Barça / Ivan Rakitic : parfait bouc émissaire ou véritable épine ?

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On pourrait aisément comparer sa situation à celle d’un homme politique. Critiqué par une partie de ses supporteurs voire même insulté Ivan Rakitic est aussi soutenu par une frange plus conservatrice des siens, notamment celle qui prend place tous les week-ends au Camp Nou. Pourquoi une telle différence de traitement pour le Croate? Analyse d’un joueur dont la communication et la présence sur le terrain réjouissent autant qu’elles agacent. 

« A Barcelone ils ont pris mon ballon, je me sens triste » (Universo Valdano). Cette déclaration d’Ivan Rakitic le 13 novembre dernier a connu un accueil mitigé. Comme tout ce que fait le Croate, de sa communication en passant par ses performances sur le terrain. Mais en s’exprimant de cette façon avec une émotion à peine dissimulée, n’a-t-il tout simplement pas envie de partager son mal-être sincère, lui qui était à ce moment-là privé de football depuis le début de saison? Probablement. L’émotion d’Ivan ne semble pas feinte. Il faut tout de même se souvenir qu’il y a à peine quelques mois le joueur était l’une des pièces centrales de son coach, Ernesto Valverde, qui semblait incapable de s’en passer. Devenir le paria après avoir été la vedette, n’importe qui en serait marqué. Quant bien même le statut de vedette n’était pas mérité, peu importe. L’égo lui est forcement touché par cette chute sur l’échelle sociale d’Ernesto.

Communication gagnante 

Ivan Rakitic tel un politicien a une communication extrêmement bien rodée bien que son efficacité semble limitée. Son image a tout juste été entachée par un passage à Seville tout sourire le lendemain de la remontada d’Anfield. Un couac vite oublié, le joueur n’étant pas le « coupable » de la diffusion de ces photos sur les réseaux sociaux. Mais bien que probablement sincère sa sortie de novembre, celle-ci a suscité autant de dégoût que de tristesse au sein l’auditoire catalan. Sans remettre en question ceux qui occupaient son poste à ce moment-là, de Jong ou Arthur, cette sortie manque quand même sincèrement de camaraderie, notamment pour celui qui est qualifié par ses fervents défenseurs de coéquipier parfait. Toujours prompt à s’arrêter pour signer des autographes et prendre des photos, le caractère du Croate plaît tout de même, et pas uniquement aux supporteurs.

« La meilleure version de Rakitic est meilleurE que la meilleure version d’Arthur » Marçal Llorente, La porteria 09/12/2019

La presse catalane aime Rakitic et Rakitic le lui rend bien en étant un client parfait : sympathique et disponible. Rarement tancé dans les médias, le Croate a une cote d’amour à peine croyable. Il n’est pas un joueur formé au club, il n’est pas Catalan, pourtant l’accueil dithyrambique qu’il reçoit au Camp Nou est égal à celui dont il bénéficie dans les colonnes des deux grands journaux régionaux. Acclamé depuis qu’il a récupéré une place de titulaire, ses prestations ne souffrent d’aucune contestation selon les observateurs du pays qui dans le même temps n’hésitent pas a égratigner Arthur Melo à grand renfort de fakes news, dont certaines extrêmement graves. Mais pour mettre en avant les prestations d’Ivan Rakitic rien de mieux que son bilan actuel. Il faut dire que son retour correspond en tout point à une très bonne période des Blaugrana.

Ivan Rakitic garant de l’équilibre?

Celui qui était donné partant pour le prochain mercato hivernal aurait complètement convaincu ses dirigeants de le conserver depuis son retour en grâce le 27 novembre dernier contre Dortmund. Avec lui les Catalans alignent un bilan de quatre victoires pour un match nul, celui de ce week-end contre la Real Sociedad. A-t-il réellement une responsabilité sur ce bilan presque parfait? « Rakitic a une polyvalence qui permet aux autres milieux de mieux s’exprimer. Busquets se permet des tâches offensives en sachant que Rakitic gardera l’équilibre défensif (cf. la passe de Busquets sur le deuxième but du Barça samedi après-midi) et de Jong peut se projeter offensivement avec plus de facilité sachant que Rakitic sera dans le coup » supporteur du Barça le créateur de la page twitter @BlaugranaFrance, nous exprime le sentiment global de ceux qui croient encore en Ivan Rakitic au Barça. Le mot qui revient sans cesse est d’ailleurs lâché : équilibre.

Crédits : Iconsport

Les chiffres

Quel équilibre apporterait le Croate dans cette équipe? Pour le savoir, se souvenir des prestations de l’équipe sans lui est essentiel. Pour les amoureux des statistiques avec un trio Arthur – Busquets – de Jong, le Barça n’a jamais connu autre chose que la victoire en championnat. Ce trio n’avait pas été choisi pour les matchs contre l’Athletic, Granada, Osasuna, Levante et la Real Sociedad, qui ont accouché d’un match nul ou d’une défaite. À noter tout de même que d’autres trios ont aussi connu la victoire. En Ligue des Champions ils ont vécu un match nul contre Dortmund lors du premier match de la poule. Ce bilan reste bien entendu purement comptable avec des faits secondaires à prendre en compte comme la tactique adverse ou bien encore la présence ou non de Leo Messi.

Mais sur le terrain? 

