Dans le football moderne, les footballeurs les plus précoces tombent très rapidement dans l’escarcelle des ogres, toujours en quête de sang frais pour garnir les rangs de leur académie. Manu Garcia a très vite quitté son Asturie natale pour rejoindre l’Angleterre et Manchester City. Il a suivi le parcours classique, quelques prêts en Liga, en Ligue 1 et en Eredevisie. Loin d’être le meilleur, Manu a pourtant un truc. Son retour à Gijon, son club formateur, doit lui permettre de s’affirmer comme un bon joueur de football et non comme une éternelle promesse incapable de performer sur le durée. Portrait d’un joueur différent, qui aime le ballon, entre modernité et vieux football.
Son histoire avec le football a débuté avec un contre pied. Manu Garcia, le natif d’Oviedo a très vite rejoint le centre de formation du Sporting Gijon, le rival détesté. Les matchs entre les deux formations donnent lieu à un des derbys les plus bouillants d’Espagne, avec deux Aficions d’une très grande qualité. Cependant, Manu Garcia ne connaîtra pas tout de suite les joies de jouer avec la tunique rouge et blanche des Sportinguistas.
A 15 ans, quand le football commence à parler professionnel, le droitier est déjà courtisé par le Barça et le Real mais comme beaucoup d’Espagnols, Manu rejoint Manchester City. Txiki Begiristain chasse depuis un moment les jeunes ibères. L’Asturien rejoint une structure qui fait de plus en plus confiance aux jeunes mais qui n’a pas franchi ce fameux palier sous Guardiola. Ce départ lui permet de changer de dimension mais le pousse aussi à se réinventer, pour exister. Retour sur la post-formation d’un joueur qui a l’habitude de sortir de sa zone de confort mais pour qui le football doit être avant tout un plaisir.
Du nord de l’Angleterre à Toulouse, le grand écart pour devenir un joueur complet
Manu Garcia rejoint donc Manchester City à 15 ans en 2013. Il évolue avec les jeunes du club, comme beaucoup. L’académie des Citizen ressemblent à un érasmus géant, des anglais côtoient des joueurs venant des quatre coins du globe tout en pouvant de temps en temps faire des séances avec les pro. En 2013 Patrick Viera rejoint aussi les U21 des Skyblues. Peu de temps après son arrivée, il fait grimper Manu dans cette catégorie d’âge. David Silva a des mots sympathique pour son jeune coéquipier espagnol :
« Manu est un gars que j’aime beaucoup. Son attitude ressemble à celle que j’avais quand j’avais son âge. En dehors de cela, en termes de capacité au football, il a de très bonnes compétences. Il est très jeune et je suis sûr qu’il y a beaucoup de bonnes choses à venir pour lui »
L’Espagnol est facile, milieu offensif doté d’une vista mais aussi d’une qualité technique au dessus de la moyenne, il adore être dans le trafic pour distiller dribbles ou ouvertures malicieuses pour ses coéquipiers. Sa progression est linéaire, deux ans après son arrivée en Angleterre, Manuel Pellegrini qui avait testé plusieurs fois le droitier à l’entrainement lui accorde ses premières minutes avec les grands. Manu Garcia remplace David Silva lors du match face à Toronto fin mai. Les deux ont une relation particulière tant l’Asturien ressemble énormément au Canarien dans le jeu.

Tout s’enchaîne très vite, Manu joue son premier match officiel face à Sunderland en Coupe de la Ligue en 2015. Le tour suivant, dans la même compétition, il débloque son compteur but avec City face à Aston Villa. Manuel Pellegrini apprécie le jeune espagnol, il aura même droit à quelques minutes en Premier League ensuite. Cependant, à l’été 2016 l’entraîneur chilien quitte le club et Pep Guardiola chamboule tout. Manu Garcia comme beaucoup d’autres est poussé vers le départ, d’abord en prêt pour montrer son niveau sur la durée.
L’empire City a de multiples ramifications, en Europe le circuit préférentiel est un départ au Pays Bas au Nac Breda ou à Girona en Segunda à cette époque. Manu Garcia rejoint la D2 hollandaise après un prêt contre-nature à Alaves. Au Pays Basque, le droitier a signé dans un club qui proposait un football trop défensif pour un joueur qui adore toucher le ballon comme lui. Pour le TFC, il est revenu sur son passage qui n’a pas été positif sportivement pour lui :
« Je venais d’avoir 18 ans, et le changement avait été trop brutal pour moi. J’ai intégré une équipe compétitive, mais avec une philosophie qui ne correspondait pas à mes qualités, sans volonté de créer du jeu. Moi, il me faut un peu de ballons pour me sentir bien sur le terrain. Je disputais des rencontres de préparation et des oppositions internes, mais je ne jouais pas le week-end. À mon âge, j’ai ce besoin de disputer des rencontres officielles pour progresser. C’était donc dans mon intérêt de ne pas rester »
En janvier 2017, l’ancien de Gijon découvre les Pays Bas à 19 ans et il va très vite faire étalage de son talent. D’abord en D2, et sous l’égide d’un nouvel entraîneur qui a eu des bons résultats en Belgique, Manu Garcia monte en puissance. Son adaptation n’est pas facile mais son talent fait des ravages. L’équipe assez moribonde en première partie de saison se qualifie pour les play-offs d’accession. Manu marque deux fois en 19 matchs de championnat et offre deux buts en Play-off. Après avoir battu le Nec Nijmegen notamment, Le NAC retrouve l’Eredivisie et l’Espagnol prolonge son bail d’un an chez les Rats.
