Alexis Sanchez, à l’approche de ses 31 ans, retrouve l’Italie, un championnat qui lui a permis de se faire remarquer sur le Vieux Continent. Avant de retrouver un autre lieu qui lui a permis de franchir plusieurs paliers, le Chilien est encore à la croisée des chemins. Son histoire avec le football, crampons aux pieds, se rapproche de son terme et l’attaquant laisse encore une sensation particulière pour de nombreux observateurs. Retour sur sa progression et ses aléas, d’Udinese jusqu’à Milan, en passant par le Barça et l’Angleterre.
Alexis Sanchez a marqué de son empreinte le football des dix dernières années. Entre son association avec Di Natale à Udinese, son niveau intéressant à Barcelone puis ses buts avec Arsenal. Tout cela en réalisant un doublé avec le Chili en Copa America, le Chilien est un offensif qui sait être impactant. Cependant il n’a jamais vraiment confirmé sur la durée, a toujours coulé après avoir touché les étoiles sans jamais réussir à se stabiliser entre le haut du panier et le fond du trou. En Italie, avec un entraîneur capable de tirer le maximum de ses joueurs, le natif de Tocopilla est en quête de relance. Avant d’affronter le Barça et de retrouver le Camp Nou, flash-back sur la carrière d’un écureuil qui ne se ménage pas.
Au Barça pour lancer son premier cycle
Alexis Sanchez rencontre très vite le football européen alors qu’il n’a que 18 ans. L’Udinese de Pozo le recrute alors qu’il joue encore à Cobreloa au Chili. Cependant, il va continuer de se post former en Amérique du Sud, d’abord à Colo Colo puis à River Plate. Sur ce formidable continent de football, Alexis joue, enchaîne les matchs et les buts. À 20 ans en 2008, le Chilien est pour la première fois membre à part entière d’un club de Série A. En Italie à Udine, Alexis va se chercher, jouer dans différentes positions et sous différents coachs. Il tarde à confirmer son talent même si on apprécie son implication et surtout sa capacité à faire des différences balles au pied.
Cependant tout bascule sous les ordres de Guidolin. L’Italien sait qu’il a un crack sous ses ordres, un vrai, mais son rendement est décevant. Sur un côté, il ne participe pas assez au jeu, il semble bridé, enfermé, comme un oiseau en cage qui reste épris de liberté. Alors, après une série de contres performances et lors d’une trêve internationale, Francesco change de système et aligne un 352. Alexis est associé à Di Natale. Le Chilien peut alors dézonner, toucher le cuir, changer de direction et surtout tirer, beaucoup. On le remarque et l’offensif enchaîne les buts. Alexis finit cette saison 2010-2011 avec 11 buts en championnat. Il est courtisé, notamment par la Juve de Conte, et l’Inter sauf que c’est un autre géant qui rafle la mise.
À l’été 2011, il débarque donc dans le Barça de Pep Guardiola. L’équipe est à son apogée, vient de remporter sa quatrième Ligue des Champions et propose un jeu incroyable. Avec Cesc Fabregas, ils doivent apporter une profondeur de banc et des styles différents. Le milieu espagnol, ancien de la Masia, plus au fait du haut niveau s’adapte rapidement, même si son aventure catalane restera finalement contrastée. De son côté Alexis a plus de mal. Il marque, mais on retient sa faculté à perdre le ballon, à faire les mauvais choix. Son retour sur un côté le dessert fortement et son rendement interroge. Le Chilien alterne les périodes de disettes avec celle d’abondance, une situation qui le poursuivra toute sa carrière.

