Arrivé en toute fin de mercato en août 2018, on attendait pas grand chose de Cucurella pour sa première saison en Liga. Dans une équipe au jeu très différent des préceptes barcelonais, le latéral de formation s’est remis en question pour devenir un incontournable à Eibar. Pour le dernier match de la saison, Marc va affronter son club formateur avec un nouveau statut mais un avenir toujours incertain. Portrait d’un garçon au jeu aussi organisé que sa coupe de cheveux.
L’été de Marc Cucurella fut assez compliqué à gérer. Auteur de très bonnes performances avec le Barça B et en Youth League les saisons dernières, il était en concurrence pour devenir la doublure d’Alba avec Miranda. Les deux ont des styles assez différents, Cucurella ressemble beaucoup à Alba dans le jeu mais a aussi ses défauts. Le latéral passé par l’Espanyol avant de rejoindre le Masia apporte toujours un plus offensivement. Cependant, cet apport offensif s’associe aussi à de grandes défaillances défensives. Souvent hors du tempo quand il doit défendre en reculant, il n’apporte aucunes certitudes. Sa lecture des trajectoires est aussi plutôt mauvaise. En gros, Cucurella a la vitesse, la technique mais il n’a pas encore l’intelligence de jeu ni la gestion des efforts.
Un départ à Eibar surprenant aux premiers abords
Sans scandale, c’est Miranda qui est donc choisi par la direction pour être la doublure d’Alba. Malgré un mental qui semble un peu défaillant, son jeu plus au point a eu logiquement les faveurs de Valverde. De son côté Cucurella est poussé à aller voir ailleurs pour exploser et confirmer son potentiel. Il était inconcevable de voir ce garçon évoluer en Segunda B. Les propositions sont nombreuses pour Marc qui ne se presse pourtant pas. La latéral veut rester en Liga et être dans un club où il aura sa chance. Quand se présente l’option Eibar, il n’hésite pas. Le club basque rempli de nombreux critères et en plus de lui offrir du temps de jeu, Cucurella va sortir de sa zone de confort. Un choix plus que payant au terme de cette saison 2018-2019 mais qui interroge en août.
Sur le papier, Eibar est le club parfait pour grandir quand on est un jeune joueur doté de qualités physiques au dessus de la moyenne. Le jeu des hommes de Mendilibar est anxieux, dés que les Armeros récupèrent le cuir c’est tout un bloc qui explose en contre avec des multiples appels et des renversements de jeu à foison. Pour faire simple, pas de jeu de possession ou de redoublement de passes, à Ipurua dés qu’on récupère le cuir on le balance vers le ailiers qui vont rechercher directement un appui ou un centre dans la boite. Ce jeu marche parfaitement et permet à Eibar de se maintenir sans problème en Liga depuis plusieurs saisons. Cependant, cette philosophie va à l’encontre de ce que fait Cucurella habituellement en match, et on va très vite le remarquer lors de ses premières sorties sous cet autre maillot azulgrana.
Sans tomber dans la caricature du jeu du Barça, Cucurella aime évoluer dans des petits espaces et surtout recherche avant tout une solution à proximité avant de vouloir allonger. Depuis toujours on lui explique qu’il ne doit pas balancer le ballon et encore moins quand il peut trouver le moyen d’avancer en jouant au sol. Bien sûr, il sait se servir de sa pointe de vitesse mais au Barça, on lui demande d’abord de faire évoluer le cuir par la passe et non par le dribble. C’est pourtant l’inverse qu’on lui demande à Eibar. On dribble, on se projette, on abuse du jeu long, bref Cucurella doit se réinventer pour performer.
Une mutation plus que réussie
Lors de la 6e journée de Liga, après être resté sur le banc lors des deux journées précédentes, Cucurella débute son premier match avec Eibar au poste de latéral gauche. Pour ce déplacement à Cornella pour affronter l’Espanyol il dispute l’intégralité de la rencontre. Il en ressort une prestation de bonne facture malgré quelque balles perdues et souvent des choix à contre temps de son équipe. Cependant, on remarque tout de suite quelque chose, Cucurella a une facilité à éliminer son vis à vis par le dribble. Jusqu’à la 12e journée de Liga, Cucurella ne retrouve plus le onze titulaire et se contente de bouts de matchs. Tout change lors de ce match face à Valladolid, le latéral est positionné en ailier gauche, une révélation.
