Roja / Suède-Espagne (1-1) : Une Roja à deux visages se qualifie pour l’Euro

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On se doutait que ce Suède-Espagne ne serait pas une promenade de santé pour la Roja. Menée, malmenée, la Seleccion a puisé dans ses ressources pour arracher le nul et décrocher son billet pour l’Euro. Pas de quoi faire oublier que cette trêve internationale, annoncée comme une formalité, a fait lever les premiers doutes de l’ère Moreno. 

À l’aube de ce déplacement en Suède, la Roja caracolait en tête du groupe F, avancée de cinq points par rapport à l’ensemble de ses concurrents. Et semblait toujours plus proche d’inscrire son nom sur la liste des invités pour le championnat d’Europe 2020. De quoi rendre la partie anecdotique ? Pas le moins du monde. Si la foule s’est déplacée en masse pour surchauffer la Friends Arena de Stockholm, c’est finalement autant pour soutenir les siens que pour observer la réaction d’orgueil d’une Roja cueillie à froid samedi chez le voisin norvégien (1-1). Un enjeu sur le fond donc, car au contraire de l’Italie, les ouailles de Robert Moreno n’avaient toujours pas validé leur ticket pour le prochain Euro. Sur la forme, également, histoire de remettre les pendules à l’heure et la machine en route. Au terme des quatre-vingt dix minutes, l’un a été fait, l’autre pas totalement.

Intraitable à domicile et dauphine du groupe, la Suède a fait de son sacro-saint 4-4-2 un cheval de bataille. Organisé, structuré et pragmatique, le schéma de Janne Andersson sait à merveille faire déjouer l’adversaire. Pour contourner la muraille jaune-et-bleu, Robert Moreno avait tranché dans le vif. Exit Kepa, Busquets et Saul, maillons faibles en Norvège, place à De Gea, Rodri et Oyarzabal. Ajoutez la suspension de Sergio Ramos et vous obtenez un onze de départ pour le moins inédit, avec pour symbole le brassard de capitaine autour du biceps de Raul Albiol. En revanche, le 4-3-3 et la philosophie globale restent inchangés.

[Photo de Icon Sport

Un premier acte à deux facettes

Si Marcus Berg et Consorts se sont illico essayés à un pressing haut pour forcer le jeu long du tandem Raul Albiol-Iñigo Martinez, la première demi-heure est à l’avantage total des Espagnols. Une possession de balle qui frise les 80%, et une capacité à alterner jeu long-jeu court qui donne le tournis aux Suédois. Incisif dans son couloir, Juan Bernat étire les lignes et fait reculer Sebastian Larsson comme second arrière droit. Au milieu, Fabian Ruiz et Thiago Alcantara régulent, distillent, donnent le tempo. Les variations sont systématiques, la justesse technique au rendez-vous. Le joueur du Napoli s’essaye de loin (3e) quand celui du Bayern se montre gourmand et manque d’ouvrir la marque (7e). À la perte, le contre-pressing est efficace et la récupération quasi-instantanée. Seul bémol : une absence d’occasions franches notoire, et trois offensifs effacés.

Mais cette Roja est fragile. A tel point que, sitôt sa moitié de terrain investie, elle donne le sentiment de pouvoir concéder un but à chaque opportunité. À une première alerte sur un centre en retrait s’en suit une seconde aux abords de la surface. Puis une troisième. Une quatrième. À l’image de son compatriote Sergio Busquets jadis, Rodri manque de rythme à la réception du cuir et peine littéralement à émerger. Ses deux pertes de balles aux vingt mètres sont des cadeaux pour l’attaque adverse, fort heureusement sans réussite. Un cran plus bas, Raul Albiol et Iñigo Martinez ne sont guère plus rassurants. Les jaune-et-bleu s’engaillardissent, et De Gea de s’employer d’une sublime horizontale pour éviter la correction (33e). Le repos arrive presque à point nommé tant la Seleccion est transfigurée. Cette Friends Arena n’a décidément rien d’amical.

Une équipe à réaction

Au retour des vestiaires, le triste scénario se confirme. Presque l’élément offensif le plus en vue, Juan Bernat en oublie ses gammes défensives. Tout juste revenu des avant-postes, il glisse et laisse Marcus Berg reprendre un subtile centre de Quaison. Un arrêt, puis deux, De Gea pense maintenir la barque à flot. Berg rode finalement et libère l’arène de Stockholm (1-0, 50e). Spectateur de l’action, le duo Albiol-Martinez rappelle plus cruellement que jamais l’absence du patron Sergio Ramos. L’Espagne peine à répliquer, et Emil Forsberg manque même le doublé de justesse. À la triste mélodie se mêle le facteur malchance, puisque de Gea est contraint de céder sa place à Kepa (60e), et prive de facto Robert Moreno d’une cartouche. Des glissades à répétition, une incapacité à être souverain sur phase arrêtée, des erreurs techniques inhabituelles, un entrejeu qui disparait, le début de second acte augure une fin de soirée galère.

Qui a été le plus convainquant aux cages de la Roja ? Difficile à dire [Photo de Icon Sport]

Au moment de réagir, Robert Moreno se décide à lancer Rodrigo sur le pré, pourtant affaibli par un pépin physique. Un coaching synonyme de renouveau pour la Roja, qui regrapille les mètres perdus et s’approche de nouveau de la cage d’Olsen. Carvajal allume (de manière bien involontaire) une première mèche (55e), et la course à l’égalisation s’installe. L’Espagne tourne autour, esquisse des combinaisons mais peine à fracturer un bloc ultra-compact. Ce n’est pas cinq, ni six, mais bien cinquante mille personnes qui font corps pour garder leur cage inviolée ! À force de patience et d’abnégation, les partenaires de Dani Ceballos sont récompensés. Opportuniste, Rodrigo propulse le ballon au fond des filets et offre un point du nul logique. La Roumanie incapable de gagner, l’Espagne est in fine qualifiée. Confronté à son premier revers, Robert Moreno voit les questions se bousculer dans sa tête. Si le contenu est comme toujours de haute volée, les trous d’air restent nombreux, et l’inefficacité dans les deux surfaces inconciliables avec une prétention au trophée. Le technicien a huit mois devant lui.

Gerard Moreno, première délicate

Pour sa première cape à tout juste 27 ans, Gerard Moreno n’avait pas la tâche facile. La lourde pression de suppléer Rodrigo, régulièrement performant sous la tunique rouge. Dès l’entame, le co-meilleur réalisateur de Liga (six buts) a beaucoup dézôné, cherchant à participer au maximum à la création. Histoire de se mettre en confiance, très certainement. Particulièrement combatif, le joueur de Villarreal s’est heurté à une défense suédoise impériale dans les duels. Et a fini par s’éclipser au fil de la partie. Malgré tout, Gerard Moreno s’est procuré quelques situations intéressantes, comme cette tête sortie du bout des gants par Olsen. C’est d’ailleurs de son crâne qu’il a le plus amené le danger. Un profil atypique dont ne dispose pas la Roja, voilà un argument de poids pour espérer le revoir sous le maillot de l’Espagne. Car chacun le sait, Gerard Moreno est capable de bien mieux.

Corentin Rolland

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