Bibiane Schulze : Tempête allemande sur la philosophie de l’Athletic Club

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La rumeur avait pris beaucoup d’ampleur à la mi-juin, la défenseuse Bibiane Schulze Solano intéressait fortement l’équipe féminine de l’Athletic Club. Joueuse prometteuse de 20 ans, elle a tout le charme que les clubs cherchent dans les futures pépites. Pourtant, le recrutement – désormais officiel – de Bibiane inquiète plus qu’autre chose à Bilbao. En effet, voir une Allemande dans l’équipe féminine accroît des méfiances déjà existantes quant aux intentions du nouveau président de l’Athletic, Aitor Elizegi. 

Une politique de recrutement menacée par le président

Avec sa phrase « Qui suis-je pour dire que des gens ne sont pas Basques ? », Aitor Elizegi avait annoncé la couleur. À la tête de l’Athletic Club depuis la toute fin du mois de décembre, l’ancien chef cuisinier avait laissé entrevoir des changements dans la philosophie vieille de 121 ans du club de Bizkaia.

La politique de recrutement de l’Athletic est, en théorie, simple. Seuls les joueurs nés ou formés en Euskal Herria peuvent prétendre porter le maillot rojiblanco. L’ancien président Josu Urrutia a respecté à la lettre cette politique, sans pour autant éviter les polémiques auprès des socios. Des joueurs issus de l’immigration avaient alors pu rejoindre le Lezama – le centre de formation – sans avoir d’origines basques. Formés en terres basques, ces jeunes n’ont aucun lien historique avec cette région, ce qui n’a pas été du goût de tous les supporters. Aitor Elizegi s’était alors appuyé sur cette pratique pour dénoncer les agissements de son prédécesseur. « Selon les dirigeants actuels [Josu Urrutia], un joueur qui atterrit à 17 ans au Pays Basque rentre dans la philosophie. Mais le fils de deux Basques en Idaho, lui, ne peut pas jouer à l’Athletic ? » avait-il notamment expliqué.

Cette explication avait trouvé un certain écho dans un club où les supporters sont très attachés à leurs racines, et où la fierté du maillot est vue comme essentielle pour les joueurs. Mais les critiques autour du recrutement de Bibiane Schulze Solano montrent que cette nouvelle politique n’est pas forcément du goût de socios qui ont pourtant, voté pour lui.

Aitor Elizegi avait été élu à une centaine de votes d’écart avec son unique concurrent [Crédits : Aupa Athletic]

Bibiane, une Allemande descendante d’une légende de l’Athletic

Née dans la ville de Bad Soden, Bibiane Schulze Solano n’a en apparence rien de Basque. Mais lorsque l’on s’intéresse à son arbre généalogique, un nom attire de suite l’attention… José María Belauste.

Ce nom ne vous dit sûrement rien, sauf peut-être si vous vous êtes intéressés aux origines de la Furia Roja ou à l’histoire de l’Athletic Club. José María Belauste est un monument dans l’histoire de la naissance du football espagnol comme on le connait aujourd’hui. Ayant participé aux mythiques Jeux Olympiques de 1920, il fait partie de ces joueurs ayant contribué à la naissance de la Furia Roja. Milieu de terrain du début du XXe siècle, Belauste n’a connu qu’un seul club, l’Athletic. Avec les Leones, le joueur a remporté à sept reprises la Copa del Rey – titre national le plus important, à une époque où la Liga n’existait pas encore. Il est également l’un des onze joueurs ayant débuté titulaire le premier match de l’histoire du stade San Mamés, en 1913. Son style de jeu très physique en fait une légende dans l’histoire originelle de l’Athletic Club.

C’est donc de cela dont parlait Aitor Elizegi. Ouvrir l’Athletic aux descendants de Basques, bien que vivant aujourd’hui en dehors d’Euskal Herria. Mais le recrutement de Bibiane divise les supporters. Le fait qu’elle soit l’arrière-petite-fille de José María Belauste ne changeant finalement pas grand-chose. Certains socios ont d’ailleurs tenté le tout pour le tout, en démontrant que la joueuse n’a aucun lien avec le Pays Basque, et qu’elle n’est donc pas apte à défendre le maillot zuri-gorriak.

José María Belauste en 1915 [Crédits : Aupa Athletic]

Elizegi refusant finalement d’écouter les socios

Lors de sa campagne, Aitor Elizegi avait également prévu de régulièrement consulter les sociétaires, afin d’avoir leurs opinions sur différents sujets. « Ce sont les socios qui font l’Athletic, pas moi ». Sûrement la phrase qui avait le plus marqué les électeurs, à la recherche d’une plus grande place dans la vie de l’Athletic. Mais s’il y a bien un thème qu’il aurait dû aborder avec eux, c’est celui de la philosophie. Pour montrer leur mécontentement, mais aussi pour faire réagir les autres supporters, certains ont pris les devants, quitte à analyser la vie publique de Bibiane Schulze Solano.

Bien entendu, les socios ne sont ni détectives privés, ni médiums. Impossible pour eux de voir si elle a un maillot de l’Athletic dans sa garde-robe, ou si elle a un quelconque attachement pour le Pays Basque. Ils ont donc fait avec un moyen dont ils disposent tous, les réseaux sociaux. Peut-être vous-a-t-on déjà dit de faire attention à ce que vous laissiez apparaître sur Internet ? Vous allez rapidement comprendre que chaque détail à son importance.

