Liga / Barça 1 -0 Granada : Des prémices et des promesses

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Le Barca de Quique Setien faisait ses grands débuts ce dimanche soir au Camp Nou, dans le sillage d’une semaine agitée en coulisse, et avec l’espoir de voir le Barca renoué avec son ADN et sa philosophie. Au-delà du résultat pur, l’ancien coach d’un Betis enchanteur sous sa houlette, devait rebâtir sur les ruines d’une équipe Blaugrana à la recherche de sa gloire passée, celle qui l’avait fait marquer autant les mémoires que les lignes de palmarès. Au-delà de la courte victoire, c’est donc la manière qu’il fallait analyser. 

Il l’avait annoncé, son Barca jouerait bien, en cruyfiste convaincu amoureux du jeu, il ne négocierait jamais le style. Pour sa première dans le temple du Camp Nou, l’ancien de Las Palmas devait composer sans De Jong suspendu, Suarez blessé et avec un Arthur sur le retour. Résultat, la composition de départ ne laissait pas augurer d’un jeu chatoyant, Vidal et Rakitic composant la paire de relayeur. Comme si ce dernier n’était pas encore totalement parti, c’est une composition « valverdienne » qui se présente donc face à Grenade, confortablement installé à la dixième place de Liga.

Au regard du contexte, il faut évidemment relativiser la portée des enseignements à tirer de ce premier match, néanmoins certains aspects sont à souligner et à mettre sous le sceau de la conception de Setien.

Un système hybride

Traditionnellement annoncé en 4-3-3, le système mis en place par Setien s’est révélé être modulable, (notamment lorsque que l’équipe avait la possession du ballon) en 3-5-2. Sergi Roberto s’alignant avec Pique et Umtiti, Fati et Alba en piston sur les côtés.  Devant, Messi et Griezmann ont permuté sans cesse, Messi apparaissant même dans un rôle plus axial à la construction, lui conférant une liberté totale, Ansu Fati et Griezmann se chargeant du repli défensif à la perte du ballon. 

Le bloc a toujours cherché à se positionner haut sur le terrain, amorçant un pressing appuyé à la perte de balle. La triplette défensive, dirigé par Pique, se positionnant au niveau de la ligne médiane. L’objectif semblait limpide : Ne pas laisser Grenade respirer. Cette organisation a permis au Barca de garder le ballon comme plus vu depuis longtemps (82%), tout en étant jamais mis en danger hormis sur une frappe d’Eteki consécutive à une grossière perte de balle de Sergi Roberto, le poteau sauvant un Ter Stegen qui n’a rien eu à faire sur ce match.

Cette possession s’est longtemps révélée stérile. Les blaugranas peinant à amener le danger, si ce n’est sur quelques décalages mal conclus par un Ansu Fati volontaire mais un peu brouillon. Si Busquets a contrôlé intelligemment sa zone, la paire de relayeur chargée d’apporter la verticalité et les solutions dans la zone de création n’a pas été à la hauteur. Rakitic a livré une prestation totalement insipide dans l’utilisation du ballon ne tentant sur l’ensemble de la première période qu’une seule passe « offensive » (19’) et se contentant le reste du temps de sécuriser (et accessoirement de mettre ses coéquipiers dans des situations délicates). Quant à Vidal, il n’a évidemment pas le profil et les qualités nécessaires pour jouer ce rôle. Ce n’est pas une nouveauté…il n’est pas à créditer d’un si mauvais match pour autant. Son activité incessante, son volume de jeu, sa participation raisonnée mais nécessaire dans la projection offensive et sa magnifique talonnade pour Messi sont autant de faits à mettre à son crédit. Néanmoins l’ex Munichois pêche dans la créativité et l’utilisation du ballon. Ce ne sont évidemment pas ses qualités principales, mais ce sont celles recherchées par Quique Setien. Difficile d’envisager clairement Arthuro dans la hiérarchie des milieux lorsque l’effectif sera complet. Sera-t-il sacrifié sous l’autel de l’ADN ou le guerrier chilien réussira t’il à se faire une place ? En tout état de cause, sur le rendu global de sa partition, il a montré un état d’esprit exemplaire.

