Le football est le sport roi partout autour du globe. En Amérique du Sud, la passion pour le ballon rond est décuplée que ce soit sur le terrain ou en tribune. Les rivalités sont fortes dans un continent où les confrontations entre les différents pays sont nombreuses et répétées. Retour sur les prémices du football argentin sur la scène mondiale avec l’histoire de José Lago Millan, l’Espagnol qui a conduit l’Argentine lors de ses premiers JO et sa première tournée en Europe. Avec en fond, la structuration et l’émancipation du football argentin et sud américain mais aussi la rivalité avec l’Uruguay.
C’est l’histoire d’un homme qui est né en 1893 à Pontevedra en Espagne. José Lago Millan va pourtant franchir très tôt l’océan Atlantique et poser ses valises en Argentine alors qu’il n’a que treize ans. La bas il va s’essayer à différents sports et surtout devenir un expert en préparation physique. Au point de devenir un professeur de sport dans un des lycées le plus réputés du pays. En 1927 José Lago est nommé sélectionneur de l’équipe d’argentine pour diverses coupes mais surtout pour la Copa America 1927 organisée au Pérou. Son style est dans la droite lignée des anciens sélectionneurs notamment Vazquez. Pour faire simple, le comité de direction de la fédération privilégie des profils d’expert en préparation physique pour préparer au mieux les joueurs au match. L’aspect tactique ou technique des sélectionneurs n’est pas encore pris en compte dans le choix des techniciens
Millan à la tête d’une Argentine aux dents longues
Lors de sa nomination, le football argentin est déjà très puissant et bien implanté au localement. José Lago se retrouve à la tête d’une sélection qui a déjà soulevé deux Campeonato Sudamericano, l’ancêtre de la Copa et qui est à cette période la deuxième place forte du continent juste derrière la supposée meilleure équipe du monde : l’Uruguay. La région qui a été pendant longtemps laissée au ban du football mondial par la FIFA est en train de rattraper son retard tout d’abord en devenant le premier continent à former une fédération régionale mais aussi avec les résultats de l’Uruguay lors de JO de 1924.
Cependant l’Argentine en a marre de finir constamment derrière l’Uruguay dés qu’un titre est en jeu. A cette période, la rivalité entre les deux pays est à son paroxysme alors que les deux sélections pratiquent un superbe football. C’est simple, entre 1916 (la date du premier Campeonato Sudamericano ) et 1927, l’Argentine a terminé 6 fois deuxième derrière son voisin … Ses deux seuls titres, l’Albiceleste les a remportés en devançant deux fois le Brésil. Pourtant en termes de victoires, l’Argentine est devant et fait souvent la différence dans les confrontations organisées en dehors des compétitions officielles. Des résultats qui tendent les supporters des deux camps qui se répondent souvent violemment avant, pendant et après les matchs.

José Lago Millan a donc une mission : battre l’Uruguay en compétition et devenir l’homme qui va faire découvrir le football argentin au monde entier. La raison ? L’édition 1927 du Campeonato Sudamericano organisé par le Perou, nouveau participant à l’exercice, est qualificative aux Jeux Olympiques d’Anvers en 1928. La fédération argentine qui se débat autour du professionnalisme et qui pratique des salaires dissimulés veut montrer qu’il est un grand afin de s’engouffrer dans les discussions pour la participation à la Coupe du Monde, de plus en plus évoquée par la FIFA.
Une Argentine ambitieuse et chantante en 27 et 28
Avant le coup d’envoi de l’ancêtre de la Copa America, l’Albiceleste de Millan va disputer deux matchs amicaux déguisés en trophée sur un match : la Copa Lipton et la Copa Newton. Les deux matchs sont face à l’Uruguay l’un à Montevideo l’autre à Buenos Aires. À l’extérieur, l’Argentine sort vainqueur mais perd la revanche à domicile. Un partout balle au centre entre les deux géants de l’époque, on départagera tout ce beau monde lors du Campeonato Sudamericano de 1927.
