets où si tu ôtes une pièce et tu la mets dans une autre équipe, avec d’autres exigences, ça peut être un échec. Il y a quelques pièces qui, si par exemple l’Atlético les signait, pourraient avoir un bon rendement : Cucurella, Maksimovic, Arambarri, Djené. Mais le niveau général ne se comprend qu’à partir du personnage de Bordalás. C’est un film d’auteur. Au-delà des discrépances stylistiques ou des goûts de chacun, c’est impressionnant !
Une autre équipe qui a un auteur imposant, l’Atlético de Madrid. On a l’impression que Simeone ne sait pas très bien sur quoi il doit miser : un Atlético plus libre en camp adverse ou un Atlético plus sûr qui fait un peu appel à une ancienne version de lui-même. Êtes-vous d’accord ?
Oui, je crois aussi cela. Je dis toujours que l’Atlético a un déjà-vu tactique. Il débute toujours en voulant être plus offensif. Il a commencé la saison en projetant très haut ses latéraux, en ressortant au sol avec trois joueurs, avec deux attaquants et même avec João Félix ou Lemar comme second attaquant. Et peu à peu, on est en train de revoir cet Atlético plus sûr, plus conservateur et aussi plus compétitif. Je comprends parfaitement ce qui s’est passé avec cette équipe. En pré-saison beaucoup d’attentes se sont créées après qu’il a battu le Real. En plus, il signe João Félix qui est très bon et très beau à voir jouer. Mais au final, tu as perdu Lucas Hernández, un champion du monde, Rodri, le milieu espagnol au futur le plus brillant, Griezmann, minimum un top 10 mondial, Filipe Luis et Godín, qui étaient le Cholismo. Il fallait des pièces de rechange et souvent une saison n’est pas suffisante pour les acquérir.
Ça devait être une année de transition. Ce qui se passe, c’est qu’avec Simeone les années de transition te permettent toujours d’être dans la zone Ligue des Champions et créer des surprises comme contre Liverpool. Simeone a encore une fois eu beaucoup de doutes en début de saison mais la formule choliste de 2014 fonctionne encore six ans plus tard.

La Real Sociedad est-elle l’équipe la plus versatile de la Liga ?
C’est possible que ce soit l’une des plus versatiles. Surtout parce qu’elle domine très bien les quatre phases du jeu. On ne voit jamais une Real réellement mal à l’aise. C’est vrai qu’il y a eu des phases où défensivement elle a pu souffrir un peu plus, car Diego Llorente ne s’entendait pas bien avec Zubeldia et avec Le Normand parfois. Mais maintenant avec Elustondo et Le Normand, l’équipe a grandi. C’est une équipe très complète. Rien ne la met trop en difficulté. Aussi, de toute évidence, c’est une équipe qui déroule très bien son plan A. Une équipe bien faite, très bien structurée, très cohérente, avec toutes les pièces tendant vers une même idée tout en apportant chacune des touches différentes. C’est l’équipe qui a le mieux joué en fonction de ses possibilités en Liga et sûrement celle qui m’a le plus diverti.
Pour suivre Miguel Quintana : @migquintana et https://www.youtube.com/MiguelQuintanaAlarcon
Comment se situe le football espagnol par rapport à un football européen qui est en train de se déporter du côté des transitions ?
Il ne se situe pas, honnêtement. Le profil du joueur espagnol, bien que soient apparus récemment Ferran Torres à Valence ou Barrenetxea à la Real Sociedad, c’est un profil plus associatif, plus milieu de terrain, plus de toque, des attaquants qui jouent plus de dos que de face sinon. Physiquement pas aussi dominants que dans d’autres écoles comme en France, Angleterre, Belgique ou Allemagne. L’Espagne va avoir de la peine avec ça. Ce n’est pas seulement qu’elle a de moins bons joueurs et entraîneurs que par le passé, c’est aussi que le football est en train d’évoluer vers une pression plus haute, des micro-transitions – souvent ce ne sont même pas des contre-attaques – et le football espagnol peut avoir beaucoup de mal à s’adapter. On est en train de le voir au niveau de la Sélection et peu à peu on commence à le voir au niveau des clubs.
En ce sens, la fin des Cazorla, Iniesta, Isco a-t-elle sonné ? Ces joueurs sont très bons mais nécessitent un contexte tactique particulier car ils ne peuvent pas briller quand le rythme du match explose.
C’est clair. Le truc c’est que ce type de joueur et le football espagnol en général ont besoin d’avoir un contrôle maximal. Ils ont besoin que tout ce qui se passe dans le match soit pratiquement décidé par eux-mêmes. Durant ce cycle 2008-2012, ils y sont arrivés. Cet Euro 2012, les matches contre la France, contre le Portugal, c’était l’exemplification de cela. L’Espagne avait beaucoup le ballon, le rival faisait très peu de choses et l’Espagne frappait au moment opportun. Dès l’instant où tu ne contrôles plus autant, tes limites commencent à apparaître. Actuellement, dans ces moments d’absence de contrôle, on commence à jouer d’une façon qui ne lui convient pas. C’est un football qui doit s’adapter à cela. On verra ce qui se passe. Le football est cyclique.
