Quel supporteur n’en a jamais rêvé ? Critiqué voire conspué, l’entraîneur est la cible de toutes les attaques. Mais que lui dirions-nous si nous était donnée l’occasion de s’asseoir et d’échanger avec cette personne qui semble personnifier tous les maux de notre club ? Dans le cas du Barça actuel, l’entraîneur n’est pas le seul sur le banc des accusés. Josep Bartomeu, président et soutien indéfectible d’Ernesto Valverde est lui aussi tancé, bien qu’ayant toujours, selon le dernier sondage sorti, l’appui des socios au contraire de son co-accusé. Et les joueurs dans tout ça ? Mais que se passe-t-il dans les coulisses du Barça ?
Selon la Cadena SER, la situation est claire, toute confiance est donnée à Ernesto Valverde pour cette saison quoi qu’il arrive sur le terrain. Un soutien indéfectible qui peut parfois être perçu comme un acte de communication destiné à écarter toutes les ondes négatives d’un début de saison qui a parfois frôlé la crise. Mais au Barça difficile de ne pas y voir le prolongement de la pensée et de la politique du club. Deux humiliations consécutives en Europe n’ont pas permis d’écarter le coach en place et c’est bien là la première question qu’un supporteur poserait au président. Pourquoi un tel dévouement ? La confiance dont jouit Ernesto Valverde de la part de sa direction pose question, elle intrigue même fortement. Une situation qui touche presque les limites de l’inexplicable. Si bien qu’elle semble tout droit transporter ce club dans un univers parallèle, celui de la fiction.
Un soutien indéfectible
Si Ernesto Valverde et Josep Bartomeu étaient les héros d’une télénovela, on pourrait aisément envisager que le premier fait chanter le second dans une intrigue aussi trépignante que fantaisiste. Mais soyons honnête, si le monde du football nous semble parfois parachuter dans les meilleurs soaps de notre époque, cette théorie ne trouverait sa place que dans un épisode de « Femmes de footballeurs ». Josep Bartomeu a des raisons biens moins farfelues de donner toute sa confiance à cet homme et l’une d’entre-elles concerne principalement le troisième côté de cette alliance qui fait enrager une partie des supporteurs : les joueurs.

Alors que le Barça vient de sortir « Matchday » son documentaire sous la forme de plusieurs épisodes destiné à montrer l’envers du décors au sein du club catalan, la question de l’inexplicable et de la fiction refait surface. Ces quelques épisodes sont bien la conséquence d’une communication de plus en plus destinée à faire du Barça une machine à billets verts, une sorte de parc d’attraction pour touristes (c’est déjà le cas nous diraient certains). Et le terrain dans tout ça ? Il est bien secondaire, sinon gage qu’un entraîneur n’aurait pu survivre à d’aussi grosses humiliations, surtout quand dans le même temps le rival historique aligne trois Ligues des Champions consécutives.
Missions et envies différentes mais pas incompatibles
Si on refait un voyage dans un notre univers de fiction on comprendrait donc assez facilement que Josep maintient sa confiance à Ernesto bien que celui-ci n’ait pas les résultats adéquats et malgré les doutes des actionnaires. Pourquoi ? Parce qu’Ernesto fait très bien le job principal que lui demande Josep. Mais quel est donc la mission principale ? Mettre en valeur le joueur star de l’équipe sans faire aucune vague, pendant que celui-ci peut aisément continuer son business parallèle : préparer son départ de l’entreprise. Dans une petite musique de suspens et un gros plan sur le président ingénieux, l’intrigue prendrait alors une autre tournure.
Mais Josep Bartomeu est-il le seul à faire passer son intérêt personnel avant celui du club qu’il est censé gouverner ? Parlons de celui qui est le premier nommé pour occuper ce poste dans quelques années, Gerard Piqué. Occupé à gérer ses affaires personnelles, les questions se posent sur l’implication du Catalan à son poste principal : défenseur central du Barça. D’ailleurs Oriol Querol, directeur de « Matchday » l’a déclaré à Mundo Deportivo : « Sans Piqué tout ça n’aurait pas été possible« .
Au fil du développement de l’épisode tout devient plus clair. Le Barça est un club sous la coupe d’un trio dont les besoins divergent mais peuvent très bien cohabiter. Le but n’est pas de dire ici que personne n’ambitionne de gagner des trophées du coté du Camp Nou. Vous connaissez l’adage : on ne devient pas footballeur ou entraîneur professionnel sans un minimum d’ambition ou de compétence. Mais est-ce que dans un vestiaire composé de cadres qui ont tout gagné, cette ambition te submerge au point de te dépasser ou est-ce que tu te complais inconsciemment dans ce que tu as déjà fait ?
