John Toshack a fait lever les foules en tant que joueur de Liverpool. Puis, il a vogué au gré du vent sur les bancs entre son Pays de Galles natal, le Portugal, avant de visiter l’Espagne, la France ou l’Iran. Retour sur l’histoire longue 40 ans de John Toshack ou JB, entre le royaume d’Angleterre et celui d’Espagne.
L’histoire commence à Cardiff au Pays de Galles, dans une ville où le club phare prend part au championnat organisé par la Fédération anglaise de football. John Toshack est un avant-centre d’une très grande taille. Une sorte de longue carotte qui fait fureur à cette période au Royaume-Uni. Le foot des années 60 ou 70 sur l’île est très simpliste et surtout statique. Pour faire simple, on cherche à connecter avec un joueur au large qui va mettre le ballon dans la boîte pour trouver un avant-centre. Celui-ci doit alors catapulter le ballon au fond ou tenter de créer le bazar dans la surface, ce qui doit profiter à un offensif plus mobile. À Cardiff City, en seconde division, où Toshack a commencé à 16 ans, il surperforme et grandit. A 18 ans, il refuse un transfert à Fulham alors en première division, afin de ne pas brûler les étapes. Après moultes saisons de haut niveau, Toshack signe à Liverpool en novembre 1971. Son histoire va alors changer de dimension.
La victoire sur le Barça et le partenariat avec Kevin Keegan, symbole d’un Liverpool légendaire
John Toshack va rester près de huit saison sur les bords de la Mersey, sous la tunique des Reds. Anfield est une enceinte imprenable qui rugit comme un seul homme. Avec Bill Shankly sur le banc, Liverpool se reconstruit et tente de retrouver les sommets. Toshack marque dans le derby face à Everton quelques semaines après son arrivée mais sa saison est morose. Le club vie une saison blanche et finit cinquième de D1. Cependant cela reste encourageant ; le club a notamment joué une finale de FA Cup face à Arsenal. L’arrivée d’un petit lutin quelques jours avant cette finale va pourtant tout changer au club. Mais à ce moment, personne le sait vraiment.

Kevin Keegan est arrivé en provenance de Scunthorpe quelques jours avant que Liverpool ne soit balayé en finale de FA Cup. Milieu offensif ou second attaquant d’une taille ridicule, il ressemble à un enfant quand il se tient à côté de John Toshack. Les deux vont pourtant devenir inséparables sur le terrain et vont former l’un des duos l’un plus importants de Liverpool. Lors de cette saison, 71-72, Liverpool se bat pour la première fois réellement pour le titre depuis trois ans, mais va encore vivre une saison blanche et frustrante. Tout bascule pourtant l’année d’après, après sept ans sans titre. En 73, Liverpool soulève le championnat et la Coupe UEFA. Le duo Keegan et Toshack sont une arme redoutable pour Bill Shankly. La doublette passionne tout le royaume et beaucoup pensent qu’ils ont une relation non verbale très très forte, à tel point que l’on parle de télékinésie. La saison 73-74 est moins folle. Pool ne soulève qu’une FA Cup. Et surtout, Shankly, démissionne.
Sous la direction de Bob Paisley Liverpool vit une nouvelle saison blanche et des parcours très courts dans les différentes coupes. Cette anomalie est corrigée dés la saison suivante. En 76, Liverpool soulève un nouveau championnat mais surtout une nouvelle Coupe de l’UEFA. Au terme d’un parcours formidable où les Reds n’auront perdu qu’un match, Liverpool dispose de Bruges en finale. En demies, Toshack écrit une grande part de l’histoire du football anglais en permettant à son équipe d’être la première équipe de l’île à battre le Barça en Espagne.
Ce but face au Barça de Cruyff est resté gravé dans sa mémoire. En 1977, Keegan et Toshack, que l’Angleterre appelle affectueusement Batman et Robin, permettent à Liverpool de réaliser un doublé championnat-C1 absolument dingue. Encore auteur de pas mal de buts importants, Toshack voit pourtant son influence décroître à cause des blessures. En 78, après pas moins de trois championnats anglais, une FA Cup, deux Coupe de l’UEFA et deux Coupes des clubs champions, le géant gallois quitte les Reds le cœur lourd pour une destination tout à fait surprenante.
