Jordi Alba a 30 ans, est au FC Barcelone depuis 2012 et va fêter son 300e match avec la tunique Blaugrana. Une éternité pour un joueur qui incarne le meilleur mais aussi le pire d’un club qui ne se réinvente plus depuis quelque temps. À l’aube de retrouver le club où tout a changé pour lui en finale de Copa Del Rey, la gestion du cas Alba par les Catalans pose question. Passage en revue de la carrière du latéral et de ce que son profil dit sur les problèmes actuels du Barça.
Dans le jeu, Jordi Alba reste une référence en termes de latéral porté vers l’offensive. Véritable mobylette sur son côté, Jordi adore dominer l’entier de son couloir. Recalé par le Barça pour sa petite taille, puis ayant explosé par la suite à Valence, le joueur a connu une progression particulière. À son arrivée en terres valenciennes, Alba est un petit ailier qui ne réussi pas à faire de grandes différences bien qu’il soit très actif dans le jeu. Après un prêt peu concluant au Nastic, tout bascule début 2010. Unai Emery, entraîneur de Valence à cette période, subit une hécatombe de blessures au poste de latéral gauche. Il lance donc le natif de l’Hospitalet à cette place. C’est une révélation ! Jordi Alba ne quittera plus cette position et se révélera aux yeux du grand public.
L’ascension fulgurante d’un garçon pressé
Deux ans après avoir découvert son nouveau poste, il est un titulaire indiscutable de la Roja lors du sacre à l’Euro en Pologne et en Ukraine. Mieux encore, il est élu meilleur joueur de Valence lors de cette année par les supporters, en plus d’être sacré meilleur latéral de l’Euro. « Xavi cherche un coéquipier, Alba dédouble comme une moto, Xavi la donne à Alba, allez Jordi, GOOOOL« . Le pressé Jordi Alba s’offre même le luxe de marquer en finale contre l’Italie et de désinhiber définitivement les commentateurs espagnols à son sujet. Au sommet de son art, le latéral gauche rejoint le Barça le même été.
Jordi a 23 ans et retrouve le club qui l’avait recalé dans sa jeunesse. Un club qui l’a toujours fait rêver depuis petit. Dès son arrivé, il devient un indiscutable sur la gauche. Rapide, véloce, capable de désorganiser toute une défense simplement par un appel, Jordi avale les kilomètres et permet au Barça d’aérer son jeu. De l’autre côté, Dani Alves fait des étincelles avec Messi. Alba empile les trophées nationaux mais subit plusieurs contrecoups en Ligue des Champions. En 2013 puis en 2014, l’arrivée de Neymar puis de Luis Enrique vont freiner sa progression. Alors que le latéral aime avoir son couloir pour lui tout seul, le profil du Brésilien et l’évolution du jeu instaurée par l’ancien míster du Celta le cantonnent à un travail principalement défensif.

Pas dans un style qui l’apprécie, Jordi fait le taff mais n’impressionne plus. Les départs conjoints de Luis Enrique et de Neymar à l’été 2017 vont être salutaires pour « Jordi de l’Hospitalet ». L’ancien de Valence retrouve la pleine possession de son domaine. L’axe Messi-Alba se remet à briller et le Barça profite à fond de ce circuit. Enersto Valverde l’explique bien : « Les connexions entre Jordi Alba et Lionel Messi sont l’assurance vie de l’équipe. C’est une de nos armes et nous en profitons très bien. Ils s’entendent très bien en attaque. Les montées de Jordi Alba sont inattendues pour l’adversaire et elles nous aident beaucoup ».
Alba-Messi, le symbole d’un Barça qui se repose sur ses acquis ?
Depuis son avènement au Barça, le roi Messi aura toujours eu une relation très particulière avec ses latéraux, plus qu’avec ses milieux ou ses attaquants. L’argentin centralise le jeu du Barça comme une carte mère, mais avec les extrêmes défensifs, il joue un tango très particulier. Il aime énormément lancer ses hommes extérieurs pour ensuite être à la réception d’un de leurs centres. Alves puis Alba ont directement participé à la réussite de ces schémas. Défenseurs de coté qui pensent comme des ailiers, les deux ont été maximisés tout comme le génie argentin les a maximisés.