Le départ du génial catalan et l’arrivée de son fidèle adjoint Tito Villanova en tant que numéro un du club doit permettre au Barça de perpétuer ses résultats et son jeu de qualité. On ne le sait pas encore mais la saison des Blaugrana va être tronquée par les soucis de santé de Tito qui aboutiront au tragique. Sanchez livre les mêmes performances, il est un bon joueur de complément, capable de marquer ou de performer sans pour autant avoir assez de continuité pour embêter les titulaires habituels que sont Villa et Pedro. Il n’est jamais totalement en dedans mais son jeu reste trop différent des standards du Barça. Les premières voix s’élèvent autour de son arrivée, de sa capacité à s’intégrer dans ce moule et surtout si le Barça peut le mettre dans les bonnes conditions pour cela.
Et Alexis Sanchez pris feu ce qui le conduit à un … départ
A l’été 2013, le Barça nomme Tata Martino comme entraîneur principal. Son CV interroge, mais il semble avalisé par le clan Messi. L’Argentin est adepte d’un jeu plus conservateur, on évoque même le mot de défensif et surtout il aime la verticalité. Malgré son incapacité à vraiment prendre la mesure du costume, Tata va pourtant réussir à mettre Alexis Sanchez dans les meilleures conditions. Même avec l’arrivée de Neymar qui semblait le condamner à Barcelone, le Chilien va réussir à sortir sa meilleure saison en termes de buts après avoir été déclaré intransférable lors de l’été.
Souvent à gauche, mais aussi à droite ou en pointe, Alexis Sanchez profite directement du nouveau style mis en place Tata Martino. Il va marquer 19 buts en 27 titularisations en Liga, son meilleur bilan de réalisations mais aussi en de temps de jeu en Espagne. Malgré son peu de réussite en Europe tempéré par ses bonnes performances dans les gros matchs notamment face au Real (3 buts en six clasico en Liga), Alexis redevient courtisé et le départ Martino ne le protège plus. Pourtant enfin décisif sur la durée d’une saison, personne ne retient l’offensif. L’écureuil est un joueur intéressant mais pas vital pour la réussite du club.
En 2014, Alexis quitte l’Espagne après avoir rempli son armoire à trophées et découvre un nouveau championnat. Arsenal lui offre une quarantaine de millions d’Euros et un gros salaire qui doit permettre à Arsène Wenger de retrouver les sommets en championnat. Le club londonien, qui était surtout connu pour sa gestion des finances, se met à investir massivement à l’instar de l’arrivée de Mesut Ozil un an plus tôt. Ses débuts sont prometteurs et contrairement à sa signature à Barcelone, cette fois le Chilien a un statut de star en puissance. Alexis Sanchez a 26 ans et peut basculer dans la classe des géants en compagnie de l’Allemand avec les Gunners.
Nouveaux problèmes et une seule saison référence en Angleterre
Après une première saison à 16 buts en championnat et une FA Cup, Alexis Sanchez retombe dans ses travers. Pourtant sa saison 14/15 est vraiment encourageante, le Chilien est même déterminant dans le parcours en Coupe qui aboutit au titre. Double buteur face à Reading en demi finale puis buteur pour le 2-0 en finale, Sanchez montre qu’il a le niveau pour être impactant comme les meilleurs.

Pour la saison suivante Arsène Wenger le remet trop souvent sur le côté et ses performances s’en ressentent. Il marque encore sa dizaine de buts mais sa saison n’est pas aboutie pour beaucoup. Sa prolongation de contrat refait surface régulièrement, on évoque aussi son salaire et certains spécialistes expliquent que le Chilien voit en Arsenal qu’un simple tremplin pour la suite de sa carrière.
En 2016-2017, Alexis Sanchez retrouve le centre du terrain et les sommets en termes de performance. Très responsabilisé et en soutien d’un buteur, il trouve le chemin des filets 24 fois en championnat et soulève une nouvelle FA Cup où il est encore déterminant en ouvrant le score à Wembley après 4 minutes de jeu face à Chelsea en finale. Il ne semble pas boxer dans la même catégorie que ses coéquipiers et finit avec un bilan toutes compétitions confondues incroyable avec 30 buts et 11 passes décisives.
Pour Will de GodSaveTheFoot cette saison référence fait pourtant ressortir le côté sombre du buteur. « Sa « grinta » et ses performances lui ont ainsi valu des éloges de toute part, mais derrière cela, l’on remarquait un joueur de plus en plus individualiste, rouspéteur et isolé de ses coéquipiers. » Le buteur est pourtant tout en haut de l’affiche et une idole au pays avec ses deux Copa America remportées coup sur coup en 2015 et 2016.