Lors de cette saison 17/18, l’Asturien est un titulaire indiscutable mais il dézonne, des fois il joue 8, des fois 10, des fois il est sur un côté. Cependant, le championnat est très ouvert et des défenses assez laxistes permettent au droitier de faire des ravages. Il alterne entre les séquences de dribbles et les ouvertures juste au dessus de la défense pour trouver ses offensifs à la limite du hors-jeu. Les fameuses Croqueta d’Iniesta sont appréciés par l’Asturien. Sans être un joueur totalement fini, Manu Garcia fait étalage de son talent naturel et montre aussi qu’il peut s’adapter à plusieurs schémas et positions. Tant que son équipe joue un football offensif, lui est performant. Selon Opta, il devient le premier joueur d’Eredivisie à dépasser les 100 dribbles réussis en championnat. Manu est aussi intéressant par la passe avec un nombre de passes clés et un pourcentage de passes réussies très haut. Yannick de @Foot_NL revient sur l’apport du joueur pour le club :
« C’est un joueur qui a conforter NAC d’utiliser sa liaison avec le Manchester City Group. Sur sa saison complète en Eredivisie, il a été un vrai leader technique, on a senti la saison dernière qu’il manquait à NAC pour le maintien. Il a été moins décisif que lors de ses 6 premiers mois en D2. Je retiendrai de lui un joueur qui jouait juste dans les espaces, mais qui souffrait dans une équipe qui ne domine pas ses adversaires. »
A l’été 2018, l’entraîneur quitte le club, las des départs de ses meilleurs joueurs qui retournent à City et qui ne sont pas toujours remplacé par des joueurs de même calibre par le club anglais. Manu Garcia reste sous le giron du City Group mais n’a pas encore les épaules pour pouvoir gratter des minutes avec les pro. Il est donc envoyé en éclaireur dans un nouveau club : Toulouse en L1. Ce prêt doit être la première pierre d’un rapprochement entre les deux entités instiguées par Patrick Mombaerts. Alain Casanova, de retour sur le banc des Violets doit se servir de l’arrivé de l’Espagnol de poche pour mettre sur pied son changement de philosophie. Fini les blocs bas et les matchs sans saveur, le Téfécé veut jouer au ballon !
L’euphorie puis les problèmes, une saison délicate en L1
Malgré deux défaites inaugurales, Manu Garcia commence à rayonner dés son troisième match. Il le dit lui même, l’adaptation dans un nouveau pays et un championnat très différent de l’Angleterre, l’Espagne et les Pays Bas a été compliqué. Surtout que la L1 est plus fermée et surtout plus physique que ne l’est l’Eredivisie, la ligue où Manu a fait étalage de son talent sur la durée. En France et à Toulouse, on peut découper sa saison en deux parties. D’abord les débuts, le Téfécé d’Alain Casanova joue un football chatoyant, l’Asturien touche le cuir, a du temps pour trouver un coéquipier, est proche de la surface et surtout a du soutien. On le remarque, il incarne un changement de cap qui semble salvateur pour un club habitué à décevoir son public chaque saison. Les toulousains tutoient les sommets et ont les faveurs de la presse.
« Beaucoup de gens doutent de moi physiquement et défensivement et c’est précisément ce qui m’a amené à venir ici. Si je pouvais bien jouer dans une ligue aussi physique, bon nombre de ces doutes disparaîtraient et ma carrière augmenterait » Manu Garcia à Marca lors de son arrivée en L1.
Sauf qu’après cette idylle, les mauvais résultats sont de retour. Rien de dramatique, c’est même plutôt classique de voir un club du calibre de Toulouse avoir une période de moins bien. Alors que beaucoup d’entraîneurs auraient persévéré dans cette volonté de faire du jeu, Alain Casanova rejoint une idée plus conservatrice avec un bloc bas et de l’intensité dans les duels. Manu Garcia passe du compte de fée au cauchemars. L’écosystème qui lui permettait de rayonner est fracassé. Lui qui aime surement trop toucher le ballon se retrouve dans un double pivot avec une défense à trois. il court plus souvent derrière qu’avec le ballon. Il explique ce changement de mentalité à L’Equipe.