Mais le footballeur espagnol continue-t-il d’avoir un avantage sur le footballeur des autres championnats, ou n’est-ce même plus le cas ?
Je pense que oui. Une intelligence pour voir le jeu qui ne se base pas uniquement sur le fait de prendre de bonnes décisions (où passer, où dribbler), mais également sur où se situer, comment s’orienter, quelles zones attaquer, quelles zones activer. C’est quelque chose qui se travaille beaucoup en Espagne et on accorde la priorité à des profils de joueurs qui maîtrisent cela. En fin de compte, Xavi et Iniesta ont plus marqué le football espagnol que Villa et Torres. Il y a des milieux espagnols très bons qui maîtrisent cela depuis le berceau. Par exemple Gonzalo Villar, un garçon qui était à Elche et que l’AS Roma a signé. Tu le vois jouer et il se positionne et s’oriente de meilleure manière que beaucoup de milieux de Premier League qui ont déjà trente ans.
Ici on travaille beaucoup cela et c’est un avantage. Le problème c’est que ce type de joueurs ne sont pas décisifs. Alors, sachant que tu ne peux lui infliger de dommages au tableau d’affichage, l’adversaire prend toujours plus de risques : il presse plus haut, t’incommodes, contre, ne se préoccupe pas de ses propres erreurs. Le joueur espagnol commet moins d’erreurs qu’aucun autre mais a plus de peine que d’autres à être décisif.
« Il faut ôter la peur de rater aux jeunes joueurs »
Alors cela peut être intéressant de développer des profils comme ceux de Saúl, un milieu qui se projette et peut marquer.
Totalement. Saúl, Fabian Ruiz. Tirer parti des avant-centres qui jouent sur le côté comme Gerard Moreno ou comme on l’a fait avec Rodrigo Moreno. Au final le football espagnol est en bonne santé. Tu regardes les catégories de jeunes et ils continuent à gagner des titres, ils avancent, mais le problème c’est qu’ils ont de la peine à franchir ce dernier palier. Cette génération qui devait suppléer la génération antérieure est bien présente – Isco, Morata, Koke, Saúl – mais elle a de la peine à franchir ce dernier cap. Miser sur des profils comme Saúl, Fabian, y compris des profils plus agressifs comme Ceballos peut faire du bien à l’Espagne.
En ces temps de transition, le football espagnol ne peut-il pas faire office de contre-modèle ?
Il peut l’être. C’est ce qui est beau avec le football. Quand un style commence à dominer, immédiatement il y a quelqu’un d’autre qui commence à travailler pour découvrir ses défauts, annuler ses forces et changer à nouveau les règles du jeu. Quand le Barça gagne en 2008/2009 ou quand l’Espagne gagne en 2008 – bien que ces deux équipes soient beaucoup plus dynamiques et agressives que ce qu’on veut bien se rappeler – commence à s’installer un football de position et de contrôle que l’on pensait mort. Avec le Chelsea de Mourinho ou le Manchester United de Ferguson, on tendait à un rythme élevé, à davantage de transitions, à des milieux plus forts et qui se projettent plus, et au final, voilà que le football espagnol apparaît. Du moment que ce football actuel de transitions commencera à s’éroder un peu, une nouvelle culture apparaîtra et s’imposera.
Au niveau tactique, le football espagnol a-t-il des choses à apprendre d’une ligue dominante comme la Premier League ?
Je pense qu’il faut regarder ce qui se passe dans le football de jeunes plutôt que ce qui se passe dans l’élite. Le football d’élite n’est souvent qu’une conséquence. Le football de jeunes en Espagne est en train de récompenser de bons joueurs mais des joueurs à qui il manque de la magie. On est en train de leur mettre un corset, on est en train de leur demander de ne pas rater au lieu de les pousser à oser réussir. Je vois et entends beaucoup de formateurs qui disent de plus en plus qu’il faut ôter la peur de rater aux jeunes joueurs. En Espagne on a peur. On dit qu’il ne faut pas dribbler à moins d’être très très sûr de son coup.
On est en train d’investir dans des profils de joueurs monochromatiques et il est en train de manquer cet élément de déséquilibre qui au final te permet de te battre avec les meilleurs. À partir du moment où Jesé et Deulofeu n’explosent pas, on se rend compte qu’il y a très peu de joueurs d’aile espagnols, autosuffisants et capables de faire mal à l’équipe adverse.
En revoyant les matches de l’Espagne à la Coupe du Monde 2010, c’est vrai qu’à chaque entrée en jeu de Navas ou Pedro, la face de l’équipe change.
Oui, et même Villa, un joueur qui comprenait le jeu de position, le jeu de contrôle mais qui dès le moment où il recevait le ballon regardait le but adverse et ensuite décidait. Souvent les joueurs espagnols ne regardent même pas le but adverse. C’est compliqué de toujours déséquilibrer par la passe. Dans le football il y a trois manières de déséquilibrer : par la passe, par la vitesse et par le dribble. L’Espagne n’a ni vitesse ni dribble et elle dépend tellement de la passe, et évidemment, ça finit par être un problème.
Entretien réalisé par Elias Baillif (Elias_B09)
Pour suivre Miguel Quintana : @migquintana et https://www.youtube.com/MiguelQuintanaAlarcon