Ce coup de poker de Mendilibar est un choix mûrement réfléchit et qui colle avec les attentes du technicien basque. Dans son 442 modulable en 4231 il a besoin que ses latéraux apportent offensivement tout en maîtrisant le couloir et la profondeur. Aussi, il exige que ses ailiers soient en capacité de faire des différences qu’elles soient par le dribble ou la vitesse pour profiter des espaces créés par sa philosophie. Cucurella en latéral c’est un garçon qui attaque son couloir sans le maîtriser. Cependant, quand il est positionné plus haut sur le terrain, son style colle mieux à ce que demande Mendilibar sans que l’équilibre de la formation des basques ne soit remis en cause.

Surtout que ce repositionnement est couplé à une progression notable dans son jeu. Sans avoir réussi à coller avec le jeu demandé par Eibar, Cucurella a toujours pas mal de déchets quand il doit allonger le jeu. Le latéral de formation a apporté énormément à son nouveau club plus haut sur le terrain. Au fil de matchs, l’ailier a semblé réussir à gérer son jeu, et a enfin faire les bons choix. Là où il est le plus déterminant c’est dans sa capacité à orchestrer un pressing souvent seul. Régulièrement, il va harceler les centraux ou les milieux adverses. En moyenne il représente à lui seul 13% des récupérations de son équipe. Un score élevé pour un ailier mais qui représente bien la manière dont Cucurella s’est adapté aux exigences de Mendilibar. Sans se renier ni oublier ce qu’il a appris lors de sa formation en tant que latéral, l’ancien du Barça a réussi à les coupler à une meilleur utilisation de ses qualités techniques en développant sa lecture du jeu. En quelques mois il est passé de joueur peu connu à figure de proue d’un Eibar conquérant qui est capable de gifler le Real Madrid.
Une pluie de compliment mais un avenir encore incertain
Malgré le fait que ses statistiques soient encore un peu faibles (seulement 2 passes décisives cette saison dont une face au Real), le temps de jeu de Cucurella pour sa première saison en Liga montre bien l’évolution du jeune latéral. C’est bien simple, il aura pris part à 30 matchs de Liga (surement 31 après la réception du Barça) pour plus de 2000 minutes jouées. En plus d’être un titulaire, Cucurella a aussi collectionné les compliments.
Le plus dithyrambique est son coach, José Luis Mendilibar. Le basque décrit avec humour le style de footballeur qu’est Cucurella : « Ce gars (Cucurella) n’est pas rapide, il n’est pas fort, il n’a même pas réussi à participer à tous les tests que nous faisons avec nos machines. Avec ces statistiques, vous ne le signeriez jamais » Cependant il poursuit :« Mais il est très intelligent, il prend les bonnes décisions, c’est un grand footballeur ». Fran Garagarza, le directeur sportif d’Eibar en rajoute une couche. « Nous avons été surpris par sa performance, il était très souvent supervisé, car les filiales sont des équipes que nous voyons beaucoup, nous ne l’avons pas signé pour être ailier mais pour concurrencer Cote «
Avant d’affronter le Barça pour le dernier match de la saison, Cucurella est pourtant dans un certain flou concernant son avenir. Prêté par les catalans avec option d’achat aux basques d’Eibar, le natif d’Alella ne sait pourtant pas où il jouera la saison prochaine. Le direction sportif d’Eibar a vendu la mèche : « Vu la performance du garçon et sa qualité, si vous me demandez à présent ce qu’il ferait, je dirais que nous envisagerions de payer l’option d’achat qui est très inférieur aux 5 millions d’euros ». Cependant, comme il est coutume en Espagne, le Barça aura toujours une option de rachat sur le joueur qui pourrait être récupéré par les catalans pour être revendu à un montant bien plus supérieur par la suite. Un transfert qui va conditionner beaucoup de choses dans l’avenir du joueur de 20 ans. La carrière de Cucurella semble bien lancée mais elle peut aussi très vite dérayée. A lui de faire encore une fois les bons choix, il serait dommage de gâcher une si belle progression.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13