Baigné dans le football dès l’âge de 5 ans à Vitry-sur-Seine (94), en banlieue parisienne, Omenuke Mfulu signe son premier contrat professionnel avec le Stade de Reims à 19 ans. Le milieu de terrain polyvalent dispute une vingtaines de rencontres en Ligue 1. Transféré au Red Star, il participe à la montée du club francilien en L2 et dispute 27 matches en tant que capitaine durant la saison 2018/19. En juin dernier, le Franco-Congolais, formé au LOSC, décide de tenter l’aventure espagnole, s’engageant en Segunda avec le club historique d’Elche. Pour ¡Furia Liga!, Mfulu revient sur ses premiers pas dans la province d’Alicante à travers un large entretien.
Pourquoi avoir choisi Elche ?
J’ai eu des discussions avec plusieurs clubs mais j’étais ouvert à un transfert à l’étranger. Lorsque Elche est venu aux renseignements, on peut dire que ça a « matché » rapidement. L’Espagne était une destination qui m’intéressait et le projet était en adéquation avec ce que je recherchais. Ils m’ont expliqué que le club venait de remonter en Segunda il n’y a pas longtemps et que l’objectif était de se stabiliser dans la division, de figurer le mieux possible. Mon but est de jouer le plus de matches possibles sur une saison. Avec 42 journées en Segunda, c’est donc le projet qui m’a le plus correspondu. J’ai rapidement été conquis donc les négociations ont été rapides. Il n’y a même pas eu un mois entre le premier contact et la signature.
Ton début de saison avec Elche a surtout été marqué par les blessures. Tu souffres actuellement d’une déchirure aux adducteurs. Comment te sens-tu physiquement ?
J’ai fais une très bonne préparation, tout s’était très bien passé. J’ai mis quelques buts et j’étais prêt pour le début de championnat. Malheureusement, je n’ai pas pu jouer la première journée car j’étais suspendu. Après avoir enchaîné deux matches, je me suis blessé. Je suis revenu quelques rencontres plus tard, j’ai joué quelques minutes, et j’ai à nouveau connu une blessure, aux adducteurs. Je n’ai pas encore de date de reprise mais ça va beaucoup mieux. C’est la première fois que j’ai des pépins physiques aussi rapprochés et que je loupe autant de matches de suite. C’est difficile à encaisser car quand tu arrives dans un nouveau club, tu veux tout de suite montrer de quoi tu es capable. Il faut être patient et toujours garder la confiance.
Comment se déroulent les discussions avec le staff médical ?
On arrive à bien communiquer. Évidemment, je ne comprends pas tous les termes médicaux pour le moment mais on se comprend. Avec mes blessures, je ne peux pas montrer l’étendue de mes qualités et cela me frustre un petit peu. Ce que j’apprécie avec le club, c’est qu’ils sont tous très patients. Ils prennent tout le temps nécessaire et ne me mettent pas la pression pour que je revienne au plus vite. Je reçois beaucoup de confiance et cela fait du bien.
Tu as quand même pu jouer six rencontres de Segunda. Comment juges-tu ton début de saison ?
J’ai eu de bonnes sensations. J’ai été titulaire à trois reprises et cela c’est plutôt bien passé. J’ai aussi fait quelques entrées. Le début de saison a malheureusement été tronqué par les blessures. Ma saison n’est pas encore officiellement lancée. Pour l’instant, c’était juste des aperçus.
Peux-tu décrire ton poste à ceux qui ne te connaissent pas ?
J’étais attaquant jusqu’à mes 13 ans. J’ai ensuite évolué au milieu de terrain et je n’ai quasiment jamais changé de poste. J’ai parfois dépanné en tant que latéral droit et défenseur central au Stade de Reims, mais mon poste de prédilection reste le milieu de terrain. Je peux jouer devant la défense ou un peu plus haut.
Comment te positionnes-tu dans le 4-4-2 d’Elche ?