Le bonheur sans gagner ?
C’est un sujet assez tabou et que peu évoquent mais l’humain reste un facteur essentiel dans l’analyse d’une situation dans un club. De l’extérieur il est compliqué d’émettre un jugement mais est-il si irréaliste de penser que ce vestiaire est un groupe d’amis qui aime leur vie de footballeur comme elle est sans avoir envie de la changer et de s’atteler à un nouveau défi avec un nouvel entraîneur qui perturberait sûrement l’ordre établi et exigerait sans doute plus. Même sans aller jusqu’à parler de jeux de pouvoirs ou de manigances est-ce que les cadres du Barça ne sont pas en train de vivre leur meilleure vie, où une petite humiliation dans l’année n’a finalement que très peu d’importance dans l’absolu?

C’est aussi la nature humaine, actuellement le Barça a sous sa coupe l’Espagne du football. Une domination éclatante dans les résultats moins dans le jeu qui confère à cet effectif une place importante sur l’échiquier du football européen. Il est alors difficile pour ce groupe de porter l’étendard d’une révolution qui pourrait pourtant être salutaire pour le club. Actuellement, les joueurs du Barça ont un éco-système fiable, stable et qui offre la sécurité à tout ce beau monde avec des places fixes. La hiérarchie convient à l’ensemble et les résultats suivent en partie. Personne ou presque ne veut se mettre en danger et surtout la situation ne nécessite pas un changement radical. Même les humiliations en Coupe d’Europe sont expliquées de façon mystique. Le jeu, l’entraîneur et l’approche n’entrent pas en la ligne de compte.
Dans cette optique difficile d’imaginer un président aller contre son entraîneur et encore plus difficile d’imaginer l’entraîneur aller contre son équipe puisque c’est justement grâce à elle qu’il jouit encore d’une confiance extrême. C’est une relation presque fusionnelle qu’entretiennent les trois axes principaux de ce club, où chacun peut compter sur l’autre dans son entreprise tout en ne perdant pas de vue ses propres envies. Une belle histoire d’amour en somme. Le fait est qu’au delà des manques de cadres tactiques et collectifs sur le terrain, l’expression du corps est bien différente depuis quelques années. Les têtes baissées, les pleures à la mi-temps d’un match, ce manque de révolte ne peut être que la conséquence d’un état collectif. Ernesto Valverde lui, ne semble jamais transmettre ce caractère à ses joueurs. L’état est général mais accepté de tous. Le contrat est là entre toutes les parties.
Et les seconds rôles?
Pourtant en dehors de ce trio infernal, composé des personnages principaux du soap « Barça » il y a aussi d’autres acteurs secondaires qui a leur niveau peuvent perturber le triangle amoureux : la presse et les supporteurs. Malheureusement le premier cité n’est que trop peu libre de ses mouvements pour avoir un quelconque pouvoir. Dans n’importe quelle intrigue de telenovela qui se respecte il y a ce personnage, on pense qu’il va faire éclater la vérité devant la foule qui n’attend que le prochain scandale, mais finalement on apprend dans un nouveau rebondissement qu’il est lui aussi sous la coupe du grand méchant. La presse c’est l’arme qui permet même parfois aux membre du trio de régler leur problème. En public certes mais dans un effet qui fait souvent pshit. Une histoire d’amour ne se termine pas aussi facilement, un nettoyage de linges sales en public ne suffit pas.
Et les supporteurs dans tout ça ? Là encore nous sommes proches des standards de la manipulation à la télévision, petits cadeaux et divisions sont les bases pour mettre un terme à la contestation. Les supporteurs qui se plaignent sur les réseaux sociaux ? Foutaise, ce sont juste des « bots », comprenez par là qu’il n’existe pas de supporteurs insatisfaits mais juste un groupe de radicaux qui cherchent à nuire au club par la technologie. On a beau essayer de sortir de notre parallèle avec les telenovela on peut dire que ce club nous y ramène sans cesse.
C’est l’impression globale qui ressort de ce Barça au moment d’aller affronter l’Atleti, l’impression que les acteurs de ce club se sont astreints à répéter un mauvais scénario, cherchant à mettre uniquement leur bien-être en avant, oubliant que la série dans laquelle ils jouent est bien plus puissante qu’eux. Mais après tout pas de panique, le héros est toujours là pour venir sauver la situation à la fin. Inlassablement il affronte les scénarios les plus périlleux et comme par magie il parvient avec ses armes à délivrer les siens. Malheureusement dans la réalité le héros est un membre du trio infernal et semble lui aussi avoir du mal à se situer dans cette intrigue. Pas de bon augure pour la fin de la série sauf éléments perturbateurs majeurs.
Tracy RODRIGO
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