Le porteur du numéro 18 le rappelle quasiment à chaque fois qu’on lui tend un micro. Pour France Football il explique : « nous jouons ensemble depuis sept ans et il a fait de moi un meilleur footballeur ». Pour El País, il s’est un peu plus épanché sur sa relation avec le D10S : « Je le connais [Leo Messi] et je sais qu’à tout moment, il te trouve. Contre l’Atlético, personne ne s’attendait à ce que cela se produise, mais je savais qu’il me verrait. J’essaie d’offrir des sorties à mes coéquipiers et Léo voit la passe aussi facilement que le but. C’est le plus complet que j’aie jamais vu. Quiconque de réaliste sait qu’il n’y a personne comme Leo. »

Ce lien particulier qui unit les deux joueurs est le socle des derniers succès du Barça. Les deux gauchers se comprennent les yeux fermés et une grande partie des passes décisives de l’Espagnol ont été des offrandes pour l’Argentin. Prolongé jusqu’en 2023 tout récemment, Alba fait partie de l’ossature du Barça de Messi, avec Ter Stegen, Rakitic ou Suarez. Des joueurs qui ont été choisis et adoubés par le Roi de Barcelone. Une gestion logique. Quand on dispose dans son effectif d’un garçon capable de tout changer plusieurs fois dans un match, on lui fait confiance sur le choix des hommes. Cependant, depuis maintenant plusieurs saisons, le Barça ne se met plus en quête de joueurs pour créer de la concurrence dans son groupe. Il préfère faire venir de nouveaux éléments simplement pour suppléer des titulaires déjà bien installés.
Des choix qui posent toujours et encore question. Bien sûr, il est compliqué de déloger Alba, mais une concurrence juste est salutaire pour un groupe. Depuis son arrivé en 2012, Jordi n’a eu qu’Adriano puis Luca Digne dans les pattes. Cette saison ? C’est le jeune Miranda qui doublait le poste, avant de retourner au Barça B. Depuis, c’est surtout Vermaelen qui dépanne. Le Barça ne cherche plus à se réinventer ni à anticiper des baisses de formes. Il use ses meilleurs joueurs, son ossature, sans chercher à doubler les postes pour gérer au mieux son effectif et tirer son monde vers le haut.
Alba, Busquets, Suarez, même combat ?
L’idée n’est pas de mettre Jordi Alba à la porte, mais depuis son arrivée, il n’a pas développé son jeu quand le ballon est arrêté par exemple, là où il est le plus défaillant. L’ancien de Valence s’est contenté, avec brio, de renforcer son jeu en mouvement, un secteur où il excellait déjà avant son retour en Catalogne. Cette politique montre bien que le Barça se repose d’abord sur ses acquis et réfléchit à la petite semaine au lieu de voir toujours plus loin dans le temps. Une gestion qui se juxtapose avec celle des cas Busquets ou Suárez, sans réels concurrents cette saison. Pour doubler Sergi ? On fait descendre Rakitic. Quand Suarez tire la langue ? C’est souvent Leo qui reprend le poste, vu que Boateng n’est venu que pour toucher les équipements. Le Barça a été vanté pour son jeu révolutionnaire, depuis, il fait illusion grâce à ses individualités et personne ne trouve rien à redire du côté de la direction.
C’est clairement un problème de riche, mais la non-volonté du Barça de mettre sur pied un groupe de 18 ou 20 cohérents montre bien que le board blaugrana cherche avant tout à assurer la pérennité des succès à court terme, sans préparer réellement l’avenir. Des choix qui interrogent et qui expliquent en partie pourquoi le Barça domine aussi facilement la Liga tout en se cassant les dents régulièrement en Europe. On l’a vu avec les qualifications de Liverpool ou Tottenham acquises malgré de nombreuses blessures. Le Barça est encore prévenu mais ne semble malheureusement pas disposé à changer son fusil d’épaule. Attention à la chute …
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13