Battu ce samedi après-midi sur la pelouse de Valence (2-0), le Barça laisse échapper des points primordiaux dans la course au titre. Si la patte Setién tarde logiquement à poser une empreinte plus impactante, l’enfer vécu à Mestalla est riche d’enseignements concernant les principaux chantiers tactiques qui attendent l’ex coach du Betis.
Tout n’allait pas fonctionner en quelques jours évidemment, et si certaines critiques prématurées fleurissent déjà à l’encontre de Quique Setién (qui ne semble visiblement pas mériter la même patience que son prédécesseur) ; il n’y a pas le feu en Catalogne pour autant. Rebâtir, reconstruire, ré éduquer sur deux ans et demi de déchéance identitaire ne peut et ne pourra se faire en quelques semaines. C’est un colossal travail de fond qu’initie la nouvelle direction technique. Peut être faut il même admettre que la saison ne sera pas forcément prolifique en termes de ligne de palmarès, ce n’est inéluctablement pas le plus important cette saison.
La mission de Setién est claire : Renouer avec le . style innégociable et l’indéfectible ADN qui portent le slogan « Mes que un club ». Pas facile après plusieurs saisons de disette pendant lesquelles les choix du board et le rythme de . sénateur symbolisé par les derniers bastions d’une époque épique, ont cannibalisé toute forme de remise en question. La défaite en terre valencienne, si elle n’a pas terni l’envie et la pugnacité reconstructrice de Quique Setién (74% de possession du ballon et une seconde mi-temps de bien meilleure facture dans le contenu) a malgré tout semblé vouloir pointer les principaux axes de travail du nouveau coach et les questionnements qui en découlent.
Une défense aux abois
La ligne défensive dirigée par Piqué a considérablement souffert à chaque déferlante adverse, faisant ressortir les lacunes de chacun de ses acteurs. Piqué, à l’aise lorsque le bloc joue bas souffre considérablement dès lors que l’équipe veut jouer haut. La vitesse n’a jamais été le point fort du taulier culé, et ce depuis toujours. Si celle-ci transpirait moins à la belle époque, c’est aussi parce que l’ensemble du collectif était réglé comme une horloge. Le pressing coordonné, la récupération quasi immédiate à la perte du ballon, la force collective contraignant les adversaires à jouer très bas sont autant de facteurs qui permettaient à Piqué de masquer plutôt aisément sa lacune principale…c’est
évidemment encore loin d’être le cas aujourd’hui.
À ses côtés, Umtiti peine considérablement à retrouver la plénitude de ses moyens physiques qui lui avait permis de réaliser une excellente première saison et nul doute que sa place semble menacée par un Lenglet curieusement laissé sur le banc. Quant à Sergi Roberto, ce n’était déjà qu’un latéral « pansement », il est noyé au cœur de cette défense balbutiante. Rarement bien placé, souvent battu dans l’impact, il n’a pas le registre nécessaire actuellement pour briller dans ce rôle dès lors que l’équipe est pressée. Un Todibo aurait pu sortir son épingle du jeu…il le fera en Allemagne.
Des pistons rouillés
Le système mis en place par Setién est exigeant et nécessite une mise en place d’automatismes rodés et une intelligence collective au-dessus de la moyenne. Dans la hiérarchie des rôles les plus fondateurs de la réussite de cette mise en place, les pistons latéraux jouent un rôle prépondérant. En ce sens, les performances d’Alba et Ansu Fati ne sont pas rassurantes. Si la jeune pépite mérite une indulgence prononcée de part sa jeunesse et son inexpérience à un poste qu’il n’avait jamais occupé (il a toujours été plus efficace sur la gauche dans un rôle plus offensif), on était en droit d’en attendre bien plus de Jordi Alba.
Plus libre offensivement que dans le système traditionnel, le latéral gauche déçoit inexorablement. Manquant de tranchant offensivement aussi bien pour prendre son couloir que pour combiner avec ses partenaires, il n’a pas non plus rassuré dans ses replis défensifs. En ce sens la comparaison avec le match de Gaya côté local, est difficilement assumable pour Alba qui va devoir se remettre en question rapidement au risque de voir Junior Firpo (qui s’était révélé dans ce rôle avec Setién au Betis) venir lui concurrencer sa place inaltérable de titulaire indiscuté sous Valverde. Le retour de Dembélé, que Setién imagine idéalement dans ce rôle de piston droit devrait redistribuer certaines cartes (Fati, Firpo et Alba pourraient éventuellement se disputer le poste côté gauche).
Une salle des machines en rodage
Le milieu formé par Busquets (encore l’un des plus incisifs ce samedi) De Jong et Arthur ; réclamé par tout un peuple, suscitait bien des espoirs. Sur le papier cette association paraît la plus à même de rendre au Barca son charme d’antan en salle des machines. Hier si la possession du ballon, encore stérile, a été à l’avantage des visiteurs, le manque de tranchant des relayeurs a sauté aux yeux. Arthur a besoin de retrouver le rythme, lui qui sort d’une longue blessure, et de travailler des automatismes avec De Jong qu’il n’a eu que trop rarement l’occasion de côtoyer jusqu’alors. Quant à la perle néerlandaise, baladée à tous les postes depuis son arrivée, le besoin de se stabiliser et de travailler les schémas tactiques inter et intra ligne avec ses partenaires du milieu est criant.