Bibiane Schulze Solano avec Francfort [Crédits : Bibiane Schulze Solano]

L’analyse de la vie de Bibiane par certains supporters

En commençant par étudier les pages aimées par la joueuse sur Facebook, nos socios détectives ont constaté l’absence de tout J’aime attribué à une page en lien avec le Pays Basque. Un premier détail peu embarrassant pour Bibiane, que les enquêteurs n’ont pas vraiment retenu contre elle. Mais la seconde découverte qu’ils ont faite sur son Facebook l’a rendue suspecte ; un J’aime sur la page « Hala Madrid », relayant toutes les actualités autour du Real Madrid. Un élément compromettant pour l’arrière-petite-fille de Belauste, désormais accusée d’avoir le club madrilène dans le cœur. Chose fortement déconseillée si vous souhaitez un jour défendre le maillot de l’Athletic.

L’analyse de sa page Facebook ayant porté ses fruits, nos Hercule Poirot de Bilbao ont poursuivi, s’intéressant cette fois-ci à son Instagram. On y trouve pour la première fois un lien avec le Pays Basque puisque Bibiane Schulze Solano y conserve un historique de photos (storys, ndlr) intitulé ‘País Vasco’. Nous pouvons y voir quatre photos et vidéos la montrant au Pays Basque, pendant les vacances de Noël, avec son frère. Ce qui semblerait être un premier point positif pour la principale suspecte est cependant contrasté avec un léger détail sur sa biographie. En effet, nous pouvons trouver un drapeau espagnol à côté de son âge. Dans une région très marquée par le nationalisme basque, la présence de ce drapeau jaune et rouge est rarement bien vue. Les enquêteurs ont rapidement fait un lien avec la page « Hala Madrid » sur Facebook.

Par la suite, Bibiane Schulze Solano a restreint son compte Facebook et n’a pas hésité à retirer le drapeau espagnol de son Instragram. Preuve d’une volonté d’insertion dans la communauté basque ? Les « petites cellules grises » de Bilbao restent sceptiques.

L’intervention de la mère pour défendre sa fille

Dès le 22 juin, dans une interview accordée à El Correo, Mara Solano Belausteguigoitia avait annoncé que sa fille allait signer à l’Athletic car « elle veut jouer à sa maison ».

Les déclarations faites par la mère de Bibiane semblent avoir pour objectif de prouver que sa fille est attachée au Pays Basque, et que c’est à l’Athletic et nulle part ailleurs qu’elle veut jouer. « Elle a reçu plusieurs autres offres, une du Pays Basque et plusieurs de Liga Iberdrola, elle vient ici car elle veut jouer à la maison » a-t-elle notamment expliquée au journaliste Javier Muñoz. La mère de la joueuse, qui porte toujours le nom de Belauste, affirme que sa fille a commencé à jouer au football sur la plage de Lekeitio, en Bizkaia.

Bibiane a d’ailleurs des amis dans cette ville de 7 000 habitants, où vit également son grand-père maternel. Vivant à une heure du San Mamés, c’est donc bel et bien à l’Athletic qu’elle veut jouer. Sa mère explique d’ailleurs que Bibiane connait plusieurs joueuses de l’équipe féminine de la capitale de Bizkaia. Le changement ne sera pas radical pour elle, qui fait de nombreux déplacements en terres basques, l’été mais aussi à Noël, comme l’explique à nouveau sa mère.

Bibiane Schulze Solano avec son ancienne équipe [Crédits : Carlotta Erler]

Bibiane Schulze Solano n’est pas Basque de naissance, au contraire de la famille de sa mère. Cette dernière montre cependant que sa fille est attachée à la région, et que si elle veut jouer à l’Athletic c’est qu’elle estime que c’est chez elle. Son interview n’a pas manqué de calmer les ardeurs de certains socios, qui demandent maintenant à écouter ce qu’a à dire Bibiane.

L’unilatéralisme d’Elizegi comme principal problème

Difficile de savoir quel courant est majoritaire. Pour une forte partie des socios, le principal problème est de ne pas avoir été consulté. Recruter une joueuse ni née, ni réellement formée en Pays Basque devrait selon eux avoir l’approbation majoritaire des socios. Pour une autre partie des supporters, ce recrutement unilatéral inquiète, car il pourrait ne pas être le dernier et ainsi menacer l’histoire de l’Athletic Club. En conférence de presse ce lundi, Aitor Elizegi a affirmé ne pas comprendre qu’il y ait un débat autour de ce recrutement. « Bibiane connait et comprend la philosophie de l’Athletic depuis des années, elle connait la Bizkaia et Bilbao et respecte cet écusson [sur le maillot] » a-t-il notamment expliqué. Pour lui, Bibiane est Basque et il ne peut lui interdire de jouer à l’Athletic.

Ses paroles, jugées trop fermes, intriguent de nombreux supporters. Inquiets, ils se demandent si leur club n’est pas en danger lorsqu’il est dirigé de cette façon, sans concertation avec ceux qui font l’Athletic – selon les paroles du président lui-même. La contestation autour du recrutement de Bibiane Schulze Solano est peut-être davantage une critique faite à l’encontre du président qu’à l’égard de la jeune joueuse… À Bilbao, certains ne voient plus que deux choix. « Soit on laisse l’Athletic sombrer ainsi, soit on s’unie et on se bat pour ne pas laisser les choses se faire ainsi ! » peut-on entendre dans certains groupes de supporters.

Bibiane Schulze Solano aurait appris à jouer au football sur une plage basque [Crédits : son Facebook]

Le climat social est donc plus que tendu au sein de l’Athletic Club, la popularité d’Aitor Elizegi est en forte baisse et c’est bien sa démission qui est réclamée sur les réseaux sociaux. Bibiane Schulze Solano semble être, malgré elle, le déclencheur de cette importante contestation.

Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade

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