Ces dernières années, des petits nouveaux (Leganés, Eibar) sont venus décorer le paysage de la Liga. Au détriment, forcément, de quelques historiques relégués dans son antichambre. Saragosse, Malaga, Santander, la Corogne, tous peinent en effet à retrouver leur lustre d’antan. Furia Liga fait le point sur les cadors de jadis qui courbent l’échine à l’étage inférieur. Premier épisode avec Malaga.
Qu’il semble lointain, presque irréel, ce temps où Malaga poussait dans ses ultimes retranchements le Borussia Dortmund de Jürgen Klopp. Au Signal Iduna Park, la cité andalouse mène 2-1 à quelques encablures du terme et est en passe de rejoindre le dernier carré de la Ligue des Champions. Si la surprise est totale, le casting de ce Malaga opus 2012-2013 est plus attrayant que jamais : Caballero, Toulalan, Isco, Eliseu, Julio Baptista, Saviola… À la barre, el Ingeniero Manuel Pellegrini, revanchard d’un échec patent au Real Madrid. Deux réalisations de Reus et Santana dans les arrêts de jeu closent finalement le rêve des Boquerones. Dramatique à souhait, cet épilogue est un prélude des années noires à venir. Ou comment passer sans transition de l’apogée à la descente aux enfers.
Une lente descente aux enfers
Octobre 2019. Six ans et demi sont passés depuis ce fameux mois d’avril 2013. Dortmund continue de jouer les trouble-fêtes en C1, comme si le temps n’avait rien bousculer. Or à Malaga, justement, tout a changé. Dix-neuvième de Liga 2, le club végète dans les bas-fonds de Segunda Division. Et des supporters à la mémoire longue de s’inquiéter pour la pérennité même du club, déjà contraint de déposer le bilan en juillet 1992.
Une situation qui tire ses origines du rachat en 2010 par le prince Abdullah Al-Thani, cousin de l’émir du Qatar et propriétaire du PSG. Promettant monts et merveilles aux aficionados, le cheikh veut faire de son nouveau jouet le quatrième mousquetaire de Liga, aux côtés des deux écuries madrilènes et du Barça. Sauf que dès 2012, les impayés se multiplient, les meilleurs éléments sont bradés, les prises de décisions déléguées. Face à la crise, Al-Thani est aux abonnés absents.

Un retrait qatari synonyme de nouveau départ et d’assainissement ? Pas vraiment. Car s’il ne pose plus le moindre doigt de pied à Malaga, Al-Thani n’est pas pour autant éclipsé de l’organigramme. « En fait, le cheikh n’a pas quitté le club. explique Justo Rodriguez Lopez, journaliste pour la SER à Malaga. Il continue de le diriger depuis le Qatar et envoie régulièrement un conseiller (Richard Shaheen, ndlr) pour mettre en œuvre le plan de redressement ». Sans stratégie économique, possible repreneur ni même tentative de vente, le club vogue en plein imbroglio administratif. Et avec un trou de cinq millions d’euros dans les caisses à combler d’ici décembre, la situation est critique. « A court terme, c’est inquiétant. poursuit le journaliste. A long terme, le montant de la dette peut être assumer si tant est que le club se stabilise. Mais on peut craindre une disparition dans les prochains mois. »
Aucune éclaircie à l’horizon
Réputée moins draconienne que la DNCG, gendarme du football français, la Liga de Futbol Profesional (LFP espagnole) n’oublie pas de fixer quelques règles. Et a logiquement fini par sévir. Incapable de rentrer dans les clous des plafonds salariaux, Malaga s’est vu contrainte d’abaisser son effectif à dix-sept joueurs professionnels, et les dépenses ont été réduites de 40%. De quoi freiner, par exemple, la signature de l’international japonais Shinji Okazaki, reparti après trois petits matchs amicaux sous la tunique bleu-et-blanc.
Pas idéal pour entamer un championnat à quarante-deux joutes. D’autant qu’autour de la Rosaleda, pas un dirigeant n’est en mesure d’apporter la moindre garantie. « Personne ne parle, il n’y a aucune communication. » déplore Justo Rodriguez Lopez. « Malaga a présenté un plan de redressement en septembre qui ne devait pas être crédible, malgré qu’il ait été valorisé par Javier Tebas. Je dis pas crédible, car il sera réexaminé en novembre et décembre. » détaille Placido Rodriguez. Jusqu’à la fin de l’année civile, tous les scénarios restent envisageables. Sauf, a priori, celui d’une vente. « A court terme, il n’est pas prévu que la famille Al-Thani se sépare de sa propriété » juge le docteur en économie.

L’an dernier, Malaga avait fait fit des tracas en interne pour se hisser jusqu’aux barrages. Sur le podium derrière Osasuna et Grenade, le club pensait même tenir la corde de la remontée immédiate. La désillusion des play-offs et une brutale éjection dès les demi-finales contre la Corogne (deux défaites 4-2 et 1-0) sont venus porter un nouveau coup à une équipe affectée par l’incertitude qui plane. De nombreux départs, un effectif quantitativement peu fourni, l’intersaison augurait déjà une saison galère à suivre. Et force est de constater qu’après une victoire inaugurale sur la pelouse de Santander (0-1), le triste présage s’est confirmé. Neuf rencontres sans succès (cinq nuls et quatre défaites) ont fait reculer les Albicelestes à la dix-neuvième place, synonyme de premier relégable.
Au jeu des statistiques, la liste est encore longue. Pire attaque du championnat, troisième plus faible total de tirs cadrés par match (2,7 en moyenne !) une défense à cinq têtes fébrile (dix buts encaissés), et le sentiment, au bout d’à peine trois mois, d’un Victor Sanchez del Amo fataliste, malgré une abnégation et une lucidité à toute épreuve. « Le contenu et l’attitude ne sont pas bons » soufflait-il après le dernier revers à domicile, face à Huesca (0-2). A cela s’ajoute une trêve internationale qui mobilise plusieurs cadres (Gonzalez, Mohand, Bare, Anor, Villanueva) et des blessures à la pelle (Pacheco, Cifuentes, Boulahroud…). Un florilège qui a conduit les dirigeants malaguènes à implorer… le report du match face à Cadiz ce samedi, faute d’un nombre suffisant de joueurs professionnels ! Une situation ubuesque qui illustre toute la vulnérabilité d’un monument aux fondations bien fragiles. Mais qui peut compter, dans son malheur, sur des supporters qui sont encore 17 000 à garnir les travées de la Rosaleda. Et qui refusent de la laisser mourir.
Corentin Rolland