Face à Saragosse, j’ai évolué dans un rôle de milieu de terrain à vocation défensive. Pour le reste, j’étais plutôt numéro 8. Les dirigeants avaient bien étudié mes qualités et aussi mes défauts. J’ai eu la conviction qu’ils savaient précisément ce dont j’étais capable. À partir de ce moment-là, je n’étais pas inquiet sur la façon dont j’allais être utilisé. J’ai senti que j’allais avoir la possibilité de m’exprimer dans ce que je sais faire de mieux.
Tu as des modèles au poste de milieu ?
J’ai toujours apprécié Abou Diaby, malgré ses blessures, ou encore Pogba et Matuidi. Ils font les aller-retour sur le terrain, défensivement et offensivement. En Espagne, Xavi et Iniesta m’ont également inspiré. Ce sont des joueurs de ballon. Quand j’étais jeune, le Barcelone de Guardiola m’a marqué. C’est une équipe qui restera dans l’histoire du football.
Quelle relation as-tu avec ton coach, Pacheta ?
Tout se passe bien. Il a joué à mon poste, donc cela me rend doublement attentif aux consignes qu’il me donne. C’est un entraîneur qui respire football, tout simplement. Il est très passionné et cela se ressent dans ses attitudes, dans sa façon de parler. En terme de consigne et de ses attentes autour de moi, c’est très très clair. J’essaie de lui rendre la confiance qu’il me donne lorsque je joue.
Il y a un entraîneur avec qui tu rêverais d’évoluer ?
Jürgen Klopp est un entraîneur que j’apprécie beaucoup. Il transmet beaucoup de choses à ses joueurs, et c’est ce genre de relation que j’apprécie dans le football.
Comment s’est passée ton intégration dans le vestiaire d’Elche ? Est-ce que la barrière de la langue ne t’a pas trop freinée pour communiquer avec tes coéquipiers ?
Le vestiaire a été très accueillant et bienveillant envers moi. Je suis le seul qui ne parle pas couramment Espagnol. Tout le monde m’a beaucoup aidé. Dès que cela devenait difficile dans les discussions, j’ai pu compter sur un autre francophone, Yacine Qasmi, qui faisait le traducteur pour que je comprenne précisément certaines phrases. Parfois, quand je ne comprends pas ce que dit le coach, je vais voir Yacine et il m’explique. Mais mes bases en Espagnol m’ont quand même bien aidées.
Tu as eu le droit à un bizutage à ton arrivée ?
Comme le veut la tradition, j’ai du interpréter une petite chanson devant mes coéquipiers. J’ai choisi «Ramenez la coupe à la maison» de Vegedream. Tout le vestiaire la connaissait d’ailleurs très très bien (rires).
Il y a un autre francophone à Elche. Il s’agit de Yacine Qasmi, qui a été formé au PSG…
Avant d’arriver à Elche, j’ai fais quelques recherches et j’ai vu qu’il y avait un Français dans le groupe. J’ai contacté Yacine pour avoir des informations sur la ville, le club, le mode de fonctionnement… On s’est tout de suite très bien entendus. Dès qu’on a des petites questions avec ma femme, on se tourne vers lui. Il est d’une aide précieuse.
Tu as l’occasion de côtoyer Nino à Elche. Est-ce que tu peux nous parler de son influence à Elche ? Il a 39 ans et a connu une riche carrière en Espagne…
Je l’ai découvert cette saison. C’est un grand joueur. Son palmarès et ses statistiques parlent pour lui. Le plus impressionnant chez lui, c’est sa longévité. Il a 39 ans, mais cela ne se voit pas du tout. Tu as le sentiment qu’il a encore 25 ans. Il est toujours prêt à jouer, il a la joie de vivre, et ne rate quasiment aucune séance d’entraînement. Il est toujours en avance. C’est un exemple pour tout footballeur. Il a l’amour du ballon, l’amour du jeu. Il n’a pas de passe-droit. Il est très respecté dans le vestiaire et tu le vois rarement rater des séances. Nino est logé à la même enseigne que tous les autres et c’est très très honorable. Il est comme nous.
