Adrián Embarba est passé par le Real Madrid et Getafe, mais c’est un autre club de Madrid qui lui a finalement offert la possibilité de devenir un football professionnel mais aussi un joueur de Liga. Footballeur enthousiasmant, en constante progression et qui offre sa meilleure version depuis son retour en Segunda cet été. Portrait du madrilène, capitaine d’un club particulier, sous les ordres d’un entraîneur différent et qui semble destiner à retrouver la Liga, avec ou sans la foudre.
Le football est une chose singulière, qui offre beaucoup mais qui exige énormément en échange. Réussir dans ce sport, demande d’être au bon endroit au bon moment plus que d’être le plus talentueux intrinsèquement. Adri Embarba est passé par nombreux clubs en étant adolescent puis à débuter en Tercera en étant un jeune adulte. Cependant à 27 ans, l’âge où beaucoup de footballeurs atteignent leur prime, Adrian montre logiquement la meilleure facette de son football mais est toujours en Segunda malgré ses 70 matchs en Liga au compteur. Portrait d’un garçon talentueux mais fidèle au club qui lui a permis d’être ce qu’il est, en dépit de l’atmosphère particulier autour du Rayo.
Une arrivée en Liga par la petite porte
Le natif de Madrid arrive très tôt au Real Madrid pour se former. Adrian est un 1992 comme Carvajal par exemple. Cependant, l’ailier quitte assez rapidement la Maison Blanche pour continuer sa formation ailleurs. On le retrouve durant un court instant à Getafe ou encore à Leganes par exemple. Actuellement déjà pas très grand, Embarba culmine à un mètre soixante douze, il a longtemps été refusé ou mis de côté à cause de sa petite taille en étant jeune. En 2011, Adri fait pourtant le grand saut et rejoint un club de Tercera.
Le gaucher quitte même Madrid pour signer au Club Deportivo Marchamalo dans la province de Guadalajara. L’histoire dure une saison, le temps de marquer 6 buts en championnat à 19 ans. L’année suivante, il reste en D4 mais se rapproche de Madrid en rejoignant le Real Club Deportivo Carabanchel et son stade appelé La Mina. Bien que n’ayant jamais connu la Liga, ce club est assez connu à Madrid et jouit d’une certaine popularité. Adri continue de se post-former dans une division où se mélange des équipes amateurs avec des formations bien mieux organisées. Embarba marque 9 buts et fait le grand saut l’année suivante.
En 2013, le madrilène rejoint le Rayo Vallecano, un club important, différent avec un passif qui dépasse son quartier de Vallecas et son stade si particulier. Sans refaire l’histoire du club à la diagonale rouge, cette formation dépasse clairement le cadre sportif et permet à un des derniers bastions ouvriers et pauvres de Madrid d’exister dans la capitale espagnole. On vient autant au stade pour protester que pour soutenir son club. Dans ce climat particulier, Adri ne va pas être impressionné surtout qu’il rejoint le club essentiellement pour renforcer la réserve, au début. Sauf que Paco Jemez semble apprécier le profil du joueur et le fait s’entraîneur avec les pro.

Le 30 août 2013, Iago Falqué se blesse et c’est l’ailier qui est désigné pour entrer. Il va jouer trente minutes de bonne facture face aux Granotes et passera même proche de marquer un très jolie but. Embarba a 21 ans et débute son histoire avec la Liga sans avoir été vraiment préparé à cela. Ses débuts se font dans une situation particulière, mais comme il l’a expliqué en zone mixte après le match, Embarba profite du moment présent et se sent bien. « Je n’oublierai pas facilement ce match. C’était un peu bizarre parce que c’est à cause de la blessure d’un partenaire, ce que vous ne voulez jamais, et je devais entrer sans échauffement. Je suis venu pour tout donner, en étant peut-être un peu nerveux au début, comme d’habitude. Mais après en étant dans la dynamique du match, je me suis senti plus à l’aise «
Une stabilisation compliquée mais toujours dans les petits papiers de Paco Jemez
Après ces débuts aussi surprenants que satisfaisants, Adri ne fait pas l’aller retour et reste avec les pro du Rayo. L’équipe détonne sous l’égide de Paco Jemez et joue un football suicidaire pour beaucoup mais qui permet aux madrilènes de se stabiliser en Liga. Le 433 est offensif, l’équipe cherche continuellement à avoir le ballon et vit pour le déséquilibre. Adrián finit cette première saison en D1 avec 11 matchs joués, tous remplaçant et avec une moyenne de 30 minutes par matchs disputées. Des statistiques intéressantes pour un garçon qui évoluait en D4 la saison précédente.
