Sur le vieux continent, la politique historique de l’Athletic et le romantisme autour de la Real Sociedad sont connus de beaucoup. Le Pays Basque est une terre particulière, peuplée de gens souvent ronchons, un peu rustre mais qui vouent une admiration sans faille pour le ballon rond. À côté de ces deux grands noms, un autre se fait de nouveau remarquer en Liga : le CA Osasuna. Les Rojillas représentent fièrement la Navarre, une région inclut dans l’Euskal Herria. Présentation d’un autre bastion qui va défier l’Athletic.
Pampelune est surtout connu pour ses fêtes très alcoolisées. Ville prisée l’été par de nombreux vacanciers, elle dispose aussi d’un club qui approche de son centenaire. Fusion de deux formations qui ont été au tout début du football espagnol, le CA Osasuna n’a pas l’aura de ses voisins basques mais reste un club particulier et surtout le parfait représentant de la Navarre. Cette région, différente car au nord de l’Espagne, ouvrière est tiraillée entre son appartenance au Pays Basque et sa propre identité, le Navarrisme. Au Sadar, l’antre des rouges, le temps s’arrête, l’ambiance est folle et le mur rouge rend ce club magnifique. Présentation d’un club qui veut rester lié à sa terre.
Un club attaché à sa terre
La Navarre et Osasuna sont entremêlés depuis toujours, comme le Barça avec la Catalogne et l’Athletic avec le Pays Basque. Les Gorritxoak sont suivis et adorés par toute une ville et une région alors que le club n’a jamais connu le succès sur la durée. Hormis deux passages de 14 ans en Liga, le club fait souvent l’ascenseur et a connu la D3. Pourtant, ce club qui appartient à ses socios continue de faire le plein dans un Sadar qui est la maison d’Osasuna depuis plus de 50 ans. Cette Aficion d’une qualité rare en Espagne mais commune dans la région rend ce club important.
Ces socios, sont à 80% de la région. Ils se sont fait connaitre récemment pour avoir refuser que le club achète le stade et le centre d’entrainement mais aussi pour avoir jugé Javier Tebas, personne non grata dans le club. Comme les membres de l’Athletic, à Pampelune, les Navarrais sont attachés à certaines traditions. Le football est une institution qu’il ne faut pas bafouer. Entre 2017-2018, le club noue un partenariat avec Kirolbet, une maison de paris sportifs. Une chose commune en Espagne qui permet d’augmenter de 38% les revenus de sponsoring. Pourtant peu de temps après son officialisation, les Socios votent l’arrêt de ce contrat, au vu des dangers de ce type d’institution fait peser sur le sport et les personnes les plus faibles. Le sponsor est encore là mais il est très souvent décrié.

Ce lien particulier, qui unie Osasuna et sa terre est fort parce que le club a su s’implanter partout dans la région. À l’image de l’Athletic qui a des partenariats avec de nombreux petits clubs pour un soutien financier mais aussi ne pas voir un jeune passer entre les filets du club. Pour les Leones c’est une question vitale parce que le club ne peut recruter que des Basques, pour l’Osasuna, c’est un souhait pour que le club ressemble toujours à son environnement local. Le club est assis sur un terreau très fertile pour le football. Aucune autonomie n’a fourni autant de joueurs à la LaLiga et Ignacio Zoco est un parfait porte-étendard de cette région particulière. Felix Vergara, le responsable de la gestion des talents du club explique le fonction du club en terme de formation :
« Nous avons créé une structure dans toute la Navarre avec sept personnes en charge de la zone à laquelle sont liés certains bureaux de la technologie. Avec le eux, nous travaillons chaque semaine avec les garçons les plus talentueux des clubs agréés. Et une fois par mois, nous les emmenons à Tajonar pour nous entraîner. Nous voulons qu’ils s’identifient à Osasuna. L’objectif est de professionnaliser au maximum ce processus. »
Actuellement, 7 joueurs de l’effectif sont nés en Navarre avec en tête de liste Roberto Torres, qui a qu’un rêve : porter essentiellement le maillot de l’Osasuna lors de sa carrière de joueur. Loin du dernier passage du club en Liga qui a été un cataclisme et où les joueurs du cru étaient que trop peu représentés dans l’effectif et sur le terrain. Jagoba Arrasate, l’entraineur du club qui est en train d’écrire l’histoire du club mais qui n’est pas Navarrais et a totalement intériorisé ce besoin du club de ressembler à sa terre. Il s’explique :
« Osasuna est un club de cantera, c’est son histoire intérieure: les joueurs de Tajonar d’abord, puis ceux de l’extérieur qui peuvent faire la différence . Si vous analysez les meilleurs joueurs navarrais, Azpilicueta, Monreal, Raúl García, Javi Martínez … ils sont différents, mais ils ont tous quelque chose en commun: ils sont très compétitifs, ce sont de vrais joueurs, des joueurs d’équipe. »
Ce choix permet à Osasuna de performer malgré des moyens limités et de s’appuyer sur une cantera qui marche. Investir sur la jeunesse, quand c’est un projet global qui vise à ancrer un club dans sa région, avoir une oeuvre sociale tout en renforçant le club sur la durée coûte moins cher que d’investir lourdement sur le mercato et cela génère moins de risque pour la pérennité du club. Lors de la saison 80-81, quand le club a retrouvé la Liga, sur 23 joueurs du club, 17 étaient issus de la communauté. C’est pour cela que le club a augmenté de 25% son budget formation cette saison. Enrique Martín, qui en tant qu’entraîneur a sauvé deux fois Osasuna de sa disparition, ne laissait aucune place au doute dans une interview accordée à EL PAÍS. « Il y a un sentiment d’appartenance ici, beaucoup d’identification. ».