Des débuts en D4 avec Swansea jusqu’au titre de champion d’Espagne, le géant Toshack est devenu stratège
Plus du tout apte à jouer régulièrement alors qu’il n’a que 29 ans, John Toshack ne veut pourtant pas raccrocher les crampons. Après avoir postulé à Cardiff, son club, le Gallois se tourne vers un autre club gallois quand il reçoit une réponse négative du club. A même pas 30 ans, le haricot gallois devient l’entraîneur-manager de Swansea en D4 et par la même occasion, le plus jeune manager de l’histoire du championnat. Tout va très vite s’enchaîner pour lui alors que la mission a tout d’un casse pipe au départ. En s’appuyant sur l’expérience de Griffiths, le coach qu’il a remplacé devenu son adjoint, l’ex buteur reprend en main tout le club. Après l’avoir professionnalisé notamment dans tout ce qui est nutrition et consommation d’alcool (décision assez contre-culturelle à l’époque), les résultats sont tout de suite au rendez vous. Après quatre ans à la tête du club, Swansea fête sa montée historique en D1. Trois fois promu en quatre ans, Toshack devient une légende du club.
En 1981, après avoir été promu en première division, Bill Shankly ne tarit pas d’éloges sur son ancien protégé. L’écossais qualifie le travail du gallois « d’exceptionnel » et rajoute : « je dirais qu’il est probablement le manager du siècle« . Pour sa première saison tout en haut de la pyramide du football anglais, les hommes de Toshack vont encore une fois surprendre. Et dire que tout le monde leur prédisait l’enfer… Mieux encore, Swansea sera plusieurs fois leader, notamment à trois mois du terme du championnat. L’exploit semble en marche mais de nombreuses blessures ont raison de la forme des Swans.
Contrairement aux anciennes saison, Toshack ne peut plus se faire rentrer en tant que libéro dans son fétiche 532 pour forcer des résultats. Cette baisse de forme peut aussi s’expliquer avec un jeu particulier joué par Liverpool. Les Reds auraient fait fuiter la possible retraite de Bob Paisley pour attirer un Toshack qui a toujours rêvé du poste. Les Gallois se seraient relâchés, Liverpool finit en tête du championnat et Paisley ne quitte jamais son poste … Swansea termine tout de même à une satisfaisante sixième place mais une chose s’est brisée en Toshak.
Un exil salutaire
La saison suivante, Swansea est englué dans une crise financière et se retrouve relégué. En 83, le club subit une deuxième relégation consécutive et Toshack démissionne de son poste pour revenir quelques semaines plus tard. En 84, le gallois quitte définitivement le club et Swansea est de nouveau relégué. En 85, le club est en faillite et la gestion financière de l’entraîneur est mise en cause. Cependant John a déjà retrouvé un poste autre part. Le coach va poser ses valises dans un pays assez surprenant. Après avoir notamment refusé le poste de manager d’Aston Villa, il est nommé à la tête du Sporting Portugal. L’histoire ne dure qu’une saison. L’ancien de Liverpool finit deuxième en championnat et ne soulève aucun trophée.
Au moment où Swansea se déclare en faillite, Toshack se retrouve sur les bancs de la Real Sociedad en Liga. A cette période, le club a encore une philosophie identique à l’Athletic et ne recrute donc que des Basques. Cependant, l’institution dans laquelle arrive le Gallois n’a plus grand chose à voir avec l’équipe qui a soulevé deux Liga en 81 et 82, en plus d’avoir atteint la demi-finale de la coupe des clubs champions en 83. L’équipe est composée majoritairement de jeunes qui ne connaissent pas ou peu le haut niveau. Le nouveau míster a du pain sur le planche.
