C’est l’un des hommes forts du système de Gaizka Garitano, Yuri Berchiche n’a d’ailleurs jamais connu le banc avec l’Athletic Club. Titulaire d’emblée lors de sa venue au club en juillet 2018, l’homme de 29 ans est désormais contraint de laisser sa place, affaibli par une blessure à l’épaule. C’est un poste occupé par le même employé depuis plus d’un an qui se voit chamboulé, tout comme les plans tactiques de Garitano. Mais qu’a Yuri de si spécial ?
Ses cris de douleurs ont retenti dans tout le stade San Mamés. Lors de la rencontre face au Valencia (défaite 0-1 des Basques), Yuri Berchiche ne parvient pas à se réceptionner après un duel aérien et chute violemment sur le dos. Incapable de se relever, le latéral est transporté dans la douleur sur civière. Il s’agit de la première blessure sérieuse du joueur.
L’équipe de Josu Urrutia (président de l’Athletic à cette époque, ndlr) n’a pas hésité à mettre la main à la poche pour s’attirer les services de Yuri Berchiche. Alors défenseur au Paris Saint Germain (PSG), le natif de Zarautz retrouve au Pays Basque un salaire proche de celui qu’il avait en France. D’après les informations que nous avons pu trouver, Yuri touche près de 4 millions d’euros par an à l’Athletic.
Une somme annuelle qui s’ajoute aux 25 millions déjà déboursées par le club bilbayen pour s’acquitter les services du joueur. « Son parcours au PSG a été court en raison du fair-play financier. Le club devait vendre de façon rapide, l’offre de l’Athletic est arrivée, elle était bonne et Yuri a donc été sacrifié alors qu’il avait conquis sa place de titulaire peu à peu » explique Philippe Goguet, fondateur de culturepsg.com.

A mis un joueur titulaire depuis cinq ans en tribunes
Si la seule et unique saison de Yuri Berchiche au PSG était jugée décevante lors de l’été 2018, il ne fait aucun doute que les Parisiens l’estiment davantage aujourd’hui. C’est particulièrement l’état d’esprit de Yuri qui manque. « Dire qu’il est regretté serait peut-être aller un peu loin. Il aurait été top dans un rôle de doublure de Bernat » nous confie Philippe Goguet. L’Athletic savait ce qu’il faisait en recrutant le Basque. En effet, celui-ci avait déjà montré de très bonnes prestations lorsqu’il défendait les couleurs rivales, chez la Real Sociedad. Après une expérience internationale dans les rangs du PSG, Yuri ne pouvait qu’apporter un plus au collectif de l’Athletic. Le seul joueur qui risquait d’en pâtir, c’était Mikel Balenziaga, titulaire depuis cinq ans au poste d’arrière gauche.
Cela n’a pas manqué, Eduardo Berizzo (entraîneur de l’Athletic entre juillet et août 2018, ndlr) a attribué la place de titulaire à Yuri Berchiche. Une situation que l’on imagine peu agréable pour un joueur tel que Balenziaga, qui a vécu de grands évènements avec l’Athletic – notamment la victoire de la Supercopa en 2015 – et qui conservait ce poste depuis qu’Ernesto Valverde l’avait fait venir en 2013. Mais Mikel Balenziaga n’a pas l’air de penser à un quelconque départ de l’équipe de Bizkaia. Lors de l’été dernier, il confirmait pour El Correo qu’il continuera de donner le maximum pour voir son nom parmi les joueurs titulaires. « L’entraîneur [Gaizka Garitano, ndlr] doit en choisir onze, chacun a ses atouts et ses défauts et il ne me manque rien pour être titulaire. Le coach fait des choix qu’il estime être les meilleurs pour l’équipe » a-t-il ainsi expliqué.

Des statistiques pas vraiment représentatives
On dit que les chiffres parlent d’eux-mêmes, mais ceux qui concernent Yuri Berchiche ne lui font pas d’éloges. Pourtant, le travail du Basque dans le jeu est très important dans la réussite de l’Athletic.
Deux buts et deux passes décisives lors de sa première saison dans le club basque. Des chiffres proches de ceux qu’il avait au PSG ou encore lors de sa dernière année avec la Real Sociedad, mais pourtant décevant en janvier 2019. En effet, les supporters de l’Athletic s’attendaient à une meilleure participation du latéral gauche dans les buts des Zuri-gorriak. Mais cette déception temporaire se cumule surtout avec les tristes performances générales de l’équipe dirigée par Eduardo Berizzo. Jusqu’à la destitution de ce dernier en décembre 2018, le jeu de l’Athletic accordait moins d’importance aux ailiers. Yuri, respectant les consignes de l’entraîneur, s’élançait moins vers l’avant. Il n’a d’ailleurs marqué qu’un seul but sous les ordres du coach argentin, alors qu’il a participé à trois autres lors de cette même saison, cette fois sous les ordres de Gaizka Garitano.

