Né à Bilbao de parents ghanéens, Iñaki Williams a grandi à Pampelune avant de rejoindre l’Athletic, plus grand club de l’Euskal Herria. Symbole d’une formation en phase avec son passé et son héritage. L’ailier de formation est un joueur fier, qui assume son statut et souhaite faire grandir son club. Portrait de la Pantera qui a préféré être une tête de poulet plutôt qu’une queue de taureau.
Iñaki Williams. Répétez lentement. Iñaki Williams. Rarement un blase ne pouvait aussi bien souligner les contours d’une personnalité. Les parents de « Pañaki » se sont rencontrés dans un camp de réfugiés avant de franchir la frontière espagnole à Melilla. Lui est à Bilbao et a grandi à Pampelune, dans la Navarre voisine. Ghanéen par sa famille, Espagnol par sa naissance et résolument Basque. Second joueur noir à porter le maillot des Leones après Jonas Ramalho, premier à avoir ses deux parents africains, l’ailier a gravi tous les échelons de la formation à Lezama en suivant le triptyque classique : Baskonia, Bilbao Athletic, Athletic Club. De flèche enflammant les côtés capable de se muer en buteur, Williams a étoffé sa palette en devenant un joueur de devoir qui sait se sacrifier quand son équipe en a besoin. Symbole d’un club qui doit lutter pour se maintenir au plus haut niveau, il est fier de faire partie d’une formation qui n’est jamais descendue en Segunda malgré une ligne conductrice très stricte, même si elle s’est assouplie par nécessité. Par son rôle sur le terrain mais aussi par sa couleur de peau, Iñaki Williams porte sur ses épaules les rêves des Zuri-Gorriak et les revendications de sa génération.
Une succession dure à assumer
Longtemps annoncé en Premier League, notamment de Manchester United, Iñaki Williams a préféré, en août 2019, prolonger son bail avec les Leones pour… 9 ans ! L’équivalent d’un CDI pour un footballeur. La signature de ce contrat est l’un des plus longs signés en Espagne juste celui de 10 ans paraphé dans un tout autre contexte par Denilson au Betis. Pour El Pais, Williams a expliqué pourquoi il avait fait ce choix :« Se sentir aimé par votre peuple est essentiel. Vous pouvez partir, gagner des titres ou plus d’argent, mais cela ne vous donne pas le bonheur. Ce contrat me donne l’occasion de venir à Lezama, de voir mes amis, de dîner avec eux. Quand je marche dans la rue, les gens m’arrêtent, me voient comme une référence et sont fiers que je porte le maillot de l’Athletic ». Il ajoute : « Dans ma tête, il n’y avait pas d’autre plan que d’être avec l’Athletic. Je suis arrivé ici quand j’étais enfant et je veux être une légende pour ce club ». Le sentiment d’appartenance dans ce qu’il a de plus noble. Iñaki Williams a compris qu’il valait mieux être roi chez lui que prince dans un effectif pléthorique. Et pour être digne du trône, il doit porter un secteur offensif qui doit apprendre à vivre sans Aritz Aduriz qui vit une dernière saison professionnelle discrète depuis sa chilena à San Mamés contre le Barça en août dernier.
Former des attaquants de haut niveau est certainement ce qui se fait de plus difficile, à Lezama comme ailleurs. Si les autres postes sont bien fournis, ce qui garantit à l’Athletic de disposer d’un effectif fiable et cohérent, la sauce pil pil n’est pas aussi relevée niveau attaquants de pointe. Raúl García a beau être un excellent joueur de tête et un élément clef du XI de Gaizka Garitano, il n’est pas un buteur accompli. Prometteur, Asier Villalibre tarde à confirmer. Williams apparaît donc comme le seul à pouvoir occuper sur la durée ce rôle de 9, d’autant que le retour de Fernando Llorente ne paraît plus d’actualité.

Sans rechigner ni se plaindre, « Pañaki » a assumé la charge, même si ce n’est le poste où il est le meilleur. Bien sûr, les scénarios des matches et certains choix tactiques le font retrouver sur un côté mais jamais il ne revendique quoi que ce soit et préfère profiter de la chance de jouer de manière régulière dans « son » club. A son arrivée chez les pros, Williams était moqué pour sa maladresse malgré d’excellentes statistiques en jeunes. Pour s’améliorer, il a collé aux basques (forcément !) d’Aduriz, le buteur qui vécu une deuxième jeunesse après ses 30 ans. Sans être devenu un killer, il est parvenu par séquence à faire s’imbriquer sa rapidité et son excellente conduite de balle à une bonne finition. Son but face à Séville en est le parfait exemple. Inaki Williams sait que pour le bien de son équipe, il doit se faire violence et fait tout pour devenir ce référent en pointe.
