Tottenham – L’Espanyol pour définir la méthode Mauricio Pochettino

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Alors qu’avec Tottenham Mauricio Pochettino s’apprête à vivre un nouveau tournant dans sa carrière d’entraîneur en disputant une finale de Ligue des champions, le coach argentin tire les recettes de son succès après un passage significatif en Espagne, à l’Espanyol. Retour sur une période charnière. 

Février 2009. L’Espanyol battait pour la première fois depuis 27 ans le FC Barcelone dans leur antre. À la tête de cette équipe, un homme arrivé en cours de saison et pourtant plein de hargne et d’ambitions, Mauricio Pochettino. Face à lui pourtant, Pep Guardiola, auteur d’un triplé légendaire plus tard avec les Blaugrana. Au coeur d’une rivalité exacerbée, cette victoire, 2-1, à force de folie, de courage, a fait d’une équipe inexpérimentée un collectif devenu fort mentalement grâce à son coach.

« L’Espanyol était en bas et Barcelone tout en haut. Tout le monde disait que l’Espanyol était mort et n’avait aucune chance ». « C’était une victoire spéciale même si je ne sais pas comment nous l’avons fait », Pochettino après la rencontre pour Sky Sports

Une rencontre qui résumait l’Espanyol mais aussi les idées du coach Pochettino. Alors que moins d’un mois après son arrivée les Catalans étaient au bord du précipice, proches de la relégation, Mauricio Pochettino redonnait du souffle et des ambitions à ses joueurs. Lui qui avait pourtant repris un groupe dépourvu de conviction et de confiance avant de les mener à une victoire historique en derby et vers de nouvelles grandes ambitions.

Du cauchemar au rêve avec à l’Espanyol

Si son amour pour l’Espanyol s’était vite déclaré en tant que joueur puis entraîneur, les premières expériences de Pochettino en tant que coach ont été fortes et riches en enseignements. Propulsé entraîneur de l’équipe première masculine de l’Espanyol alors qu’il n’était qu’assistant de l’équipe féminine du club en 2008, l’Argentin s’était fixé un sacré défi. Le club catalan se trouvait dans une situation précaire et ne pouvait pas recruter. En plus de l’espoir de survie, naissait un sentiment de conquête renforcé par le cerveau supervisant l’auteur d’un sublime retournement de situation.

« C’était le troisième ou le quatrième match sous ma responsabilité et j’avais commencé à définir un style différent à l’Espanyol. Le plan était de presser haut et de surprendre. Je me souviens d’Eto’o, d’Henry, Yaya Touré, Puyol et Iniesta, tous à leur apogée, et nous avons réussi à les surprendre avec la façon dont nous avons joué ».

Crédits Photos : Daily Spurs

De quoi même impressionner Guardiola. « Il y a des équipes qui vous attendent et des équipes qui vous cherchent. L’Espanyol te cherche. Je me sens très proche de leur style de football. Il s’agissait d’être traqué et poursuivi sans relâche par une équipe qui avait mis très peu de temps à une approche très différente ».

Depuis cette victoire au Camp Nou, l’équipe était lancée à plein régime, huit victoires en dix derniers matchs, avec une dixième place au classement dans le viseur. De bons résultats permettant de faire fit d’une crise financière qui avait plongé le club dans une véritable tourmente, encore incapable de se positionner sur le marché des transferts.

Bercé par les chants tactiques de Bielsa

L’Espanyol se tournait alors vers un projet à long terme. L’actuel coach de Tottenham avait donné de l’élan à la jeunesse tout en assurant la stabilité de l’équipe avec la venue régulière de nouveaux talents, venus compenser le manque de recrues. Les meilleurs joueurs étaient vendus pour collecter des fonds et Pochettino devait faire preuve d’imagination et de confiance.

Sa grande influence, ses méthodes de fin tacticien, Mauricio Pochettino les a appris aux côtés d’un maître en la matière. Entraîné par Marcelo Bielsa lorsqu’il jouait au Newell’s Old Boys, au tout début de sa carrière, dans les années 90, l’ancien défenseur central a été bercé par des chants qu’il ne tardait pas plus tard à faire apprendre à ceux qui voulaient (ou non) les entendre. Malgré la pression, Pochettino montrait tout son potentiel. L’accent était mis sur l’attaque mais toujours avec une structure défensive, un pressing agressif couplé à une bonne organisation. Les influences de Bielsa sont claires. Mais Pochettino ne serait pas Pochettino s’il n’avait pas rajouté sa touche de contrôle.

