Barça, Espanyol, Girona : Les réactions plus ou moins politisées des clubs catalans

Accueil Actu Analyse Articles Barça En avant Espanyol Girona

Si vous vous intéressez au football catalan, il y a peu de chance pour que vous soyez passés à côté de la décision du Tribunal Suprême de ce lundi 14 octobre. C’est à cette date qu’ont été condamnés neuf ex-membres du gouvernement de Carles Puigdemont, l’ancien président de la Communauté Autonome de Catalogne, aujourd’hui exilé en Belgique. Ses anciens généraux ont été écroués pour sédition, c’est-à-dire un soulèvement concerté et préparé contre l’autorité publique (définition du Larousse, ndlr). Les principaux clubs catalans n’ont pas tardé à réagir. Quand certains prennent des pincettes, à l’image de l’Espanyol, d’autres – comme le Barça – n’y vont pas de mains mortes… 

C’est donc une peine totale de 100 ans de prison qui a été formulée par le Tribunal Suprême espagnol à l’encontre de ces leaders indépendantistes. On retrouve notamment sur le banc des accusés Oriol Junqueras, qui était le vice-président de la Generalitat (le gouvernement catalan, ndlr) à l’époque où la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne fut formulée, en octobre 2017. L’accusation de rébellion – le niveau supérieur de la sédition – n’ayant pas été retenu, Oriol Junqueras a été condamné à 13 ans de prison, soit la peine la plus sévère rendue ce lundi.

Le « maillot Senyera » du Barça a été relégué en 3e ou 4e place mais reste l’une des meilleures ventes du club [Crédits : FC Barcelona]

Les clubs catalans n’étaient pas restés silencieux sur ce sujet lorsqu’il y a deux ans, la Catalogne se divisait sur la question indépendantiste. Le Barça avait ainsi appuyé publiquement la tenu d’un référendum d’autodétermination, à l’image d’autres clubs de la région tel que le Girona. Les équipes locales ont ainsi publié différents communiqués, expliquant leurs positions respectives après ces condamnations. S’ils partagent plusieurs points communs, les communiqués pointent également de profonds désaccords idéologiques.

Tous solidaires envers les familles des condamnés

Si les clubs ont chacun une manière différente de la souligner, ils se déclarent tous solidaires envers les familles des condamnés. Pour illustrer cet article, nous allons traiter des positions du Barça, de Girona, de l’Espanyol, du Nàstic ainsi que de Sant Andreu.

Le stade de Sant Andreu peut accueillir plus de 6000 supporters, généralement très présents [Crédits : UE Sant Andreu]

Girona est le seul club à énumérer les noms des neufs hommes et femmes politiques condamnés par le Tribunal Suprême, affirmant ainsi sa « solidarité avec les familles des prisonniers politiques ». À noter également l’utilisation du terme « presos políticos », donnant un caractère anti-démocratique à la décision de justice. Situé à 80 kilomètres plus au Sud, le club de Sant Andreu a également exprimé sa solidarité, sans rentrer plus dans les détails.

De son côté, le Barça exprime « tout son soutien et sa solidarité aux familles des privés de liberté ». Le choix de ne pas parler de « condamnés » mais de « privés de liberté » laisse à penser que le club de Josep Maria Bertomeu condamne la décision du Tribunal. Il est également intéressant de constater que la formule est utilisée – au mot près – dans le communiqué du Gimnàstic de Tarragona. Réaction légèrement différente du côté de l’Espanyol de Barcelone qui « regrette les souffrances individuelles et au sein des familles » que vont causer cette décision de justice.

La Sélection catalane a ses habitudes au stade Montilivi de Girona [Crédits : Europapress]

L’Espanyol, une entité « purement sportive »

Le communiqué de l’Espanyol est l’un des plus intéressants dans le sens où il ne donne pas d’opinion, au nom du club, sur les condamnations du lundi 14 octobre.                   « L’Espanyol est une identité purement sportive », ainsi débute le communiqué des Pericos qui explique que la seconde équipe de Barcelone – en termes de dates de création – « respecte les décisions de justice ». Une déclaration neutre pour un club qui la revendique, affirmant que « cela ne peut pas être d’une autre manière ». Affirmant ainsi qu’une équipe de football doit se limiter aux aspects sportifs, l’Espanyol « ne représente pas les sentiments et les positions personnelles de ses supporters ».

À LIRE : L’ATHLETIC DIVISE EN SOUTENANT L’AUTO-DÉTERMINATION

Il s’agit ainsi du seul club catalan des deux premières divisions à ne pas donner d’opinion dite « personnelle » sur le sujet. Il peut ainsi sembler contradictoire que le communiqué indique les « regrets » de l’Espanyol quant aux souffrances que peut causer cette décision de justice qu’ils « respectent ».