Photo by Icon Sport

L’éclaircie

L’entrée de Riqui Puig était attendue. Le jeune protégé de Pimienta n’a pas déçu, assainissant considérablement la qualité de jeu dans l’utilisation du ballon. Outre le rôle décisif qu’il joue sur le but de la délivrance, son utilisation du ballon toujours réfléchie et intelligente, ses déplacements constants visant à créer des espaces pour lui ou ses partenaires, sa complicité technique naissante avec Messi, Griezmann et Busquets, ont été l’éclaircie de la soirée catalane. Son pressing pour voler le cuir à Diaz sur l’action du but, ce décalage qui aurait pu être décisif pour Griezmann (84’) et sa volonté constante de créer et initier les offensives transpirent l’ADN Barca. Associer à Arthur les 10 dernières minutes, les Blaugranas ont fait le siège d’une équipe visiteuse certes réduite à 10 mais totalement dépassée par la facilité technique d’un milieu beaucoup plus à même de répondre aux exigences du style de Quique Setien. Ses détracteurs le trouvaient trop frêle ? Riqui Puig a démontré que c’était dans la tête que se situait sa plus grande qualité. Dans le sillage du retour d’Arthur et de De Jong, couvé par Busquets, il devrait gagner progressivement du temps de jeu dans une salle des machines qui parle le même langage.

Autre facteur marquant de ce renouveau : cette volonté farouche et intransigeante de ressortir proprement le ballon. Quitte à multiplier les échanges (1002 passes effectuées !). A aucun moment les trois centraux ne se sont débarrasser du ballon, cherchant toujours à en assurer la conservation. Bien aidé en cela par un Busquets taille patron, les Barcelonais semblaient avoir à cœur d’avoir cette main mise sur le jeu, tentant même de faire vivre celui-ci en une touche de balle par séquences rappelant parfois les plus belles heures. Combinaisons et jeu en triangles ont refait, certes avec parcimonie, leur apparition. C’est sur le mouvement et les déplacements que Setien semblent vouloir élaborer et structurer cette emprise sur le jeu. Les permutations constantes des attaquants ont offert des solutions et amener des variations et des décalages, parfois ternies par un manque de présence dans la surface adverse malheureusement.

Messi, le (soliste ?) sauveur 

Comment le génie argentin allait il absorber ce changement ? Lui qui a toujours apporté son soutien à Ernesto Valverde allait, comme à son habitude, centraliser l’ensemble des regards. Depuis deux ans et demi les victoires du Barca sont engendrées par son génie, depuis deux ans et demi, il est l’étincelle qui masque la médiocrité. Et pendant de longues minutes, ce dimanche soir, les supporters Culés ont sans doute attendu un exploit du sextuple ballon d’or pour sortir du bourbier tendu par des Grenadiers solides et solidaires. Et c’est de Messi qu’est une nouvelle fois venue le soulagement, à la différence près que cette fois, la Pulga s’est trouvée à la conclusion d’un magnifique mouvement collectif dont il fut l’un des initiateurs sans en être le seul et unique partisan. Puig, Busquets, Griezmann et Vidal l’accompagnant dans un mouvement collectif d’une insolente beauté.

Alors évidemment, Messi sauvera encore les siens mais dans la volonté de jeu imprimé par Setien, il devrait se sentir moins seul et ne pas sacraliser la quasi-totalité des responsabilités offensives. Libre sur le terrain, Leo a semblé à son aise dans un rôle d’électron libre sur le front offensif, cherchant à combiner avec ses partenaires, à prendre le jeu à son compte pour masquer les carences des relayeurs dans ce domaine. S’il n’a pas livré la meilleure de ses prestations ce soir, il a été très volontaire et impliqué, suffisant pour démontrer son approbation.

Le nouvel entraîneur n’a pas manqué son entrée. Il a gagné une semaine de tranquillité, a apporté sa touche et les esquisses d’une identité de jeu qu’il s’est promis de consolider. Tout n’a pas été parfait, loin s’en faut, ce Barca fut laborieux, fastidieux mais volontaire et appliqué. Il a offert quelques belles séquences parsemées de périodes d’impuissance. Il n’a pas toujours réussi mais il a toujours essayé. Il n’avait peut-être pas toutes les armes ce soir, mais nul doute que les cartes vont être rebattues. Les prochaines semaines nous en diront évidemment plus sur la capacité de ce groupe à imprimer ces nouvelles exigences. Pour Quique Setien, le temps presse déjà, le Barça se rend à Mestalla lors de la prochaine journée. Une chose paraît claire, ce rendez-vous, il l’abordera de la même manière et avec la même ambition…il nous l’a promis.

Pierre Vairez

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