Pour ce championnat où le Brésil n’a pas pris part mais où les deux frères ennemies affrontent la Bolivie et le Pérou, c’est l’Argentine qui sort grande vainqueur. Pour son premier match, l’Albiceleste va s’offrir la Bolivie sur le score large de 7-1. Carricaberry va marquer un quadruplé notamment. La démonstration est réelle et les différences de niveau importantes. Le 20 novembre dans un stade où près de 30 000 personnes se sont tassées, l’Argentine et l’Uruguay s’affrontent dans la rencontre qui doit désigner le vainqueur de la compétition. La Celeste a remporté largement ses deux premiers matchs quand l’Argentine a encore une autre rencontre à jouer. Dans ce match à couteaux tirés et dans une ambiance folle c’est l’Uruguay qui comme son habitude prend le meilleur en premier. l’Argentine réussit à égaliser et prend ensuite les devants à 20 minutes du terme. Pour une fois, tout un pays rêve de battre son grand rival dans une grande compétition.
Cependant à 10 minutes du terme, l’Uruguay remet les pendules à l’heure. Le match est encore plus tendu et lorsque Canavessi marque le 3e but argentin, c’est tout un pays qui explose de joie. Le score en reste là, l’Argentine est tout proche d’un titre. Le dernier match n’est qu’une formalité, l’Albiceleste a enfin battu son rival et plus fervent adversaire en compétition, s’adjuge un titre et se met à rêver. L’objectif est maintenant clair : l’Argentine doit remporter les JO de 1928 pour mettre à mal la supériorité de l’Uruguay sur le continent.
L’Argentine à la conquête du monde
Ce titre acquis pour la première fois renforce les ambitions des Argentins. Depuis maintenant plusieurs années, la fédération assume son football latin et s’est totalement émancipée de l’influence britannique qui a pourtant structuré son football. Ce titre argentin après le sacre mondial de l’Uruguay en 1924 permet de prouver aux yeux du monde la qualité du football sud américain. En 1925, de nombreux clubs brésiliens, argentins ou encore uruguayens vont amorcer des tournées en Europe plus ou moins longues. Des clubs européens font le chemin inverse notamment des britanniques avec Everton et Tottenham qui viennent jouer sur ce continent qui vibre intensément pour le football.
Pour préparer au mieux les Jeux Olympiques, l’Argentine va organiser une petite tournée européenne avant de se rendre en Hollande. Au programme un match face au Portugal, le premier de l’histoire face à un adversaire non Sud-américain puis deux affrontements face au Barça et à l’Atletico en Espagne. Face aux Lusitaniens, l’Albiceleste se contente d’un nul mais va battre les Colchoneros avant de tomber 4-1 face au Barça. Le bilan est tout de même bon pour Lago et son groupe. Après quelques tractations qui verront notamment Manuel Seoane rester au pays, le sélectionneur espagnol réussi à faire une liste de joueurs qui devront ramener la coupe à la maison. Le 235 à la mode en Amsud est rodé, le plan semble trop parfait.

Pour son premier match face aux modestes étasuniens, l’Argentine ne fait pas de cadeaux et inflige un cinglant 11-2 à son voisin du nord. Le début de la démonstration de l’Albiceleste. En quart et en demi, les hommes de Millan trouvent le chemin des filets 12 fois et arrivent plutôt aisément en finale. Lors de cet ultime match, il retrouve une vieille connaissance : l’Uruguay qui va donc défendre son titre. Le match est encore une fois haché et les duels disputés. Le premier match se termine sur un score nul, il y aura donc un match d’appui. 2 jours plus tard, la Celeste bat l’Albiceleste 2-1 et s’offre un doublé. L’Argentine part dépitée mais cette performance restera comme l’une des meilleures de l’histoire de la sélection dans cette compétition, jusqu’en 1996.
Après cette finale qui a encore failli virer au pugilat, le célèbre Carlos Gardel profite de la présence des deux équipes à Paris pour tenter de rabibocher tout ce beau monde. La tension est à son paroxysme et les coups ne vont pas tarder à pleuvoir en même que les insultes. Un Stradivarius est même cassé sur la tête d’un joueur lors de cette rixe. José Lago Millan quittera son poste et l’Argentine ne parviendra plus à réussir à l’échelle mondiale avant bien longtemps. Sur le continent, l’Albiceleste continuera d’asseoir sa supériorité mais reste derrière l’Uruguay en matière de Copa America gagnée… L’Espagnol retrouvera le banc de la sélection en devenant l’adjoint de Manuel Seoane pour le Campeonato Sudamericano remporté par … les Argentins face au Brésil.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13