Un style reconnu

Pochettino a imposé son style à toutes les équipes de jeunes du club dès le premier jour. De l’équipe première à l’équipe B, tous ont joué ce qui allait devenir la marque de fabrique de l’ancien joueur argentin. L’Espanyol s’était très vite adapté à la méthode Pochettino, dans une formation en 4-2-3-1 d’abord, puis dans un 4-4-2 qui correspondrait mieux à la progression et au développement de l’équipe. Comme entraîneur, Pochettino s’est vite montré comme quelqu’un de perfectionniste. Il a assisté aux entraînements des équipes à tous les niveaux et a entraîné des jeunes de tous les groupes d’âges du club. La progression devait être constante, Pochettino allait jusqu’à imposer à chaque jeune de jouer dans une catégorie supérieure à la leur.

Un pari risqué mais ambitieux. Parmi les joueurs marquants qui ont été révélés sous son ère, Victor Ruiz et Javi Marquez. L’analyse de Pochettino était minutieuse, presque obsessionnelle à l’instar de son mentors El Loco. Il enregistrait même les matchs ce qui lui permettait de suivre de manière détaillée les développements tactiques au cours des rencontres. Un succès aussi dû à une équipe inchangée encore aujourd’hui, Pochettino toujours aussi bien entouré par Jesús Pérez, Miguel D’Agostino et Toni Jimenez ses fidèles adjoints.

Crédits : Thesefootballtime

Solide et fluide offensivement, tout en restant fidèle à aux principes du coach, le système mis en place était aussi rare qu’efficace. Les améliorations, sont nettes, rapides et radicales. L’ambiance morose avait laissé place un enthousiasme contagieux. Pour sa première saison sur le banc de l’Espanyol, Pochettino amenait ses joueurs jusqu’à la 11e place. Des victoires essentiellement à domicile, une force aujourd’hui décuplée et poussée à son maximum comme aujourd’hui à Tottenham (12 victoires sur 19 matchs à domicile remportés cette saison en Premier League). La saison suivante marquait un tournant dans les idées du coach au point que l’équipe visait une place européenne et le top quatre. Mais les restrictions économiques du club additionnées à une certaine complaisance qui s’était peu à peu installée ont conduit l’Espanyol de la cinquième à la huitième place.

Entraîneur paternel

Alors que beaucoup de jeunes doivent gagner la confiance de leur coach pour espérer progresser, Pochettino défendait ses joueurs avec beaucoup de coeur afin qu’ils soient plus à l’aise avec lui que le contraire. Pochettino insistait sur la cohésion d’équipe et tout comme Bielsa apprécie ses joueurs au point d’être plus que sentimental. Des sentiments qui ne l’ont pas empêché de garder les idées claires. L’intensité des séances d’entraînements n’en était pas moindre, voir éreintantes. Double séance d’entraînement, travail de remise en forme, exercices axés sur le ballon courts et intenses, rien n’était laissé au hasard. Impitoyable comme un père avec ses fils en somme.

« Il vous fait travailler comme un chien. Parfois tu as envie de le tuer mais ça fonctionne », a déclaré Osvaldo, attaquant de son maître à l’Espanyol puis à Southampton.

Les choix étaient forts. Raul Tamudo capitaine et pourtant amis de longue date de Pochettino avait été poussé vers la sortie par son entraîneur après avoir été démis de ses fonctions de leader du vestiaire. Le coach de l’Espanyol était intraitable jusqu’à renvoyer son préparateur physique, alors parrain de son fils.

De la dure réalité au renouveau

Malgré tous les efforts, la vérité était bien dure à avaler pour Mauricio Pochettino. Frustré par la perte de joueurs clés toujours plus importantes chaque année, il était impossible pour lui de mettre en place une réelle stabilité. Malgré une belle première partie de saison 2011/12 en haut du tableau de Liga, l’Espanyol terminait 14e. L’ambition, l’envie, le travaille avaient cette fois laissé place à désillusion, à l’épuisement d’un travail acharné qui ne paye pas.

Le temps de Pochettino à l’Espanyol s’achevait donc la saison suivante, en novembre 2012 à la suite de seulement deux victoires en douze matchs. Dix joueurs s’en étaient allé le même été, achevant la tentative de stabilité et de grandeur de Pochettino à l’Espanyol. Devenu une icône du club, plus qu’un simple entraîneur, l’ancien défenseur est encore vu aujourd’hui comme un grand optimiste et un bosseur/rêveur acharné.

« Je serai toujours disponible pour l’Espanyol si nécessaire à l’avenir »

Ses expériences à Southampton et Tottenham n’auront fait que confirmer que Pochettino est l’un des entraîneurs les plus intuitifs et respectés d’Europe. S’il s’apprête à passer un nouveau cap peut-être en remportant une finale de Ligue des Champions avec les Anglais, son coeur reste pourtant en Espagne. Une chose est certaine, en quittant l’Espanyol, Mauricio Pochettino s’est fait une promesse, celle d’être toujours présent pour son ancienne équipe. Et comme il l’a si bien dit, une Champion’s c’est bien, le maintien de l’Espanyol c’est mieux.

Soledad Arque-Vazquez

@solearquev

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