Du Barça à New York et Kobe : L’autre vie de David Villa

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L’histoire de David Villa est connue en Espagne mais aussi dans le monde. Sans être incollable sur les moindres détails de la vie du meilleur buteur de la sélection espagnole, l’Asturien aura marqué une époque par son style, sa mentalité et sa capacité à se renouveler. A son départ d’Espagne en 2014, beaucoup le pensaient déjà en pré-retraite, acceptant une dernière pige nord-américaine pour faire du bien au compte en banque. Sauf que non, c’était sans connaitre le professionnalisme d’un attaquant qui a toujours été connecté au réel malgré un palmarès conséquent. Retour sur la deuxième vie du natif de Langreo et sur sa reconversion entre Australie, MLS et Japon. 

L’heure est grave et solennelle. Comme de nombreux membres de la Roja championne d’Europe en 2008, David Villa a annoncé sa retraite au terme de la saison de football japonaise il y quelques jours. Une conférence de presse simple, à l’image du bonhomme mais une pluie d’hommage, preuve de l’importance d’un buteur qui a compté dans l’histoire récente du football espagnol. Pourtant, il est moins emblématique qu’un Raul et moins iconique qu’El Nino Torres, mais El Guaje David Villa aura laissé une empreinte indélébile dans le coeur de beaucoup d’amateurs de football. Sa première vie a été riche, entre son éclosion à Gijon, comme son idole Quini, puis ses passages plutôt réussis à Zaragosse et Valence avant l’arrivé au Barça. David Villa aura réussi à être un buteur incroyable avant de devenir un superbe joueur sous Pep Guardiola pour finir par être un joueur tout aussi décisif sous Diego Simeone lors de sa dernière année en Espagne. Lorsqu’il quitte la Péninsule en 2014 pour signer dans une franchise de MLS qui n’existe pas encore, les questions sont nombreuses.

Un coup de pub qui va changer l’image du NYCFC dans le soccer 

A la fin de la saison 13/14 qui a vu l’Atleti soulever la Liga et David Villa accrocher un deuxième titre de champion de suite avec un nouveau maillot, l’Asturien annonce son départ d’Espagne. Surtout que la Roja ne passe pas les poules du mondial le même été. Le génial buteur a 32 ans, enchaîne les petits pépins physiques et a envie de voir du pays. Très vite après sa première annonce, le NYCFC officialise sa signature. La franchise, priorité du City Group n’a pas encore d’effectif, d’académie, ni de stade mais elle vient d’acquérir les droits d’un joueur qui va marquer la courte histoire de cette formation dans une ville peu propice au développement du football local.

Peu après cette signature, David Villa est autorisé à s’entraîner avec le Melbourne City, pour garder la forme avant le début de la saison de MLS et surtout pour mettre un coup de projecteur sur un autre projet du City Group. Le Melbourne Heart vient d’être acheter par le groupe tentaculaire et avoir l’espagnol quelque temps dans son effectif permet de susciter un attrait important autour du club. Comme le confirme Antoine, spécialiste du championnat australien pour Lucarne Opposée : « Il est arrivé pour l’inauguration du rachat du Melbourne Heart par le City FG. C’était plus un coup de pub pour le club ». L’ancien du Barça ne va jouer que 4 matchs officiels avec le maillot bleu de Melbourne, le temps de marquer 2 buts sans pour autant connaitre la victoire. Son passage éclair permet de faire venir énormément de gens aux matchs de l’équipe comme nous le confirme Antoine.

« Au stade, la fréquentation avait doublé lors des deux matchs qu’il a disputé à domicile »

De retour à New York, Villa va entamer sa plus longue période dans un club depuis son départ de Barcelone, qui sera riche sportivement et extra-sportivement. Dans une franchise qui doit se construire, David Villa va incarner quelque chose de positif et son passage a été très important pour son développement. Antoine Latran, rédacteur en chef de l’excellent Culture Soccer, média spécialiste du football Nord-Américain l’explique bien.  » C’est véritablement l’icone du club, il a signé un mois après le lancement du projet et en a été une pièce centrale. Il est arrivé avant les fans, l’académie, le stade, c’est la première pierre du NYCFC et il a eu un impact vraiment positif sur la franchise. » Il sera par exemple, le premier buteur et aussi le premier capitaine du NYCFC en match officiel.