L’année suivante, Embarba monte en galon sans être encore un titulaire indiscutable. Il passe de 330 minutes jouées à 830. Embarba débute même 9 matchs sur 14 disputés et fini la saison avec 3 buts. Le Rayo se maintient encore une fois et le gaucher continue de progresser sous les ordres de Paco Jemez. Les deux s’apprécient beaucoup. L’année suivante, la saison où le Rayo va retrouver la Segunda et perdre son chauve fétiche sur le banc, le temps de jeu d’Adrian a explosé. Cependant il n’a trouvé le chemin des filets que deux fois. À la fin de la saison, il va quitter la Liga pour découvrir un nouveau championnat : la Segunda.
Le Rayo et Embarba resteront deux saisons à cet étage. La première, en 2016-2017 est très inquiétante pour le club. Sandoval puis Baraja ont du mal à stabiliser le club qui ne performe que peu. Le club finit quand même à la 12e place, une position assez decevante pour un relegué. En revanche, comptablement le saison est bonne pour Embarba. Le gaucher a encore augmenté son temps de jeu et s’affirme de plus en plus comme un taulier du club. Il a aussi améliorer ses stats avec 8 buts marqués et surtout affirmé son style tout en verticalité et vélocité. La saison suivante, il devient un indiscutable pour la légende Michel qui permet à Adri de passer un nouveau palier dans la performance et surtout de refaire monter le club en Liga. En 2018-2019, c’est un Embarba bien plus mur qui retrouve la Liga, avec un Rayo qui semble tailler pour de nouveau vivre quelques saison tout en haut de la pyramide du football espagnol.
Le capitaine digne d’un bateau en détresse
Pour ce retour en Liga, le Rayo va pourtant être fidèle à sa réputation de club instable comme toujours depuis l’arrivée de Martin Presa à la présidence du club. Les travaux de rénovations de Vallekas sont bâclés, le stade est même mis hors d’usage durant quelques semaines après des accidents dans un chantier tout sauf aux normes. Les débuts du club sont aussi difficiles, le recrutement a été tardif et l’équipe prend notamment un cinglant 4-1 pour son premier match à domicile puis un 5-1 pour le suivant. L’équipe de Michel ne sera jamais dans le coup et ne remportera qu’un match lors de ses 11 premières journées de Liga.
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La saison va être longue, bien plus longue que prévue. Embarba auteur d’un seul but lors de ce début de saison chaotique du club ne surnage pas mais réussi à se montrer. Comme Raul de Tomas ou encore Santi au milieu, on le remarque. Son touché de balle, sa volonté de toujours se porter vers l’avant, de dribbler, de frapper ou de centrer en font un joueur explosif. Adri veut faire mal à son adversaire sur chaque possession, en s’associant ou en la jouant en solo. Son activité défensive est aussi appréciée, sa liberté est pas encore totale mais il est de plus en plus protagonistes dans les matchs. C’était un petit jeune pas du tout préparé à ce niveau qui avait débuté en 2013 en Liga, en 2018 c’est un joueur bien plus mur et sûr de son jeu qui se montre à la Liga.
Lors de la 12e journée, après une défaite frustrante face au Barça 3-2, le madrilène récupère pour la première fois le brassard de capitaine. Preuve de son importance pour le groupe et pour son entraineur, Embarba symbolise beaucoup de choses mais représente surtout parfaitement le football de quartier voulu par les supporters du Rayo qui se déplacent en nombre et se font entendre même lorsque le club déçoit en match. Sous son capitanat, le club va vivre une bonne période qui va laisser entrevoir la possibilité d’un maintien malgré le mauvais début de championnat du club. Entre la 14 et la 21e journée, le Rayo gagne 5 matchs, Adri marque deux fois et fait une passe décisive. Cependant, ce retour en grâce n’est qu’un écran de fumée.