Cependant comme à Barcelone, alors qu’Alexis Sanchez trouve une stabilité dans les performances il n’est pas vraiment retenu. Malgré un vrai lien avec les supporters comme l’explique bien Mikel Arteta : “Alexis court, tente et ne se cache jamais, c’est pourquoi l’équipe le cherche et les fans le valorisent tant. Je pense que son seul secret, la vraie raison pour laquelle il est si bon, c’est son désir de bien faire, d’être le meilleur » explique son ancien capitaine. Arsène Wenger lui n’hésite pas à la tacler en conférence de presse.
Durant l’été 2017 et avec une seule année de contrat restante, Wenger semble las des demandes extravagantes du clan Sanchez surtout qu’Arsenal ne dispute pas la Ligue des Champions cette saison. Tout le monde sait ce que peut apporter l’offensif mais il ne semble encore une fois pas vraiment vital dans l’éco-système londonien. Arsenal veut faire signer Thomas Lemar et se met d’accord avec Manchester City pour libérer l’écureuil. Le deal ne se fait pas, le Chilien reste donc à Londres, le cœur lourd et avec une grande frustration. Dans le même temps, Ozil signe une très grosse prolongation de contrat.
Sa dernière saison avec les Gunners est logiquement décevante. Will de GodSaveTheFoot revient sur cette saison frustrante pour tout le monde. « Ses performances, progressivement fades malgré des coups d’éclat décisifs, témoignent de ses envies d’ailleurs. Finalement, il s’envolera pour Manchester, échangé contre Mkhitaryan, accompagné d’un contrat faramineux. Son arrivée à United divisera les opinions, entre optimistes et pessimistes. Bien que le contexte mancunien ne soit pas des plus propices, l’échec est cuisant pour Sanchez, qui n’est plus que l’ombre de lui-même. » En 2017-2018, Alexis vit sa première saison en dessous des 10 buts en championnat depuis 2010-2011.

Sa saison 2018-2019 ne ressemble à rien, le Chilien est blessé, ne réussit plus à faire de différences et surtout n’a plus la confiance de personne. Pour un joueur qui marche à l’affectif comme lui, ça en est trop. Même Arsène Wenger qui n’a pas été tendre avec lui est peiné. Pour Beinsport, il a tenté d’expliquer cette baisse de forme significatif. « Je pense qu’il a perdu confiance. Ce sont les joueurs les plus affectés quand ils perdent confiance en leur jeu ».
Alexis Sanchez, le grille pain des footballeurs ?
À l’été 2019, Alexis Sanchez est persona non grata à Manchester United mais peu de clubs se positionnent sur lui. Son salaire est monstrueux, son niveau proche du néant et son physique interroge. Lors du dernier jour du mercato, pendant que son comparse de transfert Mkhitaryan rejoint la Roma, Alexis signe aussi en Italie pour l’Inter de Milan d’Antonio Conte. L’idée semble la bonne, le Chilien doit montrer qu’il a encore le niveau pour être impactant et ne pas quitter le haut niveau par une si petite porte.
Comme l’explique Paul Focki, ce transfert est cependant vue comme une bonne opportunité pour le club Nerazzorru. « Sanchez c’est un peu un coup « à la Tévez ». Lorsque la Juve avait pris l’Argentin c’était pour le relancer et le pari, bien que risqué, s’est avéré plus que payant ! Espérons que ça soit la même chose avec Sanchez. Au vu de ce qu’il a montré lors de ses premières minutes, on peut être plein d’espoir ».
Cependant, alors que le Chilien va retrouver le Barça et le Camp Nou avec un rôle central sur le terrain, se pose une question sur ses capacités réelles et sa perception par ses entraîneurs et clubs. Alexis Sanchez est un garçon connu, courtisé, capable de marquer et faire des différences mais rapidement, on se rend compte qu’il n’est pas si nécessaire dans les performances de son club. Pourtant, il coûte cher et on hésite pas à investir beaucoup d’argent sur lui. Et si le Chilien n’était pas juste l’allégorie footballistique d’un grille pain ?

Un grille pain, c’est l’exemple parfait d’un gadget qu’on peut désirer tout en finissant par mettre un jolie paquet d’argent dessus parce qu’avoir des tartines prêtes en 3 minutes c’est chouette non ? Et puis le côté rétro c’est super dans la cuisine. Mais quand on a craqué et après quelques utilisations sympathiques qui nous ont sustentés, on se demande si cet appareil n’est pas simplement qu’un gadget pas vraiment nécessaire et rapidement, on essaye de s’en débarrasser parce qu’il prend de la place sur le plan de travail.
L’idée n’est pas de manquer de respect à Alexis Sanchez, au contraire il aura réussi de grandes choses en Europe. Mais à l’aube de l’un de ses derniers défis, cette incapacité à se fixer dans un club et cette faculté à être poussé vers la sortie dés qu’il arrive à trouver de la continuité dans les performances interrogent. Surtout qu’Alexis Sanchez est un joueur affectif qui a besoin de sentir son coach totalement derrière lui. Antonio Conte qui aime le joueur et qui le voulait déjà lorsqu’il était à l’Udinese sait tout ça, et après l’avoir laissé se remettre en forme, il l’a logiquement intégré dans son équipe. Très probablement titulaire pour ce deuxième match de Ligue des Champions, Alexis Sanchez a l’occasion de prouver qu’il peut encore performer sur la durée, et qu’il est plus que l’équivalent footballistique d’un grille pain ?
Benjamin Bruchet
@Benjamin_13