Après un match loué contre Dortmund en Ligue des Champions, Ivan Rakitic a enchaîné les titularisations contre l’Atleti, Mallorca, l’Inter Milan et la Real Sociedad. Sa présence correspond à la situation longtemps restée flou d’Arthur Melo, qui touché physiquement n’est plus capable de tenir sa place. Ivan Rakitic aurait selon certains démontré qu’il reste l’option la plus viable dans le Barça actuel. Mais quel est donc ce Barça? Une équipe partisane du moindre effort. Leo Messi voire aussi Luis Suarez ne se replacent que très rarement pour bloquer les premières relances adverses, laissant leur trois milieux être mis sous pression bien trop rapidement et dans des positions bancales. C’était un constante « avant Rakitic » cette saison, une équipe du Barça mise sous pression et dans l’incapacité de répondre à cause d’un pressing commencé bien trop tard car lancé au milieu. Le manque de coordination et d’implication défensive de plusieurs joueurs ont mis à mal les très bonnes intentions entrevues offensivement avec un duo Arthur-de Jong qui montrait déjà de jolis automatismes.

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Et c’est là qu’Ivan Rakitic entre en jeu. Souvent lent et auteur de passes plus handicapantes les unes que les autres pour des coéquipiers dos au but, le Croate ne convainc pas par son apport à la création. Souvent le corps vers l’arrière et en difficulté au moment de se retourner avec le ballon, l’ancien de Schalke brille surtout par les options qu’il offre parfois à ses attaquants avec ses courses vers l’avant. Mais quand on regarde les déplacements de Rakitic sur le terrain ils sont assez concentrés. Le Croate se mue parfois comme véritable ombre de Leo Messi.

Et c’est en ça que sa présence compte. Dans ce Barça globalement faignant et assez inquiétant physiquement, il est celui qui tient sa place et fait le travail de placement à la perte du ballon, ce que fait trop peu Léo Messi sur son côté. Cela permet à son équipe d’être moins vulnérable en coupant les attaques rapides adverses. Est-ce trop peu pour une place de titulaire dans un effectif si talentueux? Bien sûr. C’est même très insuffisant. Ne pas mettre le jeu avec le ballon à une place importante devrait être un crime au Barça. Mais la coach des Catalans s’appelle Ernesto Valverde, et remplacer Ivan Rakitic demanderait du temps, un effectif qui va dans le même sens, des cadres qui acceptent de souffrir sur la durée, globalement une force de caractère et de persuasion face à des légendes de ce club. Et si le coach a peut-être en mains les qualités pour le faire, la question de son aura face à de tels joueurs elle ne parait pas suffisante.

Sacrifier le changement et l’évolution par peur, sur l’autel d’un équilibre plus que précaire, c’est la décision qu’ont prise tous les acteurs de ce club. Car ne nous voilons pas la face cette solution a la viabilité qu’on veux bien lui accorder, elle permet de remporter des titres vous diront les uns, elle provoque des humiliations et l’ennui vous expliqueront d’autres.

Rakitic, fossoyeur de la jeunesse catalane? 

Arthur Melo blessé, Sergi Roberto de retour en latéral, Arturo Vidal en partance, après tout de quelle autre option Ernesto Valverde dispose-t-il au milieu? Carles Aleñá. Le canterano auteur d’une prestation remarquée contre l’Inter Milan et sur le départ au Betis ne semble pas avoir le temps de jeu que ses prestations semblent mériter. Blacklisté par son coach depuis le premier match de la saison contre l’Athletic où il est sorti à la mi-temps après une prestation moyenne mais loin d’être catastrophique, Aleñá a dû ronger son frein pour revoir un bout de carré vert. Et lorsqu’on est en compétition avec un canterano dans le cœur de certains supporteurs, la bataille peut aussi être rude. Et le nœud du problème est aussi peut-être là entre les « pro et anti » Rakitic.

Un supporteur qui suit les équipes inférieures du club va forcement créer un lien avec les jeunes qu’il voit depuis des années ; l’envie de les voir triompher est très forte. Une envie que les supporteurs qui ne suivent que la A développent beaucoup moins. D’ailleurs le sujet mériterait d’être traité en profondeur mais est-ce que ce ne sont pas deux types de supporteurs totalement différents, avec des ambitions et des souhaits contraires pour leur club? L’attachement que l’on peut porter à un joueur que l’on voit évoluer depuis des années, que l’on voit grandir toujours avec les couleurs blaugrana sur le dos et qui parvient enfin à triompher dans ce club est un sentiment merveilleux, presque maternel. Le sentiment qui accompagne le souhait de conserver un joueur sur la fin comme Ivan Rakitic, de lui donner multiples chances et autant d’amour peut être vue comme une trahison et une injustice, surtout lorsque le joueur en question, Carles Aleñá en l’occurrence, n’a que très peu déçu lorsqu’il a eu la chance de se montrer. Pourtant, depuis le souci physique d’Arthur Melo, c’est bien Rakitic qui a eu une nouvelle chance de briller. Une nouvelle chance pour lui de se montrer convaincant dès ce soir lors du Clasico. Un match où le Croate aime souvent s’afficher sous son meilleur jour.

Bouc émissaire ou véritable épine dans le jeu catalan, Ivan Rakitic est au centre d’un affrontement final dont il n’est fatalement qu’une pièce des plus secondaires. Ni responsable numéro un d’une situation collective floue qui a conduit le Barca à deux humiliations européennes d’ampleur, ni victime. Ivan est à ranger dans la catégorie des témoins silencieux. Il sait quel est son rôle dans cette équipe et le remplit comme on lui le demande. Il n’est pas celui à blâmer si dans l’état du Barça actuel sa présence n’a pas été littéralement écartée. Par contre, il est responsable de sa communication et de ses larmes que certains qualifieront de crocodile, destinées à attendrir une foule déjà sous son charme. Et en cela, on serait tenté de dire que lorsque l’on est un joueur décrié mais aussi tellement aimé, la manipulation ne sert plus à rien. Les clans sont faits, mais le coupable numéro un malheureusement pas encore identifié par tous.

Tracy RODRIGO (@tracy_rdg)

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