Le retour de Paco Jemez et un Embarba qui ne quitte pas SON club
Entre la 21e journée et la 28e, le Rayo enchaîne 8 défaites. Adri perd même le brassard et regoûte au banc. La légende Michel est destituée, ce qui est assez mal vécu par les Bukaneros, qui avaient juré fidélité à leur entraineur malgré les mauvais résultats. C’est un homme qui a permis de faire vivre aux madrilènes une superbe période qui est nommé en remplacement : Paco Jemez. Le chauve, qui après une bonne expérience au Mexique et une autre plus frustrante à Las Palmas retrouve le club qui lui a permis de montrer l’étendu de ses qualité. Lors de son retour, il retrouve donc Adri Embarba, qu’il avait lancé en Liga avec le club.
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Le club se remet un peu à l’endroit, Adri est directement impliqué sur les deux victoires du Rayo durant le mandant de Paco Jemez. Il fait deux passes décisives lors de la victoire sur Valence et marque le seul but du match face au Real Madrid, son ancien club. Adrián confirme qu’il a le niveau Liga alors que son équipe est officiellement réleguée en Segunda. Un an après l’avoir quitté et malgré de bonnes performances à l’étage supérieur, Embarba et son équipe retrouve donc la D2. Les étés sont toujours agités au Rayo, qui tente de conserver Mario Suarez et Advincula tout en essayant de retenir Adri. Cependant, l’ailier est courtisé, son nom est associé à l’Espanyol ou encore Alaves. Il le confirme lui même, il n’a été sur de son avenir que lors de la fin du mercato. Embarba reste donc au Rayo, sans pour autant être frustré par sa situation, il sait qu’il a de la chance de retrouver un coach aussi intéressant que Paco Jemez.
La relation entre le Rayo et Embarba est très particulière. En 2017, il se confiait déjà sur celle-ci. « Je l’ai toujours dit. Rayo est le club qui m’a donné tout, qui m’a rendu professionnel, c’est un sentiment. C’est un club différent et l’écosystème et l’équipe vous atteignent directement. Le Rayo m’a tout donné et j’espère pouvoir être ici longtemps ». Pour El Football de la Calle, il en rajoute une couche. « Il est clair que le Rayo n’a rien à voir avec les grandes équipes. Mais il est vrai que l’impact du football est très fort. Je pense que les joueurs ne sont pas totalement conscients de l’impact réel que cela a sur les gens, de l’argent qui bouge, des enfants … Cela a une énorme influence, pour le meilleur et pour le pire. »
Déjà trop fort pour la Segunda
Pour cette saison, 2019-2020 en Segunda, Paco Jemez est encore là, Adri aussi, l’ossature du club est bonne et l’objectif est clairement de remonter rapidement en Liga. Le jeu est présent aussi, Mario Suarez et Embarba sont déterminants dans les résultats du club. Les victoires ne sont pas encore là et après 10 journées le club ne tourne qu’à 1,3 point pas match mais l’effectif semble vraiment fort, le côté droit animé par le madrilène et Advincula régale, Ulloa répond aux attentes devant. Le style Paco Jemez est aussi fortement visible.

Le jeu d’Embarba est déterminant pour le jeu de possession tout en déséquilibre voulu par Paco Jemez pour son Rayo Vallecano. En ailier inversé, Adri régale de son talent la Segunda depuis le début de saison. Sur les 15 buts marqués par les madrilènes, le gaucher est directement impliqué sur 11 d’entre eux avec 4 buts et 7 passes décisives. Sa célébration où il embrasse son tatouage en hommage à sa mère qui est sur son avant bras est devenu culte. Cependant l’environnement autour du club est toujours compliqué, la guerre entre Presa et les Bukaneros a franchi un nouveau palier et une grève des encourageants est lancée depuis plusieurs semaines.
Capitaine par intermittence, Embarba est pourtant encore et toujours fidèle à ce club et tente régulièrement de faire passer des messages à ses dirigeants en plus de permettre au Rayo de performer en Segunda. Son aura est grandissante et la méthode Paco Jemez lui permet vraiment de grandir et d’être décisif de plus en plus régulièrement. Si la situation ne s’améliore pas au classement, il est probable que le nom d’Embarba va encore être annoncé proche de plusieurs clubs de Liga cet hiver et ça sera mérité pour un garçon qui progresse de façon linéaire depuis ses débuts en professionnel. Il a fallu un peu de temps, mais Embarba a définitivement le niveau Liga et c’est un peu particulier de le voir encore en Segunda. Que le Rayo en profite encore un peu, si la remontée n’est pas acquise en fin de saison, le gaucher va surement voguer vers d’autres terres pour faire étalage de son talent.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13