Est-ce que tu as déjà pu remarquer des différences entre la France et l’Espagne au niveau du football ?
Lors des séances d’entraînement à Elche, on fait quasiment tout avec le ballon. On court rarement d’une surface à une autre comme ça peut être le cas en France. La balle est toujours au cœur des exercices. Avec des «toros» très exigeants, des conservations de balles très exigeantes. En Espagne, c’est tout avec ballon et intensité, par rapport à la France où il y a beaucoup de courses sans ballon. D’après mon vécu, c’est vrai qu’il y a plus d’intensité ici. Mais les séances sont un peu plus courtes.
Raconte nous ton adaptation à ce nouveau pays… Comment se déroulent les premières semaines ?
J’ai eu la chance d’avoir déjà de bonnes bases en Espagnol. Ça m’a beaucoup aidé. J’ai réussi à communiquer un minimum avec mes dirigeants et mes coéquipiers, mais également avec mes voisins à Elche par exemple. Dans l’ensemble, j’ai été bien accueilli par tout le monde. Cela a facilité mon intégration. Elche est situé dans la région d’Alicante. Il y a la plage pas loin, les palmiers partout. On a vraiment un beau cadre de vie, un bel environnement.
Comment vis-tu le fait d’être éloigné de ta famille ?
Je suis à Elche avec ma femme et mon fils. Le reste de ma famille est en France. C’est toujours un peu difficile d’être éloigné du cocon familial, mais ce sont les aléas du métier. Cela ne me dérange pas plus que ça. Cela se passe plutôt bien pour tout le monde. Ma famille n’était pas triste de me voir quitter la France. Tout le monde était content que j’ai pu trouver un projet sportif qui me corresponde.
Est-ce qu’il y a une grosse ferveur à Elche ?
J’ai reçu beaucoup de messages de bienvenue de la part des habitants d’Elche sur les réseaux sociaux notamment. C’est une ville qui vit foot et qui est à fond derrière son équipe. Cela se ressent.
Raconte nous tes premiers pas au Martinez Valero, le stade d’Elche…
Pour ma première à domicile, j’ai dû quitter le terrain sur blessure au bout de quelques minutes. Je n’ai donc pas encore pu profiter pleinement de l’ambiance et des supporters. J’ai hâte de pouvoir disputer un match complet à Elche.
Sens-tu que tu es attendu ?
Oui. C’est la première fois que j’arrive dans un nouveau club avec un vrai statut de joueur professionnel. À Reims, j’étais encore un jeune et au Red Star, je n’ai pas ressenti cela. À Elche, je viens pour jouer. Je sens qu’il y a des attentes et de l’intérêt autour de moi.
Quel est l’objectif de la saison au niveau collectif ?
On joue les matches au fur et à mesure et on essaie de prendre un maximum de plaisir pour figurer le plus haut possible. On entame chaque match avec la mentalité de le gagner. Il n’y pas forcément d’objectif de classement derrière.
Même pas le maintien ?
Si, forcément. Quand tu es dans une division, c’est toujours une satisfaction d’être maintenu le plus tôt possible. C’est ce qu’on va chercher à décrocher.
Ton contrat avec Elche s’étend jusqu’en 2021. Comment vois-tu ton avenir ?
J’ai signé un contrat de deux ans avec une année en option. Je me sens très bien à Elche, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. Je n’ai pas encore donné tout ce que j’avais à donner. Je suis très très loin de penser à un départ.
Tu as 25 ans. Estimes-tu être arrivé à un tournant de ta carrière ?
C’est un moment charnière avec ma première expérience à l’étranger. C’est le moment de s’épanouir et de mettre en pratique toute l’expérience que j’ai pu emmagasiner depuis mon premier contrat professionnel à Reims. À terme, l’objectif sera bien sûr de jouer dans une première division, que ce soit en Espagne ou ailleurs. L’avenir nous le dira. Jouer en Liga avec Elche, ce serait parfait.
Marius Cassoly
@MariusCassoly