Face au manque de mouvement et de jambes, la présence d’Arturo Vidal est devenue essentielle. Bien plus apte à suivre les attaques dans la surface qu’Arthur ou De Jong, bien placé dans la surface Che, Vidal a montré qu’il était capable d’apporter l’énergie et la vivacité nécessaire à l’équipe. Ce trident a un potentiel indiscutable qui, une fois rôdé, devrait lui permettre d’assurer au collectif une main mise sur le jeu plus prononcée. Mais à l’instar du contexte barcelonais dans son ensemble, le temps semble le meilleur allié d’une compatibilité promise à ces indéniables talents.
Le poids de Suarez
À l’annonce de la longue blessure de l’Uruguayen, les plus optimistes voyaient d’un bon œil la libération d’un Griezmann enfin plus libre sur le front offensif. Plus libre, le français l’est. S’il se déplace souvent intelligemment, travaille beaucoup pour le collectif (libérations d’espace, appels, remises…), l’ex buteurs de l’Atletico Madrid manque considérablement de présence dans la surface adverse (aucun tir samedi), et semble toujours en recherche d’automatisme avec un Leo Messi qui, contrairement à une croyance populaire trop répandue, ne le boude pas mais peine à le trouver. Ce manque de présence dans la zone de vérité contraint d’ailleurs la Pulga à tenter régulièrement de faire seul la différence comme il le fait depuis 3 ans. Seulement voilà, Griezmann ne dribble plus personne depuis plusieurs saisons et ses prises d’espace dans la profondeur sont moins impactantes que sous Simeone dans un système tourné vers et pour lui.
Suarez n’a plus les mêmes jambes, sa condition physique précaire fait régulièrement débat, il n’est plus aussi brillant collectivement qu’à son prime…mais son instinct létal n’a pas bougé d’un iota et c’est un buteur racé comme il en existe peu dans le monde aujourd’hui. Son entente technique avec Messi manque à ce Barca. Ajoutons que dans ce système, aligner les 3 semble moins problématique quant à l’épanouissement de Griezmann, bien au contraire. Messi jouant comme électron libre à la construction, la présence de Suarez à elle seule ouvrirait indéniablement des espaces dans lequel le champion du monde français saurait intelligemment s’engouffrer sans être dans l’obligation de coller la ligne de touche comme ce fut le cas sous Valverde.

En ce sens le club chercherait un « neuf » capable de remplacer Suarez pour la deuxième partie de saison (Rodrigo est une possibilité, Lautaro semble relever du fantasme au regard de l’investissement). Nul doute que dans la philosophie de jeu prônée par Setién, celui-ci serait d’un apport fondamental (à condition de ne pas se tromper au niveau du casting donc). Il manque incontestablement quelqu’un sur le front offensif catalan aujourd’hui, ceci expliquant partiellement les difficultés à se procurer des occasions franches et le manque de réalisme dans la surface adverse.
Une équipe de Valence solide face à une direction catalane irresponsable
Si les deux directions sont souvent critiquées, celle du FC Barcelone est davantage pointée du doigt. En conservant un certain noyaux dur et donc une certaine solidité, Valence a maîtrisé l’ogre catalan. Des individualités au collectif, emporté par les talents de Maxi Gomez et Gaya, ainsi que par celui de Ferran Torres, le jeu a été très bien lu et su générer des supériorités clés. En cas de perte du Barça, les milieux de terrain valenciens se sont ouverts très rapidement sur les côtés. Alba trop loin et centré sur Sergi Roberto n’a ainsi pas pu se montrer assez solide face à un Gaya libéré et bien décidé à rendre la vie impossible aux Catalans. Casser les lignes, attirer, diviser, les hommes de Celades ont donné la leçon à la défense catalane bien trop limitée à l’image d’Umtiti. Si la défense catalane s’est retrouvée trop longtemps en sous vêtements, capable de jouer vers l’avant et de donner de l’ampleur au jeu culé, tout en défendant en toutes circonstances, aucun doute qu’un Carles Aleña, prêté au Bétis, brillant face à Valence la saison dernière aurait pu faire de nouveau des miracles dans une rencontre où les défauts ont été les mêmes que ceux du passé.
Tout est donc encore loin d’être parfait, et c’est tout à fait normal. Setién est devant une montagne de problématiques à résoudre, il le sait. Sa conférence de presse d’après-match était éloquente à ce sujet. Il a en l’espace de deux semaines modifier de nombreuses habitudes en termes d’exigences et de travail, il a une idée claire de ce qu’il souhaite mettre en place et devrait n’avoir aucun soucis à remettre en question ses principes autant que ses hommes. Les critiques elles, arriveront vite. On ne pardonnera rien à celui qui veut tout reconstruire. Le « pragmatisme » a tué une identité mais rempli les lignes de palmarès durant deux ans et demi. On a tout accepté et tout pardonné sous le joug de la facilité et de la sécurité, même les plus grandes humiliations….mais c’était déjà une autre époque.
Pierre Vairez et Soledad Arque-Vazquez