Crédits : Iconsport

David Villa en MLS c’est aussi le dernier représentant des joueurs européens qui signent dans la Ligue avec un statut de joueur désigné ce qui leur offre des salaires souvent démesurés. Cette disposition avait été lancée pour permettre l’arrivée de Beckham au Galaxy malgré la politique très stricte et assez complexe du championnat en terme de salaire. A l’heure actuelle, même si il existe encore les cas Rooney ou Ibrahimovic, ces places limitées dans les franchises sont offertes à des joueurs sud-américains bien plus jeunes pour coller à la politique d’Atlanta United par exemple. Au NYCFC, Villa va très vite être rejoint par Andrea Pirlo et Frank Lampard. Ces signatures permettent d’accélérer le développement de la franchise mais l’Espagnol sera le seul à avoir un apport notable sportivement.

David Villa, l’homme qui va offrir au NYCFC une identité : de la marque à une franchise cohérente et connectée à sa ville 

Le système des franchises en MLS est particulier, les expansions ne permettent pas de faire monter des clubs de D2 en MLS mais offre la possibilité à des consortiums de monter des équipes de toutes pièces. Souvent, ces nouvelles franchises sont très bien reçues et très vite, tout un réseau de fans se forme, d’abord sur internet puis en tribune. Une situation qui peut surprendre le fan de football européen mais qui est intégrée dans les logiques du sport professionnel Etatsuniens. L’arrivée du NYCFC chamboule le paysage footballistique du pays. L’équipe qui est une marque appartenant à un empire mondialisé arrive dans une ville où le soccer a du mal à s’établir de manière durable. Le New York Red Bulls, club d’excellent niveau en MLS et ancienne formation de Thierry Henry notamment, est basée dans le New Jersey ce qui l’éloigne sacrément du cœur de la grosse pomme.

Le choix du NYCFC est tout autre, la franchise veut s’implanter durement dans la ville, avoir son stade et la majorité de ses structures dans New York. Une situation inédite, la ville ne disposant d’aucun club à proprement parler en division 1 ou 2 et l’ombre du New York Cosmos plane toujours sans pour autant réussir à tenir sur la durée. La franchise joue depuis sa création dans le Yankee Stadium, un endroit inadapté mais qui permet d’être dans le grosse pomme. Le lieu pour la création de l’antre des Pigeons n’a toujours pas été trouvé. Une situation particulière qui va être résolue presque essentiellement par la présence de David Villa dans l’effectif du club. Comme l’explique Antoine Latran de Culture Soccer :

« David Villa est celui qui a fait oublié où jouait le club, la raison qui faisait venir les fans au stade. Il a été le visage du club. »

Sur le terrain, le rendement de David Villa va impressionner. Pour beaucoup, il était venu ici en pré-retraite, à l’image d’un Andrea Pirlo plus du tout concerné par le terrain ou d’un Lampard qui a accumulé les problèmes physiques. Le buteur va tordre le cou à cette image très rapidement pour être durant ses quatre saisons dans la franchise, le meilleur buteur du club avec à chaque fois 15 buts ou plus à son actif. Un niveau qui va même lui permettre de retrouver la Roja le temps d’un rassemblement. Le NYCFC, hormis une saison inaugurale compliquée, va se qualifier à chaque fois pour les play-offs. Antoine de Culture Soccer revient à nouveau sur le niveau incroyable de l’Asturien en MLS : « David Villa est une énorme réussite. Il va peser sur toutes les défenses, avoir des déplacements magnifiques mais surtout, il va se donner à fond à chaque minute. MVP en 2016, il sera all-star chaque année. Son apport sportif a été remarqué et remarquable pour le NYCFC. »

Son apport ne se cantonne pas qu’au terrain, David Villa va avoir un vrai rôle structurant dans la franchise puisqu’il va incarner d’un côté le désir international mais aussi son attachement à New York. Antoine Latran l’explique : « David Villa est celui qui a vraiment inculqué une âme et une identité au club, notamment dans les derbys. Il a apporté quelque chose qui dépasse le cadre du sportif, en étant ultra professionnel et en véhiculant une excellente image auprès des fans et sur le terrain. Villa a permis de palier beaucoup de manque autour de la franchise dés le début, et a été plus qu’une simple star, en étant une icône du NYCFC. Il a vraiment été éblouissant ici, et son passage a marqué le club mais aussi la Ligue. » Son premier Hat Trick en MLS, il marque dans un derby face au NY Red Bulls pour une victoire 3-2 des blues. Il s’investi dans le football local, se montre et dépasse vraiment le cadre du simple joueur. Il a fait grandir la marque NYCFC et lui a donné une implantation locale vraiment forte. David Villa ne s’est pas contenté de faire parler du club, il a été durant son passage ici, son image partout dans la ville et dans le pays.