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Habitué à faire évoluer ses équipes en 352, JT va conserver son approche avec la Real, tout en s’adaptant aux joueurs en présence Cette fois, ce sont trois lignes de trois qui sont alignées, avec devant, un buteur qui doit finir le travail. Les débuts sont assez compliqués pour l’équipe, mais dès que les joueurs ont intériorisé le système, les résultats suivent. Le jeu est très tonique et les attaques viennent de partout. L’équipe commence à être suivie et progresse au classement. Pour sa première saison en 86 la Real termine septième puis cinquième l’année suivante. Des joueurs comme Txiki Begristian ou Loren explosent sous les ordres du gallois. En 88, la Real retrouve les succès et soulève une Copa del Rey pour clôturer une décennie de succès. En championnat, les Basques ne sont dépassés que par le Real de la Quinta del Buitre. Toshack est au sommet de son art, enfin, on le pense.
La confirmation au Real de Madrid avant une longue pente descendante
En 1989, après une cinquième place en Liga avec la Real, Toshack fait le grand saut et est nommé entraîneur principal du Real Madrid. La Maison Blanche rafle tout en Espagne et notamment les quatre derniers championnats et la dernière Copa, mais ne réussit pourtant pas en Europe. Pourtant pour beaucoup ce Real est l’un des plus beau de l’histoire par son jeu et ses joueurs. John Toshack devenu affectueusement JB pour John Benjamin (ses deux prénoms, personne ne l’appelant juste John en Espagne) reprend donc le club avec une Quinta qui semble en bout de course. En fin de saison, le Real de John Benjamin soulève la Liga, perd en finale de Copa et est sorti en huitièmes de C1. Une saison bonne mais pas excellente pour la maison blanche de Toshack. Ça sera pourtant le seul titre de championnat national remporté par l’ancien de Liverpool avant un long moment.
Cependant, derrière les lignes de stats, le 532 ou 3331 de Toshack font des merveilles en championnat. Cette Liga, le Real l’a remportée surtout à domicile, en giflant ses adversaires. Pendant longtemps, cette équipe a été la seule équipe à avoir passé la barre des 100 buts en Liga. A Madrid, on se souvient de lui pour avoir fait signer Hierro à cette période mais aussi pour quelques phrases mythiques. Le Gallois avait la réputation d’être assez désagréable, ce qui se traduisait dans certaines saillies telles que « je suis un connard sympa » ou « Sanchís est la pire personne que j’ai eu la malchance de croiser« . Sympa cette manière de s’adresser à une légende du Real…. Après 12 matchs et trois défaites de rang lors de la saison suivante, Toshack est limogé et se retrouve de nouveau sur le marché. Il prend son congé avec philosophie : « tous les entraîneurs sont licenciés, mais c’est mieux d’être viré par le Real Madrid que par un autre ». Quelques semaines plus tard, le gallois est nommé à la Real Sociedad.
Dans un club où il est considéré comme un local, il ne va pourtant plus retrouver le chemin des succès. Après avoir terminé en 91 à la 5e place, son équipe n’accrochera pas la première partie de tableau durant ses trois saisons de banc. En 94, il quitte le Pays basque mais reste en Espagne et rejoint le Deportivo la Corogne, entre les époques du Superdepor et de l’EuroDepor. Puis, JT devient sélectionneur du Pays de Galles le temps d’un match avant de poser définitivement ses valises à la Corogne. Le Depor vit sa plus belle période à son arrivé et vient de soulever une Copa Del Rey. Toshack ne trouve pas vraiment la formule et son équipe termine 9e en Liga mais réussi à disputer une demi finale de Coupe de vainqueurs de Coupes. Il démissionne en court de saison suivante après des dissensions avec sa direction.
Le bon et le mauvais John Toshack
Après cette nouvelle déconvenue, JB quitte l’Espagne et pose ses valises en Turquie. Il n’a que 56 ans mais déjà une solide expérience coaching. Il signe à Besiktas un géant endormi. Pour sa première saison dans ce nouveau pays, Toshack soulève deux coupes en 98. En Turquie Toshack pique de nombreuses colères mais maintient le cap. Tout se passe de nouveau pour le mieux et l’ex du Real semble avoir retrouvé la formule. Pourtant, tout bascule en 99. Le Real Madrid revient toquer à la porte du gallois qui ne peut pas refuser la proposition … En février, il est nommé en remplacement de Guus Hiddink à la tête de la maison blanche.
