Tactique / Espagne 4-0 Îles Féroé : la Roja change d’apparence mais pas d’idées

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Remaniée à l’occasion du match contre les Iles Féroés, la Sélection espagnole s’est passablement adaptée aux joueurs présents sur le terrain. L’équipe de Robert Moreno navigue encore à vue. 

José Mourinho rappelait cet axiome récemment, les entraîneurs ont des principes de base, inaltérables, qui peuvent être complétés par des adaptations ça et là en fonction de différents facteurs. L’Espagne a illustré les paroles du technicien portugais hier, contre les Iles Féroés. Seuls Rodrigo et Ramos faisaient parties du onze ayant affronté la Roumanie trois jours plus tôt, ce qui entraînait des modifications de toute part dans l’animation des hommes de Robert Moreno, L’idée générale, elle, se maintenait.

Succession de bizarreries au milieu

Les premières minutes ont été placées sous le signe de Thiago. On a vu le joueur du Bayern dans un double-pivot comme ce fut le cas juste avant la Coupe du Monde 2018, poste aux grandes responsabilités lui convenant peu. Hier, le numéro 10 a exercé son football dans un rôle un peu hybride. Il bénéficiait d’une telle liberté qu’il a commencé la partie dans ce rôle de milieu organisateur, venant chercher le ballon très bas, en parallèle de Parejo. Ce dernier se décalait pour lui laisser du champ libre, et on voyait même Rodri modifier sa position afin de créer un espace d’intervention plus vaste pour l’ex du Barça. De la sorte, l’Espagne commençait la partie avec un rythme élevé, dansant au gré de l’hyperactivité du frère de Rafinha.

À mesure que le temps passait, l’aîné des Alcantara perdait peu à peu du protagonisme au profit de… Sergio Ramos. On aurait pu s’attendre à ce que ce rôle soit investi par Rodri, voire Parejo, mais aussi étrange que cela puisse paraître, le central finissait par diriger les attaques espagnoles en camp adverse. Même Rodri jouait plus bas que lui, protégeant son capitaine en cas de perte. Il suffit de tendre la main à Ramos en le mettant central droit (étant droitier, cette position lui permet d’avoir accès à davantage de possibilités avec ballon) et il vous prend le bras, s’adjugeant les responsabilités de gérer le rythme de l’équipe.

Après avoir cédé son rang à Thiago, Parejo voyait comment il se faisait encore voler la vedette, cette fois par le nouveau co-recordman de capes avec la Roja. Dysfonctionnelle, cette approche était corrigée à mesure que la mi-temps avançait. Ainsi, l’Espagne était moins compacte avec ballon, fluidifiant son attaque positionnelle. « Il y a eu trop d’hommes derrière le ballon » a reconnu le sélectionneur en conférence de presse. Le temps de Parejo était enfin venu. Plus durable, cette configuration avec un relayeur bas et un autre bien plus libre plagiait celle aperçue en Roumanie jeudi.

Conventionnalité

Retour à la normale donc. Pourtant, les sur-dépassements de fonction de Thiago et Ramos n’avaient pas empêché la Selección d’être à l’aise dans le match. Jamais elle n’a dû faire des pieds et des mains pour imposer sa loi en camp adverse. Le pressing féroïen inexistant lui avait grandement facilité la tâche. Et puis, l’équipe locale avait trouvé quelques voies pour tenter d’inquiéter son adversaire. Le côté droit composé de Suso et Carvajal – toujours un à l’intérieur et l’autre à l’extérieur – animait quelques peu les débats. Alors que Jesús Navas s’était chargé de produire des étincelles avec ses dribbles contre la Roumanie, le latéral du Real Madrid, lui, permettait aux siens de maintenir la structure avec ballon. Toujours ouverte, la ligne de passe en sa direction était une garantie de pouvoir avancer. Pour ce qui était d’accélérer le jeu, le Madrilène laissait les commandes à Suso, malheureusement peu inspiré. Sauf pour repiquer à l’intérieur, quand bien même c’est de la largeur dont cette équipe avait besoin.

Plus de contrôle, tel était le credo espagnol pour cette rencontre. Face aux Roumains, ils avaient choisi d’être un peu plus directs, misant sur les appels de Rodrigo et Alcacer. La présence de Saúl et Ceballos, moins dans l’élaboration que dans l’attaque, servait à ces élaborations rapides. Là, la largeur apportée par les ailiers ainsi que la présence de Parejo faisaient baisser le rythme. Côté bénéfice, l’Espagne était parfaitement en place à la perte du ballon. Elle pouvait de la sorte appliquer un pressing ne laissant aucune chance aux Féroïens de s’en sortir. Mieux encore, ce pressing était collectif, les uns complétant les mouvements des autres pour piéger leurs adversaires. En revanche, côté déficit, l’activité dans le dernier tiers était de faible qualité.

Remonté en cours de mi-temps pour apporter un peu de profondeur, Thiago se retrouvait dans la même zone qu’un Rodrigo peu en vue, tout comme Oyarzabal et Gayà. La Roja se résolvait finalement à centrer pour apporter du danger dans la surface adverse. Sans différences faites sur les ailes ni d’interiores capables de faire des appels dans les demi-espaces, il était trop compliqué d’avancer. C’est pour cette raison que Robert Moreno a fait entrer Álcacer en seconde période. Les centres se verraient dès lors légitimés par sa présence sur le terrain, qui elle-même se verrait légitimée par un doublé.

En résumé, cette seconde sortie de l’ère Robert Moreno a surtout servi à tester des joueurs. Il existe pléthore de profils différents, à qui le sélectionneur a donné une chance. En revanche, pour disposer de certitudes sur le jeu espagnol, il faudra attendre la prochaine trêve internationale.

Elias Baillif

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