Un départ au Japon pour préparer l’après

Après avoir dépassé la barre des 400 buts en carrière, David Villa annonce son départ de New York pour rejoindre le Vissel Kobe en JLeague, le club d’Andres Iniesta et de Lukas Podolski fin 2018. Comme à son habitude, l’Asturien a soigné son départ, surtout qu’il est attaché à cette franchise et ce club. Il laissé une lettre en vidéo très touchante sur le compte du NYCFC. Du côté des suiveurs, c’est l’image d’un grand professionnel mais surtout d’un garçon avec les pieds sur terre et une mentalité magnifique qui restera dans les mémoires. Son anglais a très vite été irréprochable ce qui a facilité les discussions et son intégration. Antoine Latran l’explique bien :

« Il a évité la saison de trop, dispose encore d’une excellente image. L’apport de David Villa a permis de faire grandir le NYCFC qui change de stratégie pour coller à ce que fait Atlanta United avec des joueurs plus jeunes depuis son départ. »

C’est une logique qui est une habitude du côté de David Villa, il ne veut pas faire la saison de trop dans un club. A chaque fois, il part avec une bonne image, d’un garçon professionnel, performant et aimé de tous. Au Japon, il va encore performer malgré son age avancé. Nicolas de JleagueFR, média affilié à TLMSF revient sur la seule saison de l’Asturien en JLeague dans l’ombre d’Iniesta notamment. « David arrivait avec un certain âge qui nous disait que ça allait être du court terme. Ce fut le cas, mais au final pour cette saison il a accompli ce qu’on attendait de lui. Alors oui, Kobe a encore fait une saison pourrie en championnat mais lui a mis sa douzaine de buts, dont certains pas vilains du tout, et a donné son maximum. Ces déplacements et son sens du but ont été à la hauteur même si son corps était un peu sur la fin avec pas mal de petits pépins physiques. » Il poursuit :

« Dans l’attitude, il a été irréprochable. Un vrai bon professionnel qui n’a jamais fait de vagues à l’instar de Iniesta et Samper d’ailleurs (et pas comme Podolski). Il a encore une chance de finir sur un trophée puisque Kobe est en demi-finale de Coupe. Une victoire sauverait la saison et les enverraient en AFC Champion’s League. J’ai l’impression qu’il va laisser une bonne image à Kobe mais aussi ailleurs parmi les fans de foot. Si on compare par rapport à Torres, il aura plus apporté sur le terrain. Mais il n’était pas la star de l’équipe comme El Nino l’était à Tosu . J’aurais bien aimé qu’il fasse une deuxième saison mais il n’aura pas fait la saison de trop où il aurait dégringolé en niveau et laissé une image plus ternie »

Cette pige a été justifiée par beaucoup de suiveurs, notamment américains, par la volonté de David Villa de toucher un très gros chèque pour pouvoir s’investir à fond dans son nouveau projet : le Queensboro FC. Ce qui s’avéra être faux, son salaire au Japon est inférieure à celui en MLS. En revanche, son projet franchise est réelle. Ee rejoindra l’USL en 2021 (équivalent D2) et est porté par un consortium puissant avec l’appui du meilleur buteur de l’histoire de la sélection espagnole. Basé dans le Queens, le quartier dans lequel l’Asturien a vécu à New York, il permet au futur retraité de rester dans le football tout en continuant son projet d’académie. Lors de son passage chez les hommes en bleu du NYCFC, il était proche d’une association « City in the Community » et participait à des matchs sur son temps libre avec les jeunes du Queens. Comme il l’explique lui même, David Villa est tombé amoureux de ce quartier.

«J’ai vécu et joué à New York pendant quatre ans. Je sais à quel point Queens est un endroit spécial. J’aime les cultures, la nourriture, les gens et leur passion pour la vie et, bien sûr, le football. Il n’y a pas d’autre endroit comme celui-ci dans le monde. C’est un rêve d’aider à construire ce club de football dans le Queens et je ne pouvais pas choisir un meilleur emplacement. « 

Etre propriétaire d’une franchise qui se veut locale et pour les jeunes du quartier va aussi lui permettre de faire grandir ses académies, les DV7 Academy implantées un peu partout en Amérique mais aussi à Saint Domingue, Puerto Rico ou encore en Espagne. L’idée de cette structure est d’avoir un intérêt social mais aussi de proposer des formations complètes pour faire émerger de nouveaux footballeurs dans des endroits où la formation n’est pas reconnue. Dans le Queens, avec le Queensboro FC, David Villa veut tenter de recruter un maximum de joueur du cru pour donner à cette franchise une identité particulière dans une ligue dynamique. Le stade, assez modeste colle bien avec cette volonté. Sur le papier, avec les problèmes du NYCFC pour trouver un stade malgré un bon marketing, l’éloignement du NYRB et le flou autour du Cosmos, David Villa et son club ont une vraie place à prendre. Rendez vous en 2021 pour la troisième vie d’un footballeur incroyable et d’une personne attachante et authentique.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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