A son arrivée le club est sixième d’un championnat qu’il terminera à la cinquième place sous les ordres de John Benjamin (retour en Espagne, retour de ce patronyme). La déconvenue est grande mais l’entraîneur est maintenu dans ses fonctions. Cependant les dissensions en interne restent grandes et le Real baffouille son football en Liga la saison suivante. Après une défaite 3-2 face au Rayo, Toshack explose et fustige notamment son gardien. Tout s’enflamme, son président exige des excuses mais son employé en rajoute une couche avec son devenu célèbre : « il y a plus de chance qu’un cochon vole au-dessus du Bernabeu que je retire mes commentaires« . Logiquement, JB est démis de ses fonctions et commence un long périple un peu partout en Europe et ailleurs.
On le retrouve notamment à l’ASSE où on retient surtout de son passage l’ardoise monstre laissée aux dirigeants du club dans un restaurant du coin. Puis il repasse rapidement à la Real avant de s’envoler pour Catane, étape italienne avant de revenir en Espagne pour être relégué avec Murcia. Toshack semble être l’ombre de lui même, ses défauts ayant phagocytés toutes ses qualités. Cependant, lors de cette période trouble pour lui, il aura notamment lancé Casillas au Real en 99 mais aussi Xabi Alonso lors de son troisième passage à la Real Sociedad, en le rappelant notamment d’un prêt à Eibar.
Le métier de sélectionneur pour retrouver le goût du coaching
C’est chez lui, en tant que sélectionneur du Pays de Galles que Toshack retrouve une relative stabilité de 2004 à 2010. Cependant sa nomination a fait des remous. De nombreux joueurs connus tels que Gary Speed ou Robbie Savage ont annoncés leur retraite internationale peu de temps après sa nomination. Mark Hughes avait aussi fustigé ce choix reprochant à Toshack de ne pas avoir les qualifications requises pour le poste. Les débuts seront chaotiques et remplis de polémiques. Encore une fois cependant, on retient aussi les premières caps qu’il a offertes à des joueurs qui feront le succès de la sélection par la suite comme Gareth Bale ou Ashley Williams. L’ossature qui a régalé à l’Euro 2016 a eu ses premières sélections sous l’illustre gallois. C’est aussi ça, John Toshack entraîneur.

Quelques mois après cette démission, on le retrouve en Macédoine encore une fois dans le rôle de sélectionneur. L’histoire ne dure que huit matchs et prend fin après que Toshack a refusé de s’installer au pays. Ensuite c’est dans un club azéri qu’il pose ses valises. Il démissionnera avant la fin de la saison. En 2014, à près de 65 ans, le coach retrouve un poste au Wydad Casablanca. Sa nomination est saluée par tous les fans et il est accueilli comme une star. L’histoire va durer presque trois ans. Toshack va retrouver le chemin du succès en soulevant un championnat du Maroc en 2015. Cependant après une lourde défaite face à Zamalek en demi finale de C1 Africain face à Zamalek, il démissionne encore une fois de son poste.
En 2018, on retrouve la trace de notre protagoniste en Iran, au Tractor Sazi. Comme à son habitude son mandat tourne court, quelques mois après une nouvelle démission de l’excentrique bonhomme. L’histoire entre le football et Toshack semble avoir pris fin. Cependant, sa grande gueule fait encore recette, lui qui est régulièrement invité à donner son avis sur le niveau de Gareth Bale ou du Real notamment.
Pas reconnu à sa juste valeur, Toshack aura pourtant permis une vraie révolution en Liga avec son jeu et sa tactique innovante. Pourtant, ce que l’on retient par-dessus tout ce sont ses expressions anglais traduites mots à mots en espagnol qui auront laissé de nombreux journaliste pantois. Sa plus célèbre : « les critiques m’importent autant que l’eau sur le dos d’un canard« . Personnage particulier et attachant, JB reste toujours apprécié à la Real Sociedad et dans la ville de San Sebastian, où il a une maison. Il est certain que la finale de Ligue de Champions entre Liverpool et Tottenham disputée à Madrid aura une saveur particulière pour lui.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13