« J’ai fait un bon début car on a joué un football sympa à l’entame de la saison. On avait plus le ballon et je jouais mieux. Mais, comme les résultats ne sont pas venus, c’est devenu de plus en plus difficile et on s’est mis à pratiquer un jeu de plus en plus moche. On voulait jouer de cette façon toute la saison, mais ça n’a pas marché. J’ai besoin d’être dans une équipe qui développe la possession de balle le plus possible. On n’a pas persisté dans cette voie lors des derniers mois, c’est dommage. »
De protagoniste central à même pas 20 ans, Manu est de plus en plus mis de côté. Pas que son niveau ou son talent se soient évaporé, simplement que son style ne lui permet pas d’exister dans une équipe au bloc bas où il faut avaler des espaces pour créer du danger. Manu Garcia a ça du 10 à l’ancienne, il ne court pas vraiment et rarement en sprint. L’Asturien a cette qualité qu’il maîtrise, le temps, pas encore comme les génies que sont David Silva ou le maître Andres Iniesta, mais le droitier à cette capacité de ralentir le temps quand il contrôle le ballon alors qu’autour, c’est le chaos. Sur les 7 derniers matchs de L1 en 18/19, Manu n’en débute aucun et se contente souvent d’une dizaine de minutes. Alain Casanova est redevenu un honnête entraîneur de L1 avec la mentalité qui va avec.

Manu Garcia, de jeune à suivre à pierre angulaire d’une équipe qui rêve de retrouver la Liga
Cette période d’apprentissage lui fait du bien mais son influence sur le jeu des Toulousains se réduit. Le TFC se sauve et Manu Garcia est sondé pour rester, il dit que tout peut se passer. De retour à Manchester City, l’Asturien prend part à une partie de la tournée asiatique comme beaucoup de jeunes lors de cet été 2019. Dans le même temps, une rumeur d’un retour en Espagne refait surface. A 21 ans, sa capacité à intégrer le groupe pro des Citizen n’est pas établi, Pep Guardiola le pousse donc à partir. De nombreux clubs se positionnent, pour des prêts ou des transferts secs. En Août, c’est le Sporting Gijon qui fait signer le milieu de terrain. Ce retour chez lui doit permettre à Manu Garcia de confirmer son talent tout en évoluant dans un environnement stressant où les attentes autour du joueur sont nombreuses.

Manu Garcia retrouve l’Espagne, son pays natal mais aussi un championnat long et dur. Gijon a connu des périodes de tumulte dans sa centaine d’années d’existences, la dernière période de gloire est le passage en Liga des Asturiens sous les ordres d’Abelardo Fernandez où une génération dorée a permis au club d’exister dans une période économique complexe. Depuis 2017, le Sporting est de retour en Segunda et tutoie les sommets avec une participation aux Play-Offs et une 9e place. Cependant, La Liga n’est pas encore là et cette saison doit être celle de la remontée, et tout repose sur le niveau de Manu Garcia ou presque. Comme l’explique son entraîneur, en plus d’être le plus gros achat du club, l’Asturien, formé à Marea est le plus gros salaire du club. Après une victoire et une grande prestation de Manu face à Zaragoza, Luis Alberto Lopez lâche une phrase entre compliment et mise au point avec son créateur :
« Avec ce joueur, nous payons près de 70% de l’équipe. Il doit faire la différence et il les a marqué aujourd’hui. Il est un joueur différentiel et a justifié les chiffres astronomiques qui ont été payés. pour lui ».
Une situation qui met beaucoup de pression autour du meneur de jeu qui doit guider son club vers les succès. Sur ce début de saison, l’ancien de City a débuté tous les matchs sauf un, lorsqu’il était dans le groupe avec la Rojita. Gijon se situe à la 11e place actuellement, un rythme pas encore satisfaisant et qui s’explique par une équipe aux deux visages. Le jeune José Alberto Lopez, qui est l’entraîneur général du club est un fervent adorateur du jeu de possession. Face aux équipes qui ouvrent le jeu comme Almeria ou Zaragoza, Manu peut être servi et son équipe fait la différence. Cependant, face aux équipes qui évoluent en bloc regroupé et qui mettent un système « anti-Manu Garcia » en place, Gijon a beaucoup plus de mal.
L’importance du natif d’Oviedo est telle que le terme de Manudependancia a été lâché par plusieurs médias. Ce qui retransmet bien l’importance du milieu dans le jeu de son équipe. Positionné en 10 voir en 9 et demi en fonction des matchs, il a un rôle central. Sa vista, ses petits dribbles et son jeu dans les petits espaces en font LE créateur de l’équipe, qui fait les passes décisives ou marque. Son entraîneur le sait et explique dés qu’il le peut que : « Manu (Garcia) doit être aussi proche que possible du jeu , apparaître autant de fois que possible, c’est ce que nous recherchons, le trouver pour qu’il puisse faire des différences ».

Sans être encore excellent, Manu Garcia a encore du mal à se défaire d’un marquage individuel en multipliant les fausses pistes, l’Asturien retransmet sur le terrain son apprentissage complexe et complet de City à la L1 en passant par l’Eredivisie. Son jeu est vraiment intéressant et à l’heure actuelle, l’investissement du club des Asturies n’est absolument pas remis en question que ça soit par les journalistes ou les supporters. Cependant, la promotion est encore loin et le championnat long, à Manu de confirmer ce niveau sur la durée et faire monter un club historique et mythique en Espagne. Le Sporting mérite la Liga et Manu Garcia doit connaitre cette sensation de monter avec son club de coeur, comme l’autre Manu Garcia, celui d’Alaves, qui avait expliqué que c’était une sensation indescriptible.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13