À l’inverse du Barça, l’Espanyol a la réputation de défendre une union avec l’Espagne [Crédits : AFP]

La volonté d’entamer un processus de dialogue

Nos cinq clubs catalans ont appelé les responsables politiques à trouver une solution à cette « crise sociale », selon les mots employés dans le communiqué de l’Espanyol. Les Pericos raccourcissent exceptionnellement leurs distances avec la politique, en demandant aux pouvoirs publics qu’ils « trouvent une solution politique et démocratique […] dans le respect de la loi ». Bien entendu, ils ne sont pas les seuls à demander cela. On retrouve une demande similaire chez Sant Andreu, qui réitère son « souhait d’une solution démocratique » ainsi que d’un « dialogue entre les différents partis ». Le club centenaire affirme que l’ « emprisonnement des dirigeants indépendantistes entrave davantage le dialogue et les négociations ». Girona est sur la même longueur d’ondes, partisan du dialogue et de la négociation entre les différents acteurs.

Il est toujours intéressant de constater les similitudes entre les communiqués du Gimnàstic de Tarragona et celui du FC Barcelona. « Nous demandons à tous les responsables politiques qu’ils dirigent un processus de dialogue et de négociation pour résoudre ce conflit » peut-on lire sur les deux communiqués. Le club de Segunda ajoute « le plus tôt possible », pour se différencier de l’actuel champion d’Espagne. Quelles que soient les formules utilisées, les clubs catalans parlent d’une seule et même voix quand il s’agit de demander des négociations entre le gouvernement de Pedro Sánchez (premier ministre espagnol, ndlr) et les indépendantistes condamnés.

Rejet de la sentence et liberté d’expression

C’est cependant sur la question de la sentence en elle-même que le Nàstic et le Barça divergent. Quand le premier défend une « union des supporters sous un même logo, quelles que soient leurs idéologies », le second affirme que « la prison n’est pas la solution ». C’est d’ailleurs cette phrase qui trôle couleur grenat, au sommet du communiqué des Blaugranes.

Certains supporters du Barça demandent à leur club qu’il porte le 4e maillot lors du prochain Classico, contre le Real Madrid. Guerre des symboles oblige… [Crédits : Reddit]

Le Barça se rapproche ici de la position d’un autre club de Liga, Girona. Les Blanquivermells sont catégoriques et affirment dans leur communiqué « rejeter la sentence », expliquant que le passage par la justice n’est pas la solution et que celle-ci se trouve uniquement en politique. Les locataires du Montilivi se caractérisent comme des « défenseurs de la liberté d’expression et du droit de décider », valeurs que prône également le Barça dans son communiqué. Girona est également le seul club à demander de façon directe la libération de « ceux qui sont enfermés depuis deux ans ». Les Azulgranas, tout comme le Nàstic rejoignent l’opinion de Girona selon laquelle la « résolution du conflit passe uniquement par la voie politique ».

De son côté, Sant Andreu présente la déclaration la plus longue mais aussi l’une des plus agressives. Si le club n’est pas un grand habitué des communiqués incendiaires, ses supporters ont la réputation d’être de fervents indépendantistes. Les Quadribarrats, qui militent aujourd’hui en Tercera ont pointé du doigt la « grave atteinte portée aux droits, à la liberté d’expression et de manifestation ». Des accusations qui s’accompagnent d’un rejet clair de la sentence.

Division au sein des supporters catalans

Qu’ils aient l’habitude de porter un maillot rouge et blanc, ou qu’ils achètent seulement les maillots aux couleurs de la Senyera (le drapeau catalan, ndlr), les supporters des équipes de la région sont mitigés face aux communiqués de leurs clubs respectifs. Si l’Espanyol prend des gants pour traiter de ce sujet délicat, des clubs tels que Girona ou le Barça montrent un soutien clair envers les hommes politiques indépendantistes. Les polémiques sont quasiment inexistantes dans un club tel que celui de Sant Andreu – où les supporters sont majoritaires indépendantistes – mais ce n’est pas le cas chez les autres.

Le Barça a encore une fois conforté ses positions jugées indépendantistes par les observateurs [Photo de IconSport]

Le Barça avait déjà divisé une partie de ses supporters en soutenant le référendum en octobre 2017, et cette nouvelle prise de position ne ravit pas la totalité de ses fans. Outre les supporters étrangers du club barcelonais, ce sont également les abonnés du Camp Nou qui montrent leur mécontentement. Qu’ils défendent ou non le droit à l’auto-détermination, une partie non-négligeable d’entre eux ne cautionnent pas que la politique soit mélangée avec le football. À noter également que des personnalités ont montré leur soutien, tel que le latéral barcelonais Sergi Roberto, ou encore l’entraîneur de Manchester City Pep Guardiola.

Entre le match classé ‘hauts-risques’ entre la France et la Turquie (1-1) et les communiqués des clubs catalans sur une décision de justice, ce lundi 14 octobre a marqué une nette incrustation de la politique dans le milieu du football. Clairement pas du goût de tous…

Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade

Commentaires