« Ce sont mes parents qui m’ont inculqué la valeur de l’effort, du travail, du sacrifice. Je dois tout à ma mère. Elle a toujours été là et m’a toujours soutenu. Son opinion est celle qui compte le plus pour moi. Je travaille pour voir ma famille ensemble car nous avons été séparés longtemps. En plus, ma mère est de l’Athletic et elle n’envisage pas que je parte »
Une force de caractère qui trouve sa source dans sa jeunesse. Dans les colonnes d’El País, il a décrit le milieu social dans lequel il a grandi : « Quand j’avais 12 ans, un jour je suis rentré chez moi et il n’y avait ni de nourriture ni la lumière car nous n’avions pas payé. Ce sont des choses qui vous marquent. Je rêvais de pouvoir faire avancer ma famille. Elle a déjà travaillé et sacrifié suffisamment pour nous nourrir tous les jours ». Son père a quitté le foyer pour gagner sa croûte à Londres, dans des entrepôts. Le jeune Iñaki dormait chez des religieuses en bas de chez lui quand sa mère allait faire des ménages pour ramener un peu d’argent. S’arracher sur le terrain pour s’arracher de sa condition, un grand classique dans le football.
Amour, gloire et golazos
40 réalisations en 180 matches disputés avec l’Athletic : le ratio d’Iñaki Williams est honorable sans être flamboyant. « Less is more ». « Pañaki » marque peu mais ses buts marquent. Son premier but en Liga, en mai 2015, il offre la victoire aux Leones sur la pelouse d’Elche au terme d’une rencontre folle après que les Ilicitanos ont mené 2-0. A 20 ans, il enfilait pour la première fois le costume de héros. Sa volée face à l’Espanyol en 2015-2016 lors de la victoire 2-1 de l’Athletic est un petit chef d’oeuvre.
Cette saison, il a marqué au Sadar pour mettre fin à l’invincibilité d’Osasuna à domicile. C’est lui qui élimine le Barça en 1/4 de finale de Copa avec un but en toute fin de match. Et puis, plus que ces grands moments, ce sont les plus de 140 apparitions consécutives en Liga qui ont fait parler. Un record qui en dit long sur l’importance du Basque mais aussi sur son hygiène de vie et son implication quotidienne.

En Espagne peut-être plus qu’ailleurs, l’environnement familial et amical est primordial. A l’Athletic, Williams est dans un cocon qui lui permet de jouer en confiance et mais aussi de garder la tête hors de l’eau quand les performances baissent. Aussi bien par philosophie que par nécessité, le club a fait de la patience une vertu cardinale de sa politique. Les joueurs ne peuvent pas être considérés comme des investissements financiers rentables et le capital humain est essentiel. Chez les Leones, on gagne et on perd ensemble car l’effectif ne peut pas être profondément bouleversé chaque été. Il faut composer, s’adapter et trouver des terrains d’entente pour avancer :« Lorsque vous êtes à Lezama, vous êtes avec les meilleurs joueurs du Pays Basque et cela vous rend meilleur. Je n’avais pas cette technique que le reste de mes coéquipiers avaient quand je suis venu. Je savais que je n’étais pas le meilleur mais j’ai essayé d’exploiter mes forces comme ma vitesse et j’ai marqué de nombreux buts ».
Basque par l’exemple
International espagnol, Iñaki Williams clame son amour pour l’Euskal Herria dès qu’il le peut et a déjà porté le maillot de la Selekzioa. Il n’hésite pas à s’impliquer localement auprès des jeunes en difficulté, des étrangers et des réfugiés qui ont du mal à trouver leur place dans une région aussi particulière que le Pays Basque. Lui tente de montrer que se sentir pleinement Basque représente beaucoup plus qu’un lieu de naissance ou une nationalité. Récemment, il a également dû monter en première ligne en matière de lutte contre le racisme après avoir été victime d’injures en lien avec sa couleur de peau sur le terrain de l’Espanyol. S’il n’a pas quitté le terrain, il a en revanche informé l’arbitre puis les médias de ce qui s’était passé à Cornellà. Depuis, il affirmé qu’il quitterait le terrain si cela se reproduirait, n’acceptant pas le statut quo que propose actuellement les instances nationales et internationales.
Buteur en 2015 lors de la dernière finale de Copa de l’Athletic perdue contre le Barça, « Pañaki » avait manqué la SuperCopa remportée l’été suivant en raison d’une petite blessure musculaire. Dans le dernier carré cette saison, les Leones ont gagné la première manche à San Mamés contre à Granada (1-0) et ont en point de mire la Real Sociedad, le rival, qui s’est qualifiée pour la finale en disposant de Mirandés. Qualifier les Zuri-Gorriak et remporter un trophée lors d’un Euskal Derbia, Iñaki Williams a signé pour ça. Une occasion unique dans une vie qui lui offrirait d’ores et déjà une place de choix au panthéon de l’Athletic.
Benjamin Chahine
@BenjaminB_13