El Sadar, l’autre force parfaitement utilisée par Osasuna
Promu cet été en Liga avec une domination sans partage à domicile, Osasuna reste pourtant une petite formation en terme de finance. Seules trois équipes ont un plus petit budget que les Navarrais. Pourtant des joueurs connus et courtisés ont rejoint la formation, notamment Chimy Avila ou Facundo Roncaglia. Le premier, ancien de Huesca avait de nombreuses propositions mais Osasuna avait une carte qui a fait penché la balance : El Sadar.

En plus de parler contrat et indemnités, Osasuna a aussi glissé une vidéo dans les négociations avec ces pistes estivales. Sur ses bandes, pas la compilation des plus jolis buts du club en Segunda, non non, mais des images des tribunes. El Sadar, l’antre qui permet aux Navarrais de rugir est une des plus belles ambiances d’Espagne. Actuellement en rénovation, le club va se doter d’un mur rouge inspiré du stade de Dortmund avec une pente à 40°. Cette saison, les places disponibles à la vente sont moindres avec les travaux, les abonnements étaient alors ouvert simplement pour ceux déjà là en Segunda. Presque 100% des abonnés ont repris une carte. Preuve de la qualité de l’Aficion navaraise et Braulio le DS d’Osasuna en parle parfaitement.
« Nos fans sont notre plus grand atout. Nous n’avons pas beaucoup d’argent ou le talent des autres équipes, mais nous les avons. Vous devez faire en sorte que les joueurs voient que c’est un endroit spécial « . Il poursuit. « Nous voulions qu’ils sachent où ils vont venir. Ici, à Pampelune, les joueurs sont Dieu. Nous avons envoyé des vidéos des fans, comment ils sont au-dessus de tout le monde, comment ils réagissent, comment ils célèbrent. Et ils les ont vraiment aimés. »
Chimy Avila était né pour jouer à l’Osasuna selon le DS du club. El Sadar est le genre de stade qui donne de l’intérêt à un club. Quand on est un joueur, c’est le genre d’endroit où on veut avoir ses habitudes et pourquoi pas … Avoir un chant à sa gloire. L’Argentin a très vite accepté, comme d’autre avant lui notamment Ruben Garcia. Porter le maillot rouge, jouer dans un El Sadar qui rugit constamment et qui te porte tout en étant sous les ordres d’un Jagoba Arrasate qui est comparé à Klopp dans le jeu par certains, c’est aussi déterminant qu’un chèque sympa.
Invaincu depuis plus 30 matchs à domicile, Osasuna s’est notamment offert Valence tout en tenant en échec le Barça. Équipe passionnante à suivre qui ne ferme pas le jeu, qui se bat sur chaque ballon et surtout qui est capable de marquer à tout moment, l’Osasuna se remet à rêver. Les Navarrais représentent parfaitement leur région et vont affronter le club phare du Pays Basque dans un Sadar qui demande encore à s’enthousiasmer pour un tacle de Chimy Avila autant que pour un but. Si Osasuna continue de surprendre, le Navarisme et son antre y seront pour beaucoup.
Benjamin Chahine
@BenjaminB_13