Le nombre de cartons jaune est davantage représentatif du jeu de Yuri. En effet, lors de la saison 2018/2019, l’ancien du PSG a cumulé huit cartons jaunes. Preuve de son style agressif, sûr de lui et parfois même provocateur. Une façon de jouer peu surprenante quand on accompagne des joueurs tels que Raúl García et Aritz Aduriz. En novembre 2018, Yuri a d’ailleurs écopé d’une suspension de deux matchs après une violente altercation avec l’arbitre du match contre l’Atletico (défaite des Leones, 3-2).
Le rôle essentiel de Yuri avec Garitano
Commentant son passage au PSG, Philippe Goguet souligne son manque de technique mais également son état d’esprit : « Sans être génial, il était fiable défensivement et physiquement. Il a toujours tout donné pour le PSG, malgré ses limites sportives ». L’importance de Berchiche est très différente à l’Athletic, avec Iñaki Williams il est le seul à avoir dépassé les 3 000 minutes jouées lors de la dernière saison.
C’est surtout depuis l’arrivée de Gaizka Garitano à la tête du club basque que le rôle de Yuri a gagné en importance. Le système de l’ancien entraîneur du Bilbao Athletic accordait beaucoup d’importance aux milieux de terrain mais les choses ont progressivement changé. Depuis quelques mois, Garitano concentre son style de jeu sur les latéraux, qui doivent jouer de plus en plus haut. Avec Ander Capa sur la droite, et Yuri sur la gauche, il dispose de joueurs rapides capable d’élancer le jeu vers l’avant et de déstabiliser les latéraux adverses. Cette saison, ce système a particulièrement porté ses fruits, Capa ayant délivré trois passes décisives lors des premières rencontres.

Mais Yuri n’a pas la même précision que Capa quand il s’agit de centrer. À l’inverse, il est plus décisif que l’ancien joueur d’Eibar face aux cages. Yuri est vif, agile et parfois même solitaire dans certaines contre-attaques. Il renvoie généralement la balle vers les milieux de terrain afin d’étirer le jeu qu’il a volontairement concentré sur l’aile. Berchiche reste cependant un défenseur et son état d’esprit combatif est un atout de taille pour ce rôle. Son jeu physique permet de ralentir les offensives adverses mais lui porte également préjudice dans sa surface. Un pénalty a ainsi été accordé à Mallorca lors de la rencontre entre les deux clubs (match nul, 0-0) après un tacle brutal de Yuri.
Qui pour parvenir à le remplacer ?
On apprendra, quelques heures après la fin du match contre Valencia, qu’une luxation de l’épaule droite lui a été diagnostiquée à l’hôpital. On estime son indisponibilité à environ un mois.
Autrement dit, Yuri Berchiche devrait manquer au moins quatre matchs et Garitano va devoir trouver comment le remplacer durant cette période. Quelle que sera la solution, le coach de l’Athletic devra modifier ses plans de jeu. La logique voudrait que Mikel Balenziaga retrouve sa place sur le côté gauche mais sa façon de jouer est en contradiction avec celle de Yuri. Balenziaga est un défenseur solide, capable d’un bon marquage mais pas des offensives de l’ancien du PSG. C’est tout le système de Garitano qui doit changer. Balenziaga joue plus bas, se risque peu à transpercer les lignes adverses. C’est un joueur fidèle au jeu d’Ernesto Valverde lorsqu’il était à l’Athletic, les latéraux ont un rôle davantage défensif, de protection des ailes plus que de contre-attaques.
D’autres possibilités peuvent être utilisées par Garitano, mais elles présentent toutes de gros inconvénients, preuve de l’importance de Yuri dans ce système. L’une d’elle voudrait mettre Iñigo Martinez sur la bande, un poste qu’il a déjà occupé occasionnellement avec la Real Sociedad. Unai Núñez aurait ainsi son opportunité dans la charnière. Mais mettre un central de formation en latéral pourrait s’avérer risquer, surtout si un rôle offensif lui est attribué.

Iñigo Lekue, progressivement de retour, pourrait davantage s’accaparer du rôle de Yuri mais tout porte à croire que Garitano optera pour un joueur confirmé tel que Balenziaga. Une chance ne devrait donc pas être accordée au joueur polémique Cristian Ganea, qui a à peine joué 70 minutes officielles la saison dernière, avec l’Athletic.
Yuri, l’homme essentiel
Si en début de saison dernière, Yuri Berchiche décevait une partie des supporters – qui s’attendait à une meilleure participation dans les statistiques de l’Athletic – il est clair que les choses ont changé aujourd’hui. Comme nous le confirme Philippe Goguet, « il s’est toujours donné à fond au PSG ». C’est pareil à l’Athletic où l’ancien parisien a trouvé dans le système de Garitano le rôle qui lui convient à merveille.
Si les statistiques de buts et passes décisives sont toujours au point mort en ce début de saison, Yuri est cependant perçu comme un élément essentiel dans les offensives basques. En ce mois de septembre, le natif de Zarautz ne s’est jamais cantonné à son morceau d’aile, quitte à se retrouver plus haut que les ailiers. Il est à l’origine de nombreuses occasions de buts et ses frappes – généralement depuis l’entrée de la surface – trouveront les filets avant 2020, si son retour ne se fait pas trop attendre…

Et vous, si vous étiez dans la peau de Gaizka Garitano, quel joueur mettriez-vous à la place de Yuri Berchiche ? Jouer la sécurité avec Balenziaga, tenter le tout pour le tout en déplaçant Iñigo Martinez, donner une chance à Ganea ou encore essayer de retrouver un style offensif avec Lekue ?
Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade