Hormis un bref passage lors de la saison 2005/2006, Cadiz n’a plus connu durablement la Liga depuis près de vingt-sept ans. Les Andalous ont oscillé entre Segunda et Segunda B, alternant le bon et souvent le moins bon. Cependant, le stade est toujours plein, et l’afición de l’autre sous-marin jaune connue partout en Espagne. Seul leader avec près de sept points d’avance après dix journées, les hommes d’Alvaro Cervera semblent enfin lancer vers un retour en D1. Décryptage des forces et faiblesses des Gaditans.
Cadiz n’a pas une armoire à trophées très remplie mais dispose d’une solide réputation en Espagne. Entre 1985 et 1992, le club se maintient en effet en Liga, battant régulièrement les gros et se montrant particulièrement souverain à domicile. Sans pour autant surperformer au classement, les Jaunes atteignent la demi-finale de Copa Del Rey. Quelques grands noms y passent alors, à l’image du Salvadorien Magico Gonzalez. En 1992, le club tombe en Segunda, et le passage en société sportive lui fait même connaitre la D3. Au début des années 2000, c’est le retour à l’échelon supérieur et même en Liga, avant une retombée immédiate et six saisons en Segunda B. La nomination d’Alvaro Cervera, à la fin de la saison 2015-2016, devient synonyme de stabilité et de renouveau.
Un CV plus que rempli et une méthode à l’ancienne
Après avoir connu diverses désillusions, l’arrivée d’un entraîneur aussi expérimenté que Cervera est une aubaine. Nommé pour les quatre derniers matchs de Segunda B, il relance une dynamique pour permettre au club de retrouver la Segunda six ans après l’avoir quitté. Le natif de Santa Isabel (devenu par la suite Malabo) en Guinée Equatoriale a 51 ans et plus de quatorze dans un costume d’entraîneur lorsqu’il débarque en Andalousie. Fins connaisseurs de l’antichambre de l’élite espagnole, son expérience lui permet de peaufiner sa méthode, après avoir mis un peu de temps à se stabiliser.
Álvaro dispose d’un passif de joueur toujours intéressant pour s’imposer comme coach. Après des débuts quelque peu chaotiques, il évolue au Racing Santander, à Valence ou à Mallorca, et devient même international avec la Roja. Cervera ne prend qu’une année sabbatique entre l’arrêt de sa carrière de joueur et le début de celle d’entraîneur. Il se forme dans les équipes de jeunes de Valence pour ensuite voler en solo dans diverses formations de Segunda B et Tercera. Ses résultats alternent le bon et le moins bon, mais il fait tout de même monter Castellon puis Tenerife en Segunda. Sa première expérience en Liga, à Santander en 2012, ne dure qu’un temps et sans trop de succès.
Chez les insulaires, dans une écurie où des tâches bien particulières lui sont confiées, Alvaro réussit enfin à se poser. Il reste près de trois ans sur l’île et manage Tenerife durant plus de cent matchs. Il stabilise le club dans le milieu de tableau de Segunda en 2014 mais est démis de ses fonctions après une longue période de mauvaises performances en janvier 2015. Cervera s’éloigne quelques temps des terrains avant de reprendre du service à Cadiz. En Andalousie, il arrive avec une méthode affinée mais qui n’a pas encore fait ses preuves sur la durée.

A chaque début de saison depuis son arrivée et à la manière d’un Guy Roux, Álvaro martèle son objectif d’atteindre la barre des cinquante points, symbolique pour le maintien. Le reste ? Du bonus. Son 4-2-3-1, sa formation de base, ne change que très peu. Le projet de Cervera pour son équipe ? Un bloc compact et des contre-attaques fulgurantes par une utilisation des côtés. Taiseux, l’ancien de Tenerife analyse à merveille ses effectifs pour en tirer le maximum, sans oublier de jeter un œil aux équipes adverses. Le Cadiz d’Álvaro est connu pour sa capacité à annihiler les forces de l’opposant pour prendre le contrôle des matchs.
Enfin la bonne année ?
Pour sa première saison avec sa nouvelle équipe en D2, il réussit à placer ses hommes à la cinquième place et qualifie donc tout ce beau monde pour les play-offs. Éliminé par Tenerife, l’ancien club de Cervera, Cadiz vit sa première désillusion sous l’égide de son nouvel entraîneur. En 2017-2018, le sous-marin jaune échoue à un point des play-offs après une période de surplace en fin de championnat. L’exercice suivant, les Andalous s’écroulent encore une fois en clôture et piétinent à quatre points de la zone de qualification pour la promotion.
Malgré ces échecs successifs, la continuité d’Álvaro Cervera n’a jamais été vraiment remise en question par sa direction. Une confiance qui permet à l’entraîneur de travailler dans un contexte favorable et apaisé. Cette saison, malgré quelques pertes notables comme Manu Vallejo, Aitor Garcia ou encore Roberto Correa, Cadiz réussit un départ canon avec huit victoires en dix rencontres. Soit le meilleur bilan depuis 80 ans. La raison de cette réussite ? Une méthode qui semble parfaitement comprise par son effectif et enfin de la réussite offensive, ce qui manquait à une des meilleures défenses de Segunda depuis son retour à ce niveau.

L’écosystème de Cadiz convient parfaitement à Cervera, comme il le confirme régulièrement en conférence de presse ou en interview. « Dans un football aussi convulsif, avec peu de patience, avoir une continuité dans deux clubs différents est une particularité, mais c’est en fait une confiance que les entraîneurs recherchent ». Il ajoute : « À Cadix, j’ai pu faire ce que je voulais en tant qu’entraîneur. Ici, j’ai eu le temps, les joueurs, le soutien du club« . En Andalousie, c’est aussi un Álvaro plus patient, qui prend du recul sur les choses et analyse les performances à tête reposée pour prendre les meilleures décisions. Sa méthode est aussi plus stricte et totalement différente de ce qu’il était comme joueur. Selon ses propres dires. « Il (Cervera joueur, ndlr) aurait du mal à être un démarreur et aurait eu des problèmes. Quand j’étais footballeur, je me suis rebellé contre tout, je pensais que tout était injuste. L’âge m’a fait voir qu’il n’en est rien. »
Les ajouts de Jurado, Lozana, Caye ou encore d’Alejo apportent énormément à Cadiz, qui ne vacille que sur coup de pied arrêtés. Devant, l’ancien de la Fabrica Alex Fernandez et Perea font la pluie et le beau temps. Cette dépendance sera d’ailleurs peut être inquiétante en cas de méforme prolongée d’un des deux au sein d’un championnat marathon. Cependant, cette domination actuelle est une ode à la continuité malgré les revers. Comme Machin avant lui, Álvaro Cervera n’a pas renoncé à ses idées de jeu, ce qui semble enfin payer. Attention à ce qu’un grain de sel n’enraye pas cette bonne dynamique, et que le club ne s’écroule pas de nouveau avant l’épilogue. Car le Ramón de Carranza et l’Aficion andalouse méritent de retrouver la Liga.